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Chapitre 5 : La qualité, indispensable processus pour le développement des filières

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Nous avons introduit ce chapitre en évoquant l’indispensable besoin de qualité pour entrer dans une logique globale de manière durable et non sur une base dominant (Nord), dominé (Sud). Ce besoin de qualité peut être lié à une « logique analytique inversée ». Comme l’explique G. HENAULT (2008), dans une logique de développement l’analyse de filière est obligatoire et est devenue courante par les opérateurs de développement mais il réside souvent des problèmes d’accessibilité au marché. L’auteur nous explique que c’est un problème de mercatique. Quand on analyse une filière on a toujours une logique d’amont en aval, or dans un monde ou l’offre est supérieure à la demande, nous ne retrouvons plus cette logique ou il suffisait de mettre en avant les caractéristiques d’un produit pour le vendre. Il faut donc selon lui, partir du consommateur pour ensuite remonter la filière et adapter la mercatique et le produit (marketing mix) aux besoins des consommateurs.

La mercatique au service du développement durable. HENAULT, 2008

Encadré 5 : La mercatique au service du développement durable. HENAULT, 2008

D’après G. HENAULT, il faut se concentrer sur « des marchés d’exportations potentiellement porteurs pour l’entrepreneuriat coopératif » tel que les produits biologiques, les alicaments, les produits équitables, les produits exotiques et ethniques. Ce sont autant de niches de produits qu’il faut mettre en avant dans le cadre des filières issues de pays du Sud. Même si l’enthousiasme de l’auteur est en faveur d’un privilège accordé aux « filières d’exportations coopératives », il met en avant des critères qui sont importants à prendre en compte pour pouvoir atteindre ces marchés, notamment la qualité, la traçabilité, la promotion, la certification. Nous nous attarderons donc sur ces critères.

En termes de qualité, nous entendons quelque chose de générique qui engloberait d’autres critères plus spécifiques, alors que l’auteur considère la qualité comme un critère en soi, qui permettrait le maintien d’une qualité constante dans les productions agricoles des pays du Sud.

La mercatique au service du développement. HENAULT, 2008

Encadré 6: La mercatique au service du développement. HENAULT, 2008

Il insiste par la suite sur la nécessité de lier des partenariats Sud Sud et Nord Sud pour oeuvrer vers un développement durable et pour que ces filières d’exportations ne soient pas dans une logique d’approvisionnement du Nord, sur le modèle économique colonialiste.

D’après les recherches effectuées et l’expérience du terrain avec l’union YIRIWASSO au Mali, nous pouvons estimer que la qualité n’est pas un critère en soi, nous préférons une approche systémique dans laquelle nous incluons comme gage de qualité, la rationalisation des processus, la gouvernance, la gestion… tout ce qui a attrait à la démarche entrepreneurial mais aussi la traçabilité des produits, la labélisation, la certification (biologique et/ou équitable), la normalisation (normes ISO…).

Tous ces aspects qui paraissent différents deviennent gages de qualité par le jeu de la transversalité.

En termes de localisation des produits et/ou d’indications géographiques, nous pensons qu’une filière doit être mise en avant à plusieurs niveaux et de différentes manières que ce soit par les circuits courts et la localisation des produits (traçabilité, produits du terroir), labels.

Dans les années quatre-vingt-dix on a connu une crise de confiance chez les consommateurs liée aux dérives de la production alimentaire industrielle (ESB, Dioxine, Légionellose…), autant de crises qui chez les consommateurs ont permis le développement des indications géographiques comme facteur de qualité. On a tendance à amalgamer circuits courts et produits locaux, alors que ce sont deux notions différentes, un produit issu d’un circuit court est obligatoirement un produit local alors qu’un produit local n’est pas toujours lié à un circuit court. Les produits locaux sont liés à une notion de provenance géographique qui est en réalité une appartenance à un terroir(11). On peut considérer local un produit traçable et spécifique à une zone géographique.

Par exemple le camembert de Normandie est un produit lié au terroir normand, à une région qui a développé un savoir-faire traditionnel alors que si ce produit est fabriqué en Chine, il n’est plus un produit local car il ne bénéficie plus de l’environnement qui fait la spécificité du camembert. Cette notion de terroir que nous venons de mettre en avant est aussi exploité dans la logique des labels bien connus en France grâce aux AOC (Appellation d’origines contrôlées). Les labels peuvent être considérés comme une hybridation entre les produits locaux et des normes de qualités supplémentaires. C’est avec les labels que la notion de terroir prend le plus de sens. Un label outre le fait d’identifier un produit à un environnement particulier (terroir), permet de mettre en avant un produit pour le respect des traditions et de la qualité liée à l’origine du produit. Des normes de qualités particulières définissent un terroir notamment le mode de production la qualité et l’origine des intrants, l’organisation (personne morale) dont est issue le produit… Dans la mise en place de ces labels il faut considérer le rôle de l’Etat qui permet de garantir avec des normes et conventions l’attribution du label. Sans cet accompagnement Etatique(12) qui permet de normaliser les choses, la qualité n’est pas toujours assurée même si l’initiative individuelle pour mettre en avant un produit issu du terroir représente en soi une volonté de mettre en avant une qualité et donc de se différencier des concurrents.

Nous définissons la traçabilité comme un critère pour faire d’un produit, un produit local mais en dehors des produits locaux la traçabilité reste un gage important de qualité.

Pour ce qui est des circuits courts, nous les définissons comme une désintermédiation dans la logique qui relie le producteur au consommateur. Pour les mettre en avant il faut travailler sur des produits qui demandent peu de transformation ou dont les transformations pour arriver à un produit fini sont réalisables par le producteur lui-même ou un artisan associé à ce dernier.

Les circuits courts interviennent dans une logique d’équité au profit des producteurs qui dans une logique paysanne se retrouvent étranglés par les intermédiaires que sont les distributeurs, les grossistes, les transformateurs, ou tout autre intervenant qui essai de tirer les prix de vente des producteurs vers le bas ce qui engage un cycle de dépréciation de l’activité, de la qualité des produits et donc de l’ensemble de la filière correspondante.

Les circuits courts représentent une alternative intéressante pour le dynamisme local et donc pour cette économie locale.

« L’idée de produits locaux est liée à la montée d’une économie territorialisée. On est passée en une quinzaine d’années, d’une économie très standardisée fondée sur des normes quasi mondiales, à une économie territoriale. Cela renvoie à une économie de proximité, à la théorie des districts italiens, aux systèmes agroalimentaires localisés, aux notions d’ancrage territorial… Donc le territoire prend une valeur centrale et cela explique comment les groupes d’entreprises créent des territoires qui ont des règles d’évolutions endogènes communes » (SYLVANDER, 2005).

Il est toutefois important de souligner certaines limite à ces « gages de qualités géographiques », comme le souligne V. BOISVERT et A. CARON : « la capacité des indications géographiques à protéger les savoirs locaux liés à la diversité génétique est souvent postulée (OMPI, 2004). Leur adéquation à cet objectif n’est cependant pas avérée. De plus, l’intégration de clauses relatives à la biodiversité et aux savoirs associés peuvent apparaître comme une forme de protectionnisme et mener à des différends commerciaux comme l’ont montré les négociations de sur ce thème de l’OMC.»

Nous mettons les logiques vivrières en avant depuis le début du texte et le développement de produits locaux apparaît surtout comme un besoin émis par les consommateurs occidentaux. Nous sommes donc dans une logique d’exportation incontestable en soutenant ce type de démarche. Nous pouvons néanmoins atténuer notre propos par la conscientisation et le cercle vertueux équitable que sous entendent souvent ces logique locales, qui plus est, interviennent sur l’opinion publique donc sur les choix politiques.

Pour justifier notre propos sur la dimension paradoxalement internationale des produits locaux issus des filières dans le Sud nous pouvons citer une fois de plus V. BOISVERT et A. CARON.

«D’une manière générale, les marchés internationaux sont, relativement à ces thèmes (produits locaux), bien plus porteurs que les débouchés locaux et régionaux. Grands dévoreurs d’images, ils sont en perpétuelle demande d’innovations, et de garanties nouvelle. R. Simenel, L. Auclair, G. Michon et B. Romagny soulignent d’emblée comment l’explosion de la demande internationale en huile d’argan s’accompagne de plus en plus souvent d’exigences de qualité et de spécificité propices à la promotion de spécialités locales et à la construction d’un dispositif de valorisation fondé sur l’origine du produit. Ce goût international est certes une bonne opportunité mais, comme nous le font remarquer M. François, P. Seyverath & J.M. Brun dans leur analyse des dynamiques cambodgiennes, la notoriété commerciale génère aussi un besoin urgent d’outils permettant de pallier les risques graves d’appropriations, de spoliation des communautés rurales, d’usurpation et de fraudes au profit par exemple, de firmes commerciales ».

Nous avons donc à la lecture de cet extrait l’expression du fait que les filières agricoles pour lesquelles on promeut le caractère local ont beaucoup plus de chances de connaître un développement au niveau international qui les obligent à avoir une qualité toujours supérieure et qui par effet d’entraînement agit sur d’autres filières de la localité ou d’autres sous-produits de la filière. Nous sommes donc ici dans l’expression d’un cercle vertueux qui justifie notre mise en garde du début quand nous attribuons le partage entre culture d’exportation et culture vivrière à un juste dosage qui doit être échelonné dans le temps.

De plus, les propos de ces auteurs justifient un encadrement institutionnel dans les logiques locales et géographiques attribuées à des productions d’origines agricoles.

Définition du commerce équitable, BALLINEAU, 2010

Encadré 7 : Définition du commerce équitable, BALLINEAU, 2010

Les critères liés aux aspects géographiques ne sont pas les seuls critères gages de qualité qui peuvent être mis en avant. La certification et la normalisation ont aussi leur part à jouer. En ce qui concerne la certification, on considère deux grands types de certifications qui ont chacune leurs spécificités. Nous considérons donc la certification équitable et la certification biologique.

Le commerce équitable est un gage de qualité dans la mesure où il est normalisé, tous les acteurs s’engagent à respecter une charte. Il existe deux types de certification équitable, WFTO et FLO-Int(13). L’une correspond à une logique de filière intégrée alors que l’autre est dans une logique de filière certifiée. « La première est représentée par WFTO. Contrairement aux entreprises (importateurs, industriels, distributeurs) qui ont recours à la certification FLO, les membres de WFTO font tous du commerce équitable leur activité principale. Ils n’ont recours, dans la mesure du possible, qu’à des partenaires à leur tour pleinement engagés dans la commercialisation de produits équitables (la distribution des produits dans les grandes et moyennes surfaces est sinon proscrite, du moins limitée). Il s’agit de la forme de commerce équitable la plus proche de la forme dite « historique » dans le sens où les acteurs de la filière sont spécialisés dans le commerce équitable grâce à des réseaux d’importation (centrales d’achats) et de distribution (magasins du monde) alternatifs (Diaz Pedregal, 2007, p.118). Au contraire, les membres de la filière certifiée peuvent n’être que partiellement engagés dans le commerce équitable : en règle générale, seuls quelques-uns de leurs produits sont labellisés, et ils sont pour la plupart distribués dans les grandes et moyennes surfaces. Cette filière reflète le choix stratégique fait par les fondateurs du label Max Havelaar de profiter du savoir-faire et des moyens dont disposent les importateurs, les industriels et les distributeurs conventionnels pour ne pas induire de coûts supplémentaires. » (BALLINEAU, 2010)

Il y a un double enjeu derrière la certification équitable qui est le standard de qualité de produits destinés au Nord principalement, donc, répondant aux normes de consommation en vigueur et la logique générale de développement qui entoure le commerce équitable. G. BALINEAU (, 2010) dans sa thèse sur Le commerce équitable : un outil de développement ? conclut en expliquant que malgré les charges supplémentaires pour les acteurs de la filière, les effets déstabilisateurs, l’insuffisance et l’instabilité de la demande… la qualité des produit issus du commerce équitable s’améliore sensiblement et la logique équitable peut apparaître comme un test de l’efficacité d’une politique de différenciation des prix en fonction de la qualité des produits sur l’ensemble de la filière concernée. Ce point de vue sur l’intérêt du commerce équitable peut être appuyé par la logique de communication qui entoure ces produits. En effet le fait de communiquer sur une filière équitable permet de faire connaître le produit et d’impacter directement les consommateurs et l’ensemble de l’opinion publique sur l’intérêt de la démarche et sur les volontés politiques au sein des pays producteurs de participer au développement de la filière.

Bien que la certification équitable puisse avoir un intérêt direct sur la filière concernée, il ne faut pas oublier la certification biologique qui est peut être certainement moins liée à une logique de développement direct mais qui a totalement son intérêt environnemental et social.

La certification biologique fait aussi l’objet d’une charte de qualité qui engage les producteurs à travailler dans le respect de l’environnement et du consommateur. La mise en place d’une certification de ce type pourrait être considérée comme lourde à supporter pour une organisation productrice du Sud, mais compte tenu de l’augmentation non substantielle du nombre de consommateurs bio dans les pays du Nord, elle offre une ouverture non négligeable sur des marchés qui peuvent être porteurs. En ce qui concerne le Sud et l’impact régional d’une telle certification, il faut garder en tête que la plupart des paysans du Sud n’ont pas les moyens pour acheter les intrants nécessaires à la mise en place d’une agriculture productiviste, ils n’ont pas non plus les moyens de la certification si ils ne sont pas aidés ou regroupés en coopératives. Toutefois si la barrière du coup de la certification est levée alors le simple fait de considérer l’incapacité à acheter des intrants chimiques peut nous montrer que par essence dans la plupart des cas leur production est déjà biologique comme il en est le cas pour le karité en milieu soudano sahélien. La certification biologique apparaît alors comme un moyen de mettre en place des améliorations productives et de réaliser un suivi de la qualité permanente des produits. Pour lever la barrière du coût de la certification, il est impératif de mettre en place des partenariats pour assurer des débouchés à courts termes qui puissent amortir les coûts de certification (mise aux normes et cotisations à intervalle régulier).

En ce qui concerne la normalisation de production, une filière peut passer par la normalisation ISO, mondialement reconnue comme un gage de qualité, mais des normes d’Etat ou régionales peuvent aussi être appliquées.

Dans cette première partie nous avons passés en revue la notion de filière, détaillée une méthodologie d’analyse et définit les points primordiaux à considérer dans cette analyse afin d’assurer un bon développement des filières dans le Sud. Maintenant que nous avons en mains toutes ces instruments et ces données, nous ne pouvons que nous intéresser à l’opérateur visé par la problématique posée : les ONG. Nous aborderons donc dans la partie qui suit la logique d’action que peuvent suivre les ONG pour avoir une démarche filière et nous mettrons en perspective l’intérêt qu’elles ont à adopter une logique systématique d’analyse de filière dans le cadre de projet de développement agricole.

11 Un terroir est défini comme « un système au sein duquel s’établissent des interactions complexes entre ensemble de facteurs humains (techniques, usages collectifs…), une production agricole et un milieu physique (territoire). Le terroir est valorisé par un produit auquel il confère une originalité (typicité). » Définition mise en avant dans le cadre de la politique nationale de qualité et d’origine française.
12 Au sujet de l’intervention de l’Etat, B. SYLVANDER explique : «En réalité l’influence des pouvoirs publics est ambigüe. Il me semble en effet qu’ils ont surtout pris acte de la demande croissante des consommateurs, par exemple pour les produits bio. Une fois constaté le développement du marché, il était important de le normaliser… pour éviter les fraudes sur ce type de produits.
13 Fairtrade Labelling Organizations International (organisations de labellisation du commerce équitable) et World Fair Trade Organization (ex-IFAT) (Organisation Mondiale de Commerce Equitable)

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