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Chapitre II : Etude des solutions de nanotubes de carbone

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Nous avons choisi de nous intéresser à la technique de filage en voie humide développée par Vigolo et al [30], technique permettant d’obtenir de façon simple, rapide, à température ambiante et en grande quantité des fibres de nanotubes orientés.

I. Fibres

Le procédé de filage schématisé dans la figure 10 consiste à injecter la solution (dispersion ou solution polyélectrolyte de nanotubes de carbone) réalisée préalablement à l’aide d’une seringue munie d’une aiguille, dans un flux de polymère coagulant, ici le poly (vinyl alcool) (PVA).

En s’adsorbant à la surface des nanotubes, le PVA crée des interactions de pontage qui les lient entre eux. Le flux imposé à la solution lors de son injection dans le bain de polymère coagulant aligne les nanotubes dans la direction de ce flux pour former des fibres.

On positionne l’aiguille de diamètre 0.5 mm dans le bain de PVA (solution aqueuse à 5% en masse de PVA à 195 000 g. mol-1) de manière à ce que l’extrémité de l’aiguille soit située à 2 cm du centre de ce dernier et de façon tangentielle au flux de PVA.

Figure 10 Représentation schématique du dispositif expérimental de filage de nanotubes en voie humide développé par Vigolo et al.

Figure 10 : Représentation schématique du dispositif expérimental de filage de nanotubes en voie humide développé par Vigolo et al.

Il est possible d’associer, à l’extrémité de l’aiguille d’injection, une buse conique de diamètre 300 μm environ et dont les contours sont bien définis. Elle a pour principal effet de créer un premier cisaillement élongationnel qui force les nanotubes à s’orienter dans le sens du flux, et d’améliorer la qualité du jet de solution injectée dans le bain coagulant, ce qui améliore l’homogénéité des fibres de nanotubes. La figure 10 expose des clichés de cette buse conique.

Figure 11 Clichés de la buse de filage (longueur  environ 1 cm, diamètre du conduit à l’extrémité 300 μm)

Figure 11 : Clichés de la buse de filage (longueur : environ 1 cm, diamètre du conduit à l’extrémité : 300 μm)

La vitesse d’injection de la solution ainsi que celle de la rotation du bain de PVA sont variables. Une fois les fibres fabriquées (figure 12.a), on les extrait du bain à l’aide d’une pipette et on peut les rincer dans de l’eau distillée pour éliminer partiellement le PVA, soluble dans l’eau.

Ensuite on sèche les fibres à l’air libre (figure 12.b), l’eau étant éliminée par évaporation et drainage.

(a) Fibre composite NTC PVA dans de l’eau distillée (b) Séchage des fibres composites NTC PVA

Figure 12 : (a) Fibre composite NTC/PVA dans de l’eau distillée, (b) : Séchage des fibres composites NTC/PVA

II. Caractéristiques visuelles des fibres

Il est possible d’obtenir avec les dispersions et les solutions polyélectrolytes de nanotubes de carbone SWAN, des fibres dont la longueur varie de quelques centimètres à plusieurs dizaines de centimètres. Et ceci grâce à la facilité avec laquelle on peut extraire ces fibres du bain du PVA avec la pipette sans créer de cassure.

Ceci est loin d’être le cas avec les solutions polyélectrolytes Hipco. En fait, on remarque que lors du filage de ces solutions, on voit l’apparition dans le bain coagulant, autour des fibres, de « gouttelettes » noires (figure 13.b) et ceci contrairement à ce qu’on l’observe en filant des nanotubes SWAN (figure 13.a). Et quand on essaie de les extraire à la pipette, elles cassent à différents endroits, ce qui nous empêche d’avoir des fibres assez longues à partir de ce type de solution.

(a) Fibre SWAN (b) Fibre Hipco

Figure 13 : (a) Fibre SWAN, (b) Fibre Hipco

II. 1 Observation des fibres par microscopie optique

On a observé au microscope optique trois sortes de fibres préparées dans les mêmes conditions de filage c’est-à-dire avec un débit de la seringue de 50mL/h et une vitesse de la tournette de 50trs/min (figures 14(a), figures 14(b) et figures 14(c)).

Figure 14 Clichés obtenus par microscopie optique

Figure 14 : Clichés obtenus par microscopie optique (objectif x 20, échelle 20 μm) : (a) Fibre brute obtenue à partir des dispersions SWAN, (b) fibre brute obtenue à partir des solutions SWAN et (c) fibre brute obtenue à partir des solutions Hipco

La fibre préparée à partir des dispersions SWAN est irrégulière, vrillée et de diamètre avoisinant les 40 μm. Les fibres préparées à partir des solutions sont par contre plus régulières et plus fines : 30 μm pour les fibres SWAN et 20 μm pour les fibres Hipco.

II. 2 Thermogravimétrique (ATG)

L’ATG consiste à mesurer la variation de masse d’un échantillon de quelques milligrammes lors d’un cycle thermique fait sous flux d’argon. En effet, à l’aide d’une balance à équilibre constant (on compense la perte de poids de l’échantillon par des bobines à induction), on détermine la perte massique de l’échantillon en fonction de la température. Pour l’étude de notre fibre, on a fait le cycle thermique suivant :

Thermogravimétrique (ATG)

Les valeurs obtenues sont issues de l’évolution des paramètres de l’échantillon comparativement à celles d’une référence étalon inerte (deuxième partie du cycle).

Ainsi à 600°C, tout le PVA se dégrade sous forme de CO2, de NH4…Et à la fin du premier palier à 600°C, il ne reste plus dans l’échantillon que les nanotubes de carbone dont on peut alors déterminer le pourcentage massique.

On procède à l’ATG d’une fibre préparée à partir d’une solution de nanotube de carbone SWAN, filé avec un débit de seringue de 50 mL/h et une vitesse de rotation du bain coagulant de 50 trs/min.

Le pourcentage de nanotubes de carbone obtenu, (voir annexe) est de 28,31%. Ce pourcentage est relativement faible par rapport à celui obtenue avec les fibres préparées à partir des dispersions SWAN filés dans les mêmes conditions (50%).

III. Caractérisation mécaniques des fibres

III.1 Technique expérimentale

Le dispositif expérimental utilisé pour mesurer les propriétés mécaniques des fibres est schématisé à la figure 16.

Ces mesures sont réalisées à l’aide d’un appareil commercial (Zwick/Z2S) qui donne accès, à chaque instant t, à la force F mesurée par le capteur et à la position z de la traverse. La vitesse de traction est imposée à 200μm/s. Les échantillons mesurent environ 3 cm de long. Nous mesurons ainsi au cours de l’expérience la force nécessaire pour allonger la fibre d’une longueur Δl. La réponse typique d’une fibre à une telle sollicitation est rapportée à la figure 17.

Schéma du dispositif de traction

Figure 16 : Schéma du dispositif de traction

Réponse caractéristique d’une fibre de nanotubes (monoparoi) à une sollicitation mécanique en traction

Figure 17 : Réponse caractéristique d’une fibre de nanotubes (monoparoi) à une sollicitation mécanique en traction

Avec

σ r : Contrainte à la rupture
Alr : Allongement à la rupture

L’intégration de l’aire sous la courbe conduit à ce qu’on l’appelle ténacité (T). La ténacité correspond à l’énergie que peut absorber le matériau jusqu’à sa rupture

La contrainte σ est obtenue en divisant la force F par la section S de la fibre. La section S peut être obtenue en microscopie optique, soit en mesurant le diamètre de la fibre, soit par le biais d’un cliché de sa section et du calcul direct de sa surface à l’aide d’un logiciel d’imagerie (Scion).

équation correspond à l’allongement relatif de la fibre par rapport à sa longueur initiale lo entre les deux mâchoires.

Remarque

Vu la dispersion des mesures obtenues à partir des essais de traction sur chaque type de fibre, les données qui seront présentées proviennent de moyennes effectuées sur au moins cinq échantillons.

III.2 Résultats expérimentaux

A partir du procédé du filage décrit dans le paragraphe III.1 et en utilisant des dispersions et des solutions polyélectrolytes de nanotubes SWAN préparés comme décrit dans les paragraphes I.2.1 et I.2.2, on a obtenu trois sortes de fibres de nanotubes de carbone.

On appellera les fibres directement extraites du PVA, des extrabrutes. Celles extraites du PVA et lavées une fois avec de l’eau des brutes et celles extraites du PVA et lavées trois fois avec de l’eau des lavées.

On va essayer dans un premier temps de comparer les propriétés mécaniques de fibres obtenues à partir des solutions et de dispersions de nanotubes de carbone. Ensuite et dans le but d’optimiser les conditions de filage des solutions de nanotubes, on filera avec et sans la buse et puis on variera la vitesse de rotation du bain coagulant et on étudiera les propriétés des fibres obtenus.

III.2.1 Comparaison entre les fibres obtenues à partir des solutions et des dispersions

Pour comparer les caractéristiques mécaniques des fibres obtenues à partir des solutions de nanotubes et celles obtenues à partir des dispersions, on a utilisé les mêmes conditions de filage dans les deux cas (dispersion et solution). La vitesse de rotation du bain est de100trs/min et le débit de la seringue est de 50mL/h).

Des différentes courbes expérimentales, nous avons extrait les données fournies dans le tableau cidessous :

Comparaison entre les fibres obtenues à partir des solutions et des dispersions

A partir de ce tableau, on peut déduire les points suivants:

– Les fibres extrabrutes préparées à partir des dispersions de nanotubes de carbone présentent un module d’Young, une contrainte et un allongement à la rupture ainsi qu’une ténacité supérieurs à ceux des fibres extrabrutes préparées à partir des solutions.

– Les fibres brutes préparées à partir des dispersions de nanotubes de carbone présentent un module d’Young, une contrainte à la rupture ainsi qu’une ténacité supérieurs à ceux des fibres brutes préparées à partir des solutions qui en revanche, possèdent un allongement à la rupture plus important.

– Les fibres lavées préparées à partir des dispersions de nanotubes de carbone présentent un module d’Young, une contrainte et un allongement à la rupture ainsi qu’une ténacité supérieurs à ceux des fibres lavées préparées à partir des solutions.

En conclusion, les fibres préparées à partir des dispersions de nanotube de carbone possèdent en général des propriétés mécaniques légèrement meilleures que celles préparées à partir des solutions.

On s’attendait pourtant à une amélioration des propriétés mécaniques des fibres préparées à partir des solutions de nanotubes de carbone étant donné que ces dernières présentent des nanotubes très longs et exfoliés.

Ceci peut trouver une explication dans les informations fournies par l’ATG. En effet, il est possible que le faible pourcentage de nanotubes de carbone contenu dans les fibres préparées à partir des solutions de nanotubes (28%) par rapport à ceux préparées à partir des dispersions (50%)soit à l’origine d’absence d’une amélioration des propriétés mécaniques.

III.2.2 Rôle de la buse

Pour étudier le rôle de la buse conique, on a filé des fibres à partir des solutions SWAN avec une vitesse de rotation du bain de 100trs/min et un débit de la seringue de 50mL/h et ceci avec et sans buse. Les résultats sont regroupés dans le tableau ci-dessous :

Comparaison entre les fibres obtenues à partir des solutions et des dispersions 2

A partir des mesures observées, on peut tirer les remarques suivantes :

– Les fibres extrabrutes filées sans buse sont plus fines que celles filées avec buse. Cependant, elles présentent un module d’Young, une contrainte à la rupture ainsi qu’une ténacité supérieurs à ceux des fibres filées avec buse. Ces derniers présentent néanmoins un allongement à la rupture plus important.

– Les fibres brutes filées sans buse sont plus fines que celles filées avec buse. Cependant, elles présentent un module d’Young, une contrainte et un allongement à la rupture ainsi qu’une ténacité supérieurs à ceux des fibres filées avec buse.

– Les fibres lavées filées sans buse sont plus fines que celles filées avec buse. Cependant, elles présentent un module d’Young, une contrainte et un allongement à la rupture ainsi qu’une ténacité supérieurs à ceux des fibres filées avec buse.

D’une façon générale, les propriétés mécaniques des fibres faites sans buse sont meilleures que celles faites avec la buse. Cependant, on remarque lors de la mesure des sections des deux bouts de la fibre cassée après l’essai de traction que :

Les deux sections d’une même fibre sont homogènes pour une fibre filée avec une buse alors qu’une fibre faite sans buse présente une grande différence entre les deux sections mesurées (voir Annexe).

Sachant que la cassure qui se produit lors du test de traction, est parfois du à des défauts dans la fibre (grosseur, minceurs), on peut penser que si la section des fibres filés sans buse sont fine c’est parce que la cassure s’est produite dans une minceur.

III.2.3 Influence de la vitesse de rotation du bain

En essayant de varier les conditions de filage, on a modifié la vitesse de rotation du bain : 50 trs/min puis 100trs/min tout en gardant le même débit de la seringue (50mL/h) et la même solution polyélectrolyte SWAN. Les résultats obtenus sont résumées dans le tableau suivant :

Influence de la vitesse de rotation du bain

Des résultats obtenus, on peut déduire les conclusions suivantes :

– Les fibres extrabrutes filées à 100 trs/min sont plus fines que celles filées à 50 trs/min. Elles présentent un module d’Young, une contrainte et un allongement à la rupture ainsi qu’une ténacité supérieurs à ceux des fibres filées à 50trs/min.

– Les fibres brutes filées à 100 trs/min sont plus fines que celles filées à 50 trs/min. Elles présentent un module d’Young, une contrainte à la rupture ainsi qu’une ténacité supérieurs à ceux des fibres filées à 50trs/min, qui présentent une revanche un plus fort allongement à la rupture.

– Les fibres lavées filées à 100 trs/min sont plus fines que celles filées à 50 trs/min. Mais contrairement aux fibres extrabrutes et brutes, elles présentent un module d’Young, une contrainte à la rupture ainsi qu’une ténacité inférieurs à ceux des fibres filées à 50trs/min. La valeur de l’allongement à la rupture est presque identique pour les deux types de fibres.

Essayons maintenant d’expliquer ces résultats :

– Les sections des fibres sont plus grandes dans le cas où la vitesse du bain est de 50 trs/min car, avec le même débit de la seringue, si on augmente la vitesse de rotation du bain, on va alors augmenter le cisaillement. En d’autres termes, à 50trs/min obtiendra plus de matière à la sortie de la seringue qu’à 100trs/min d’où des fibres plus grosses.

– Les fibres à plus fort cisaillement possèdent les meilleures propriétés mécaniques et ceci peut être expliqué par le fait que, si le cisaillement augmente, on a un meilleur alignement des nanotubes de carbone au sein de la fibre composite. Cette explication peut être valable pour les fibres brutes et extrabrutes mais pas pour les lavées.

Conclusion

On a présenté au cours de ce chapitre, la méthode employée pour le filage des solutions et des dispersions de nanotubes de carbone.

Les fibres issues de ce filage ont été ensuite comparées optiquement : les fibres préparées à partir des solutions sont plus fines, plus régulières et non vrillées en comparaison avec ceux préparées à partir des dispersions. De point de vue caractéristique mécanique, les fibres obtenues à partir des deux systèmes (solution et dispersion) ne présentent pas de différence extraordinaire.

La dernière partie de ce chapitre était destinée à l’optimisation des conditions de filage des solutions de nanotubes de carbone : Filées sans buse, les fibres présentent en général de meilleures caractéristiques mécaniques. Avec une vitesse de rotation du bain coagulant égale à 100 trs/min, on obtient des fibres extrabrutes et brutes meilleures de point de vue caractéristiques mécaniques qu’avec une vitesse de 50trs/min à l’inverse des fibres lavées.

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