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Chapitre 4 : Enjeux, motivations et intérêts pour la mise en oeuvre d’un travail coopératif

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Le travail coopératif implique plusieurs personnes qui vont oeuvrer conjointement dans un but commun. Il peut se définir par la participation intentionnelle et coordonnée d’individus associant leurs compétences respectives dans le cadre du travail qu’ils entreprennent ensemble. La recherche de complémentarité y est importante :

« Coopérer c’est travailler ensemble, à une oeuvre commune. La coopération implique dépendance et solidarité vis-à-vis d’un groupe. La coopération est donc le fait, pour une personne, de s’adonner consciemment à une activité complémentaire de celle d’autres personnes dans le cadre d’une finalité commune, dans un groupe donné » (24)

La coopération repose ainsi sur la prise de conscience d’intérêts similaires que partagent les acteurs pour mener à bien un projet. L’enjeu managérial consiste alors à mettre en place des conditions préalables à la réussite d’une alliance coopérative, comme le fait de prendre en compte divers segments du touriste culturel.

4.1 Segmenter le touriste culturel : les cinq catégories de touristes culturels développées par McKercher and Hilary du Cros

Travailler en coopération nécessite une réflexion sur les types de consommateurs à atteindre. Et ce d’autant plus que le secteur du tourisme s’adresse à un ensemble de profils comme les vacanciers, les voyageurs étrangers ou encore les excursionnistes à la journée dont font partie les habitants de proximité. Une première collaboration entre spectacle et tourisme peut amener à s’interroger sur les définitions données au touriste culturel ; deux d’entres elles y sont fréquemment rencontrées.

La première considère que le touriste culturel se déplace pour un motif essentiel de visite de sites culturels (musées, patrimoine, etc.) où de venue à des manifestations culturelles (concerts, spectacles, festivals, etc.)

La deuxième, qui est la plus répandue auprès des professionnels du tourisme, admet qu’un touriste culturel est aussi celui dont le déplacement n’est pas motivé pour une raison principalement culturelle mais qui intègre toutefois au cours de son séjour, une visite culturelle.

Deux auteurs, McKercher and Hilary du Cros (2002)25, ont proposé une classification des touristes culturels, interrogeant leurs identités et leurs expériences. L’expérience touristique est plus ou moins intense selon d’une part, les motifs du touriste et d’autre part, son degré de participation. Les auteurs ont donc établi cinq profils :

4.1.1 Le touriste culturel intentionnel [the purposeful cultural tourist]

Ce profil désigne un individu passionné qui s’adonne régulièrement à des pratiques culturelles et qui manifeste un fort intérêt pour l’art. La destination culturelle est motivée par la recherche d’une expérience culturelle intense et d’opportunités d’apprentissages. Il ne fait généralement pas appel à des organisateurs professionnels pour l’organisation de son séjour. Autonome, il s’informe, réserve et achète seul son voyage, souvent par le biais d’Internet. Ce type de touriste est à recruter dans les catégories sociales les plus élevées, parmi les gens les plus instruits, et représente une minorité parmi les cinq catégories de touristes culturels exposées ici.

4.1.2 Le touriste culturel consciencieux [the sightseeing cultural tourist]

Planificateur, il effectue un circuit culturel par l’intermédiaire d’agences de voyages spécialisées dans la culture dont les plus connues en France sont Arts et Vie, Clio, La Fugue, Intermèdes, et Koré. Ce deuxième profil comprend plus les personnes âgées ou le marché des seniors est actuellement en pleine expansion, en partie grâce à l’évolution démographique et à la plus grande mobilité des retraités.

4.1.3 Le touriste culturel instinctif [the serendipitous cultural tourist]

Il est initialement non motivé par la culture, mais va au cours de son voyage s’offrir une séquence culturelle improvisée. Cette expérience culturelle à laquelle il ne s’attendait pas va lui être satisfaisante et mémorable. Cet heureux hasard peut alors jouer un rôle déclencheur pour d’autres visites à caractère culturel.

4.1.4 Le touriste culturel occasionnel ou amateur [the casual cultural tourist]

Il va se rendre à un évènement culturel avec un degré de motivation plus faible que celui du touriste culturel assidu ou « intentionnel » ; il en résultera une expérience culturelle plus superficielle.

4.1.5 Le touriste culturel accidentel [the incidental cultural tourist]

Il prendra part à un évènement culturel non planifié à la base, ne voyageant pas pour des raisons culturelles. A l’inverse du touriste culturel fortuit, il sera moins marqué par l’expérience de spectateur.

Schéma 4.1.1 Classification des touristes culturels, selon McKercher et Du Cros

Schéma 4.1.1 Classification des touristes culturels, selon McKercher et Du Cros

Source: Mc Kercher Bob, Du Cros Hilary, The partnership between tourism and cultural heritage management, 2002, p. 140

Les profils précédemment exposés ne sont pas exclusifs les uns des autres, notamment les trois dernières catégories qui sont amenées à planifier leurs excursions culturelles grâce à l’information qu’elles recueillent sur place, une fois arrivées sur leur lieu de destination.

Ainsi, développer ensemble une vision du touriste culturel, c’est être en mesure d’identifier différents segments de réception en différenciant le motif touristique, de l’impact émotionnel et psychologique du visiteur, et de son degré de participation à l’activité touristique. En fonction de sa motivation initiale, de son héritage culturel, son niveau de réceptivité ne sera pas le même. C’est que nous montre ici la typologie des touristes développée par McKercher and Hilary du Cros qui révèle que : « […] chaque touriste, à un degré ou à un autre, délibérément ou « par mégarde », est en fait un touriste culturel. De plus, elle suggère que l’expérience culturelle puisse être plus ou moins intense, cette intensité étant fonction de la participation du touriste et non seulement de ses motifs »(26)

Cette classification peut toutefois paraitre restrictive dans le sens qu’elle aborde la culture de façon manichéenne en distinguant le touriste culturel « élitiste » du touriste culturel « populaire » qui ne disposerait pas d’un bagage culturel suffisant pour saisir certains niveaux de culture cultivée ou légitime. Une autre auteure, Jane Lutz(27) a proposé une approche différente du touriste culturel en le définissant par rapport aux modes de productions culturelles qu’il fréquente et par rapport à son niveau de consommation au sein de différentes formes de tourisme culturel. Cette typologie propose un approfondissement de la pratique du tourisme culturel pour mieux comprendre ce qu’est un touriste culturel. Le schéma suivant montre deux axes : celui de la consommation qui rejoint le degré de participation, et celui de la production catégorisée à différents niveaux de culture :

« [la] production peut être catégorisée selon différents niveaux et selon différentes époques et si sa consommation prend des formes diverses, le touriste culturel devient alors lui-même un personnage changeant et disparate, affublé d’une personnalité multiple qui varie selon les lieux où il se trouve (musée, bâtiment historique, théâtre, opéra, festival de rue, restaurant gastronomique, etc.), ses modes de consommation (participatif, contemplatif, éducatif, festif, etc.), mais aussi l’espace temporel (passé, présent et futur) et les objets (artefacts/produits, processus, expériences) sur lesquels son attention se fixe »(28)

Ce qui est généralement regroupé au sein de l’appellation « tourisme culturel », ne forme plus un tout, celle-ci étant divisée en quatre formes : le tourisme culturel au sens large, le tourisme patrimonial, le tourisme artistique et le tourisme participatif.

Ce schéma tient compte comme Mc Kercher et Du Cros de l’importance à considérer l’interaction du touriste culturel avec son environnement.

Schéma 4.1.2 Typologie du tourisme culturel, selon Jane Lutz

Schéma 4.1.2 Typologie du tourisme culturel, selon Jane Lutz

4.2 Travailler ensemble pour l’attractivité des territoires : enjeux symbolique et économique

Dans son dernier ouvrage paru en 2012, Nouveau Portrait de la France La société des modes de vie, le sociologue Jean Viard montre l’importance du rôle du tourisme dans la valorisation du territoire. Selon lui, la saisie des lieux par l’imaginaire touristique, participe à l’attractivité des villes et des régions. Les évènements culturels contribuent à cet imaginaire et créent une image positive et symbolique d’un territoire :

« La valorisation relative de nos villes et de nos régions, leur attractivité en ont été bousculées très profondément en un demi siècle. Au point que je doute qu’une cité totalement en marge des processus touristiques puisse réellement se développer. Car la mise en désir de la ville par le tourisme reconstruit partout le désir urbain lui-même »(29)

Ce lien entre tourisme et culture entraîne une attractivité non seulement touristique mais également résidentielle, qui amène Jean Viard à parler de développement post touristique, dans la mesure où les activités touristiques développées sur un territoire, peut amener des personnes à désirer y habiter : « […] le rôle du tourisme est la mise en désir d’un type de lieu, parfois d’une saison, puis peu à peu cette attraction nouvelle se diffuse dans la société et fixe des activités et des populations permanentes »(30)

La mobilité de nos modes de vie et le phénomène de migration nationale vers certaines régions touristiques de France, montrent que les acteurs du tourisme ont un rôle important à jouer en matière de relation avec les habitants de proximité. La découverte touristique et culturelle du territoire ne concerne pas uniquement l’étranger, le voyageur mais intéresse aussi l’habitant, qu’il soit résident permanent ou résident secondaire. Ce dernier en quête d’un « bien-vivre des lieux », désire par exemple profiter au quotidien d’un patrimoine culturel et paysager, et de pratiquer ainsi du tourisme sur son propre territoire de vie. Dans ce sens, le dynamisme culturel d’un lieu et la qualité des offres artistiques sont, d’autant plus s’ils s’inscrivent à l’année, des atouts non négligeables pour les acteurs du tourisme. De nombreuses villes portées par cette double ambition d’attirer les habitants et les visiteurs, ont utilisé la culture en tant que mode de valorisation de leur image, à travers la pérennisation de festivals. Pour n’en citer que quelques uns, Jazz in Marciac, Le Festival d’Avignon, les Chorégies d’Orange, sont des festivals qui interviennent clairement dans un choix de destination touristique. Par ailleurs, des projets culturels d’envergure tels que Marseille Provence 2013, ont pour objectifs, à la fois le développement des activités artistiques et la promotion touristique.

La construction d’un programme d’évènements affirmant une vocation euroméditerranéenne pour Marseille Provence 2013, vise aussi bien les touristes venus de loin que les habitants locaux. Cette conquête des publics par le biais de la culture, mêle aux identités collectives, les identités différenciatrices. De façon à amener la diversité comme un facteur essentiel à la qualité d’un lieu propice à la création artistique. Ainsi, quand le secteur du spectacle affiche un dynamisme et une notoriété artistique importante sur un territoire donné, il contribue à en valoriser l’image touristique, favorisant une thématique de destination.

4.3 Apports du spectacle au tourisme

Les espaces de diffusion du spectacle vivant sont variés : des salles de spectacle aux festivals qui investissent aussi bien les centres urbains, les sites naturels, les sites patrimoniaux ou encore les friches industrielles. Une forte présence des arts de la scène sur un territoire constitue un attrait touristique et contribue à son enrichissement culturel. Peu sensible aux saisons bien que la plupart des productions festivalières ont lieu en période estivale, l’univers du spectacle est continu. Les équipements culturels en dur tels que les théâtres, les salles de concerts et opéras ne sont pas dépendants de conditions climatiques pour fonctionner. Aussi l’agencement d’offres touristiques culturelles intégrant la fréquentation de ces équipements, peut être perçue comme une solution à la saisonnalité, principe essentiel sur lesquelles reposent un bon nombre d’activités touristiques dépendantes du climat pour fonctionner. Par ailleurs, le profil des clientèles touristiques les plus disposées à voyager en basse saison sont les personnes âgées et les étudiants. Le marché des seniors est une clientèle plus lucrative pour le marché du tourisme, car elle est moins dépendante des saisons pour voyager, et dispose de revenus plus élevés(31).

On relève également parmi les bénéfices que le secteur du spectacle peut apporter au tourisme, les retombées économiques engendrées par un évènement culturel d’ampleur. Un festival est par ailleurs un vecteur de fidélisation des publics, car il présente une programmation artistique qui renouvelle ses contenus d’une année sur l’autre, permettant de réitérer chaque année les retombées économiques qu’il génère sur son territoire d’implantation.

4.4 Apports du tourisme au spectacle

Les acteurs du tourisme peuvent jouer un rôle de révélateur ou d’amplificateur d’un évènement culturel, valorisant les ressources et les atouts du territoire au sein duquel il se déroule. Ils participent à une mise en réseau des différents prestataires dont dépendent fondamentalement le tourisme, à savoir le transport, l’hébergement et la restauration. Par exemple, la création d’une formule touristique autour d’un festival, nécessite la combinaison de plusieurs éléments tels que :

– la communication sur le contenu de l’évènement, noyau attractif et motif principal du déplacement ;
– la qualité de l’environnement incluant des escapades culturelles en dehors des créneaux de programmation ;
– l’accessibilité aux lieux à travers l’usage des transports, ainsi que les capacités d’accueil sur l’hébergement et la restauration ;
– la dimension socioculturelle du lieu de destination où l’atmosphère et la qualité de l’hospitalité sont avec le contenu artistique de l’évènement, des critères de satisfaction déterminants par rapport à l’expérience culturelle recherchée.

A cette capacité de mobiliser une chaîne d’acteurs, est associée la connaissance du territoire des professionnels du tourisme au sein duquel ils interviennent, et qui permet à ses interlocuteurs :

– d’apporter des informations précises sur une zone géographique, et de contribuer à la création de produits à thème ;
– d’éveiller la curiosité de découverte culturelle des visiteurs ;
– de faire émerger des projets culturels et artistiques, valorisant des richesses territoriales.

Par ailleurs, leur rôle en matière d’accueil des visiteurs étrangers nécessite des compétences linguistiques, qui peuvent être considérées comme un atout pour les professionnels de la culture n’ayant pas forcément le même niveau de langue. Les acteurs du tourisme peuvent ainsi assurer le rayonnement culturel d’un évènement à l’international.

L’exemple de la mise en tourisme de Marseille-Provence 2013

Marseille-Provence 2013 mobilise un ensemble de prestataires de la chaîne touristique, permettant à l’évènement culturel d’envergure, de se réaliser dans des conditions favorables d’accueil des touristes. Le service tourisme a pour mission principale de préparer cet accueil et se présente comme un relais d’information pour les professionnels du tourisme en leur adressant des guides techniques. Ceux-ci contiennent d’une part, des informations pratiques sur l’accessibilité des lieux, sur les formules tarifaires et présentent d’autre part, le projet Marseille Provence 2013, l’avant programme artistique et un index thématique recensant l’ensemble des évènements à venir. A cette volonté de développer la vie culturelle comme levier de rénovation de la cité, s’ajoute le désir de faire de Marseille un pôle de coopération artistique et culturelle entre l’Europe et les pays de la méditerranée, prévoyant une hausse de la fréquentation touristique. Marseille Provence 2013 attends en effet 10 millions de visiteurs. Le service tourisme de MP 2013 est par ailleurs en relation avec l’association Mediterranean Anglo-American Business Network (MAABN) qui joue un rôle de promotion des échanges entre l’Union des Chambres de Commerce et les Clubs d’Affaires Bilatéraux.

Ce dialogue entre MP 2013 et la MAABN interroge l’impact de l’évènement sur le tourisme anglo-saxon : à savoir dans quelles mesures et sur quels éléments spécifiques, le programme artistique permettra-t-il d’attirer des visiteurs anglais et américains ?

Ainsi une réelle dynamique d’investissement touristique est mise en oeuvre dans le cadre de Marseille-Provence 2013, et offre des opportunités de développement en matière d’emplois dans les secteurs du tourisme et de la culture. Il reste à évaluer sur le long terme les retombées économiques sur le territoire et sa population.

La dimension économique afférente au tourisme est rattachée ici au développement d’une économie régionale autour de laquelle gravite le secteur culturel. Comme le souligne l’OCDE, les principales caractéristiques incitant à développer une politique culturelle et touristique sont : l’amélioration et la conservation du patrimoine ; le développement économique et l’emploi ; la revitalisation du tissu local ; la consolidation et/ou la diversification de l’offre touristique, la lutte contre l’exode de la population, la sensibilisation à l’héritage culturel.(32)

24 « La coopération au travail : généralités » < http://www.cedip.equipement.gouv.fr/la-cooperation-au-travailr91.html >
25 Mc Kercher Bob, Du Cros Hilary, The partnership between tourism and cultural heritage management, 2002, p.139
26 François-G. Chevrier, Mattieu Clair-Saillant, Renouveau du tourisme culturel Que reste-t-il du « touriste » ?, Téoros, Eté 2006 < http://teoros.revues.org/1443?file=1>, p.1
27 Ibid. p.3
28 François-G. Chevrier, Mattieu Clair-Saillant, Renouveau du tourisme culturel Que reste-t-il du « touriste » ?, Téoros, Eté 2006 < http://teoros.revues.org/1443?file=1>, p.3
29 Viard, Jean, Nouveau portrait de la France : la société des modes de vie, 2012, p.83
30 Ibid. p.141
31 “The segment of the culture-core tourist or specific cultural tourist, in particular, is very attractive to tourism markets, being associated with people with higher levels of income and education, who are middle aged and rarely travel with children. They also seem to be less dependent on tourism seasons and show more respect and sensitivity towards the customs and environments of a destination” Sigala Marianna et Leslie David, International Cultural Tourism – management, implications and cases, Elsevier, 2006, p.41
32 OECD The Impact of Culture on Tourism, OECD, Paris, French translation of pp. 3-75, 2009, p.42 only available on Internet. <www.oecd.org/dataoecd/35/5/42040218.pdf >

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