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Chapitre 4 : La concertation et la participation au coeur de l’étude de filière

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En détaillant des méthodologies d’analyses des filières, nous avons remarqué que très souvent les données statistiques et documentaires étant insuffisantes, il fallait aller sur le terrain pour rencontrer les acteurs de la filière. En ayant cette démarche d’aller vers les autres, nous sommes dans une logique participative. Il faut se rappeler que nous travaillons pour le développement des populations locales et non pour nous-mêmes. Alors que serions-nous sans ces acteurs, quel travail serions-nous capable d’accomplir ? La réponse à ces questions est rapide ; sans la concertation et la participation dans l’analyse de filière, notre travail serait vain.

Quels sont les méthodes à mettre en avant, comment rendre notre étude participative ? Nous allons tenter de répondre à tous ces questionnements.

En allant sur le terrain nous avons à faire face à des populations démunies quand il s’agit des populations rurales paysannes. Ce sont ces populations que nous devons aider en premier lieu en tant qu’ONG, ce sont eux notre priorité d’action. Ces paysans sont souvent dans une détresse telle que les ONG apparaissent le plus souvent à leurs yeux comme une bénédiction capable de répondre à tous leurs besoins. Même si nous devons tenter de répondre à ces besoins et que nous souhaitons agir de manière participative, il est indispensable de prendre un certain recul. Car des problèmes souvent d’ordre matériels simples sont en fait des problèmes d’accès au marché, à l’investissement, à la santé… Autant de besoins fondamentaux sur lesquels les populations seront en demande de biens matériaux et non de dynamiques permettant à long termes de les sortir de la situation dans laquelle elles sont actuellement.

Même si la participation est devenue la préoccupation principale des opérateurs de développement, il faut se méfier des logiques participatives et des outils à disposition. Comme le souligne J-P Olivier de SARDAN, « la conception selon laquelle il y aurait des besoins objectifs, communs à toute une population, que les représentant de celle-ci exprimeraient ou qui se dégageraient spontanément par effet de consensus lors de sortes d’ « assemblées générales » villageoises, besoins qu’il suffirait donc de de « recueillir » ou d’ « écouter », cette conception-là est erronée, et son caractère erroné peut être en bonne rigueur sociologique démontré. C’est en l’occurrence l’offre qui crée la « demande ». Les villageois interrogés par les experts, cadres et autres consultants venus enquêter sur le terrain expriment des besoins ou des demandes qui sont largement déterminées par ce qu’ils pensent que les dits experts, cadres ou consultants sont prêts à leur offrir. »

Même si ces logiques participatives, peuvent n’être que de la façade, elles représentent un « outil au service d’une action mieux appropriée aux réalités locales et aux besoins des populations directement concernées » (MATTEUDI, 2007).

L'indispensable concertation, DUFUMIER

Encadré 4 : L’indispensable concertation, DUFUMIER

Les outils disponibles pour mettre en place une logique participative sont la MARP(8), PPO(9), Arbres à Problème et Solution… Nombreux sont les outils disponibles mais ces outils souvent imposés car correspondant au modèle dominant méritent d’être ajustés si l’on veut mettre en place un réel projet de développement de filière. Dans le cadre d’une logique participative, il faut être dans des logiques d’usages, des approches chemin faisant qui sont toujours aujourd’hui très difficiles à faire accepter par les bailleurs. Une solution peut résider dans la mise en place d’un pilote (projet pilote dans un programme, ferme pilote…) qui aurait cette logique participative dans son exactitude mais qui permettrait aussi à un bailleur d’accepter ces logiques chemin faisant tout en conservant une portée de développement à long terme. Toutefois l’utilisation d’une logique de pilote nécessite la mise en place de projets ou programmes d’envergure qui puissent justifier les dépenses occasionnées pour le ou les bailleurs avec ce pilote. Nous mettons donc cette démarche itérative en avant, mais avec quelques retenues.

Toujours dans une logique de concertation des acteurs et de participation, il est indispensable de mettre en avant les partenariats avec les institutionnels en place que ce soit au niveau gouvernemental pour promouvoir la filière, mettre en place des unités industrielles de transformation afin de dynamiser l’économie nationale et d’éviter que la création de valeur ajoutée qui arrive en aval de la filière se perde en dehors du pays au profit d’autres plus développées. Le gouvernement est aussi en mesure de promouvoir la filière sur le territoire national via une campagne de communication, la mise en place de concertations avec les différentes parties prenantes… Au niveau local, les instances décentralisées ont aussi une grande part à jouer.

Dans la plupart des pays en développement, il n’y a pas encore eu de processus de décentralisation et plusieurs décennies de PAS(10) ont laissées des séquelles. Avec les politiques de réduction de la dette nationale imposées par les grandes instances internationales que sont le FMI et la Banque Mondiale, la plupart des pays en développement ont commencé à privatiser les terres, favorisant les grandes exploitations agricoles destinées aux cultures de rentes au détriment des paysans et de la grande majorité des ruraux.

De ce fait la pression sur le foncier a énormément augmenté. Même quand il y a décentralisation dans un pays en développement (ce qui est une bonne chose car les gouvernements centralisés sont très vites dépassés), il n’y a pas d’accompagnement dans ces processus de décentralisation et les autorités locales se confondent très vite avec les autorités traditionnelles sans qui aucune décision n’est prise. Nous retrouvons ce problème au Mali, à seulement quarante kilomètres de Bamako, la ville de Sanankoroba connaît actuellement des difficultés car les autorités locales n’étant pas assez accompagnées dans la gestion de la collectivité sont amenées à privatiser un certain nombre de terres, rendant ces terres collectives privées, un grand nombre de paysans n’ont plus accès aux ressources qui y sont présentes.

Ces privatisations, en plus de bloquer le développement rural ont un impact sur l’environnement puisque des monocultures sont mises en place. Ces cultures appauvrissent les sols et leur exploitation dégage beaucoup de CO2. Il est donc primordial afin de limiter la pression sur le foncier d’accompagner les gouvernements et/ ou les collectivités locales dans la gestion des terres et donc du foncier. Les autorités locales ont aussi un rôle d’animateur afin de favoriser au sein de la filière les relations entre les différentes parties prenantes (producteurs, acheteurs, négociants, transformateurs). Nous pensons toujours à la logique verticale sous-jacente à la notion de filière mais avec l’accompagnement des collectivités dans la création d’organisations paysannes, de mutuelles… Une réelle mutualisation peut être faite au profit du développement de filières.

De plus, des activités différentes sont nécessaires dans une filière, ou dans des sous filières. Si l’on prend l’exemple du karité sur lequel nous reviendrons plus largement, nous constatons que des productrices de beurre sont à même de fabriquer du savon ou des crèmes pour la peau. Ces cosmétiques nécessitent des intrants qui peuvent être produits localement et avoir un effet bénéfique sur le plan social, économique et environnemental.

Dans le cadre de la sous filière cosmétique à base de karité se peut être l’apiculture. La création d’une activité apicole favorisera la pollinisation, donc le renouvellement d’un parc d’arbres vieillissants et permettra de fournir le miel nécessaire à la production de crèmes pour la peau engendrant la création d’une nouvelle activité génératrice de revenus sur le territoire. C’est donc les conditions de vie des locaux qui seront améliorées. Les collectivités peuvent donc faciliter les relations entre les acteurs aussi bien au niveau de la filière que par transversalité en participant à la création de nouvelles activités complémentaires.

On voit donc dans ce chapitre que la concertation et la participation sont indispensables dans l’analyse des filières, que ce soit dans une logique de promotion et de structuration des filières, aussi bien que dans une logique de concertation des acteurs pour le maintien et le développement des filières.

Comment donner un rayonnement global à des initiatives locales en termes de filières ? Comment mettre en avant le territoire de production dans un monde qui est vaste ? Autant de questions qui nous amènent à trouver des solutions pour que les acteurs les moins privilégiés de la filière (généralement en amont), puissent intégrer cette logique globale et bénéficier d’une amélioration des termes de l’échange. Nous pensons que cela passe par la qualité. Les processus qualité et la normalisation sont les seuls moyens d’intégrer un monde global.

8 Méthode Active de Recherche Participative, http://www.fao.org/Participation/french_website/content/MARP_fr.html lien de la FAO qui explique ce qu’est la MARP et comment la mettre en place.
9 Planification par objectifs, « Dans les années 80, la GTZ a élaboré et introduit la planification des projets par objectifs, un système de planification inspiré du “Logical Framework” (Cadre logique) provenant des États Unis. Les aspects essentiels en étaient les méthodes de communication (ateliers, animation, visualisation) et de planification (analyse des parties concernées, des problèmes et des objectifs, schéma de planification du projet) dans le cadre d’ateliers interdisciplinaires réunissant les représentants des parties prenantes » (BLAISE, 2004)
10 Politiques d’Ajustement Structurels

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