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Chapitre 13 : L’approche programme, le cas du karité.

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L’approche programme est complémentaire de l’approche filière, elle permet d’ancrer profondément les pratiques du développement sur le long terme en mobilisant les compétences de d’un nombre important de spécialiste dans les domaines divers sous la forme de projets diverse ayant pour axe un programme défini.

Même si directement l’impact est sur la filière, cette approche impacte par transversalité des points différents. Nous nous retrouvons donc dans une logique de système de développement localisé où des acteurs mettent en avant leurs compétences distinctives et où ils sont complémentaires.

L’impact de la qualité des productions et du niveau d’organisation des producteurs est amélioré de manière plus importante qu’avec une logique de projet conventionnelle. Avec cette approche programme c’est aussi le territoire d’action qui est développé dans son ensemble.

Afin de mettre en avant cette approche nous allons nous baser sur la logique de montage d’un programme karité au Mali.

Concept d'un programme karité

Figure 15 : Concept d’un programme karité

Le concept du programme karité est d’agir sur trois fondamentales qui sont le CO2, le développement local des populations via une coopérative, et sur les dynamiques économiques. Le fait d’utiliser une logique transversale dans l’approche programme nous permet de monopoliser plus de leviers d’action pour le développement. De toucher plus largement et plus profondément les populations et l’environnement. Nous avons donc un programme qui s’inscrit parfaitement avec ces trois axes dans une démarche de développement durable (social, économique et environnemental).

La clef de ce programme réside en outre dans la possibilité et la capacité pour, la ou les ONG opérateur(s) du programme à obtenir les financements nécessaires. Ce programme nous permet donc de mettre par sa logique transversale plus de moyens de financement dans des logiques à court, moyen et long termes.

Axe CO2 et environnement :

2011-2012

Il s’agit ici de mettre en place des systèmes pouvant à la fois limiter les émissions de CO2 dans l’air mais aussi de permettre, par la valorisation de parc agro forestier, la séquestration de CO2 dans le sol.

Les deux méthodes de mesure ne sont pas les mêmes, toutefois il ne faut pas voir cela comme un inconvénient mais comme la possibilité de multiplier les sources de financement et du coup de diversifier et minimiser les risques liés à l’activité. Un état des lieux est indispensable, il pourra donc et devra surement faire l’objet d’une étude qui permettra l’identification du parc de karité dans les zones de population dense de cet arbre. Le meilleur moyen d’arriver à ces fins et de mettre en place un SIG (système d’information géo localisé) : nous aurons donc les coordonnées GPS de chaque arbre auquel on pourra attribuer son âge, sa taille, le nombre de kilos de noix produits, le rendement de la noix en matière grasse végétale, l’espèce…

Les différents projets à mener devront être identifiés pour répondre à cette logique de séquestration et de non émission de CO2, plusieurs volets sont déjà envisagés tels que la pollinisation, le greffage, les pépinières d’arbres, les activités de sensibilisation des populations locales, les campagnes de droit au foncier en collaboration avec les collectivités locales (le Mali, par exemple, est un pays dans lequel la décentralisation et le besoin de fonds dégagés par les intercommunalités et municipalités ont mis en évidence une dilapidation du patrimoine foncier au profits d’acteurs privés).

2012-2013

Une fois tous ces projets identifiés, un pilote sera mis en avant. Ce groupement pilote permettra la mise en place d’une Baseline en terme de CO2, nous évaluerons aussi par la même le modèle de remédiation à mettre en avant pour atteindre nos objectifs carbone.

2013-2016

Sur une période de 4 à 5 ans depuis le début du projet pilote, nous aurons les premiers résultats positifs, les premières retombées de notre action carbone. Le déploiement et le monitoring pourront alors commencer.

2016-2026

Continuation des activités de déploiement du programme sur d’autres groupements pour avoir une action largement diffusable.
Suivi monitoring des activités.

Axe Développement local :

2011-2012

A travers toutes ces actions CO2 qui génèreront de l’activité humaine nous comptons améliorer les conditions de vie des populations locales, ce qui est la principale mission de SOS SAHEL. Comment ? Il faut en premier lieu prendre en compte la demande locale, à travers une démarche participative.

Deuxièmement, il nous faut faire une étude sur la valorisation des déchets liés à la production de beurre de karité pour d’une part améliorer les processus de production, et d’autre part limiter de manière transversale les émissions de CO2 lors de la production de beurre. La transformation de déchets liés à la production constitue des gains de valeur ajoutée non négligeables. En effet si on fait des briques avec les tourteaux nous pourrons nous en servir comme combustible dans la cuisson du beurre et par la même éviter la coupe de bois. Le broyage des coques en copeaux pourrait par exemple être incorporé à ces briques de tourteaux pour avoir une cuisson lente et du coup gérer la flamme et l’intensité du feu produit. Il faudra aussi généraliser à tout le groupement l’utilisation des foyers améliorés.

2013-2016

La mise en place de ces améliorations et d’autres innovations de gestion, de marketing… permettra aux groupements de valoriser leur production, d’augmenter leur productivité, de réaliser des économies d’échelle et par la même donc d’améliorer leurs conditions de vie. Pour soutenir leurs efforts, il est indispensable de mettre en place des mutuelles de paiement, de santé, de cérémonies. Il est primordial de mettre en place une mutuelle de paiement pour pouvoir favoriser l’insertion sur le marché des groupements. Un acheteur/transformateur ne sera pas souvent prêt à payer au moment de la vente les produits.

Du coup si on veut éviter de multiplier le nombre d’intermédiaires dans la filière, il est nécessaire de mettre en place une mutuelle qui paiera les femmes à la livraison mais qui sera elle payée par le commanditaire à 60 jours comme la loi l’indique en Afrique de l’Ouest. Le taux de pénétration du marché par les femmes s’en ressentira alors fortement. Cette mutuelle devra par la suite être étendue à la santé et aux cérémonies.

Si les conditions de marché et de production sont améliorées alors les femmes pourront développer leur activité de manière durable, elles rentreront dans un cercle vertueux et le processus de développement sera enclenché. Les revenus complémentaires tirés de l’activité karité seront de plus en plus importants et leurs conditions générales de vie s’en ressentiront fortement améliorées.

La transversalité inhérente au programme nous permettra aussi de mettre en place d’autres activités génératrices de revenus qui seront complémentaires les unes des autres. La mise en place d’une activité apicole est une condition nécessaire à la pollinisation des arbres, son impact ne s’étend pas seulement au karité. Le miel récolté fera l’objet de vente sur les marchés mais il pourra aussi être incorporé dans la fabrication de pommades karité…

2016-2026

On déploie les activités à d’autres groupements, on regroupe les mutuelles sous la forme d’une fédération au niveau des groupements membres du programme pour avoir un pouvoir plus important mais on ne part pas dans un montage de mutuelle unique avec une antenne par groupement : elles deviendraient trop compliqués à gérer et les risques de corruption et mauvaise gestion seraient plus important.

On fédère les groupements membres autour d’une fédération qui pourrait passer par un comité de pilotage afin de pérenniser une volonté d’action par la participation (, ce sont les premiers concernés, les vrais experts du programme). Cette notion de réseau qui passe par la fédération est très importante pour créer un effet boule de neige et augmenter l’attractivité du programme et pour l’ancrer réellement dans le temps.

Parallèlement nous menons des activités de suivi, évaluation et amenons les améliorations nécessaires au programme.

Axe économie :

2011-2016

Il est nécessaire que toute production trouve acquéreur, de plus dans la logique d’un programme karité, l’intérêt est aussi d’être financé par la volonté de rachat de crédits carbone par de grandes entreprises dans une logique équitable pour tous. Dans cette mesure nous souhaitons sur cette période être dans une phase de prospection de partenaires. Il y a deux grands types de partenaires vers qui nous pourrions nous tourner. Les grands industriels de l’agroalimentaire qui utilisent le beurre de karité comme substitut de cacao pourraient être intéressés pour acheter un beurre de karité qui est à 0% d’émission de carbone. On a donc une double action qui est l’achat de beurre de karité neutre en carbone et le financement du programme par le rachat de crédit carbone(19). (Ex : Mars, Cadbury, Ferrero…)

Au même niveau d’autres partenaires mais plus orientés sur la distribution pourraient être intéressés par des produits à base de karité équitables qui seraient neutre en carbone. La distribution de ces produits équitables serait assurée par eux et il financerait le projet grâce au rachat de crédits carbone.

Nous avons à un deuxième niveau, des PME industrielles ou non, qui interviendraient en tant que transformateurs afin de fournir le produit nécessaire aux distributeurs ou gros industriels ; mais dans ce cas nous serions plutôt dans la logique d’un travail avec des distributeurs directement. La PME en question nous permet de mettre sur le marché un produit équitable neutre en carbone et de QUALITE. On pousse trop souvent les groupements de femmes à développer des activités dans lesquelles elles n’ont ni la qualification ni les ressources nécessaires pour arriver à de bons résultats (ex : production de crèmes cosmétiques destinées à un marché international mais qui ne respecte pas les normes en vigueur). Il est important que chacun puisse rester dans son corps de métier, de plus, en termes de développement il n’est pas bon de trop déstructurer la filière en voulant à tous les prix, mettre en place des filières courtes comme tant d’ONG aiment le faire car cela a pour effet d’augmenter les risques encourus par les coopératives, ce qui augmente leur sensibilité aux aléas du marché, créer une dépendance à des revenus qui deviennent principaux plutôt que complémentaires…

Cette PME peut se situer tant au Nord qu’au Sud ; nous n’avons pas identifié de telles structures au Mali directement mais quelques-unes dans la sous-région, il est donc intéressant de valoriser la sous-région dans la mesure où les capitaux et la VA qui peut en découler ne quittent pas le territoire Africain.

Pour faire échos à ces derniers paragraphes, nous allons détailler le montage de financement que nous proposons avec les actions sur ces différents axes.

2016-2026

Même choses que pour l’axe développement local.

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Figure 16 : Montage mis en avant dans la logique de programme karité

Plusieurs types de montages sont envisageables, ils sont aussi cumulables les uns avec les autres.

Postulat 1

On organise un projet entre une PME transformateur et/ou industriel avec le groupement de femmes. Le groupement de femmes vend une partie de sa production de beurre à la PME qui la retransforme derrière pour la commercialiser ensuite. Dans ce cadre, la PME commercialise un produit équitable, qui est neutre en carbone. En contrepartie la PME s’engage à acheter le beurre de karité à un prix équitable et/ou assurer les moyens nécessaires au groupement féminin pour produire la quantité souhaitée, la qualité souhaitée avec certifications souhaitées.

L’intérêt du groupement est son développement économique avec des ventes assurées à un prix correct. Pour la PME, c’est communiquer sur le côté équitable et/ou biologique et/ou sans émissions de CO2 de ses produits… S’assurer une bonne image. De plus la PME peut s’engager à mettre aux normes nécessaires le groupement de femmes. L’intérêt de l’ONG opératrice est de mettre en avant ses compétences au profit du développement.

La condition nécessaire à ce montage est une contractualisation faite de manière à assurer à moyen ou long termes l’achat de beurre de karité ou sous-produit du karité par la PME.

Postulat 2

Le projet est entre le groupement de femme et le gros industriel et/ou distributeur. Dans ce cas, le groupement de femmes fournit le produit ou sous-produit du karité nécessaire aux acteurs engagés. Le distributeur et/ou industriel assure un prix équitable d’achat et des commandes sur une période préalablement fixée. Le commanditaire participe aussi aux améliorations à apporter aux groupements via l’achat de crédit carbone investis intelligemment. En échange le groupement de femmes assure une offre de production négative en carbone. Les émissions de carbone évitées et/ou le CO2 séquestré sont rachetés par l’entreprise dans une logique de compensation carbone.

Dans ce schéma de montage, le distributeur et/ou industriel n’est pas obligé d’acheter la production du ou des groupements mais l’achat de crédit carbone sert à financer les actions de développement à mettre en oeuvre.

L’intérêt de l’industriel et/ou distributeur est de racheter des crédits carbones, de commercialiser un produit équitable et écologique qui saura valoriser l’image de l’entreprise. L’intérêt du ou des groupements de femmes est d’assurer les conditions de leur développement par la mise en place de certification, la production de produits ou sous-produits du karité avec un taux d’émission de CO2 négatif.

Outre cette même logique de contractualisation évoquée précédemment nous tenons à mettre l’accent sur la nécessité d’avoir une échelle importante d’arbres sur laquelle travailler, si la densité n’est pas assez importante en arbres alors l’effet levier n’est pas possible et il ne vaut pas le coup pour l’entreprise d’investir dans ces crédits carbone.

Postulat 3

Ce montage comprend trois acteurs différents qui sont une PME industrielle et/ou de transformation, un gros industriel et/ou distributeur et, le ou les groupements de femmes concernés.

Le ou les groupements de femmes produisent une offre de produit négative en émissions de CO2 qui est vendue à une PME qui transforme ce produit et/ou sous-produit du karité pour le revendre par la suite à un distributeur et/ou industriel de grande taille. On reste sur une logique de crédit carbone et de commerce équitable et/ou biologique. Dans cette logique le ou les groupements s’assurent un marché à long terme, le financement d’amélioration productive… et la PME s’assure une visibilité et une porte d’entrée vers un marché plus important que le sien, en contrepartie elle achète les produits à un prix équitable pour le ou les groupements.

L’intérêt de ce montage réside dans le fait que l’on n’est pas obligé de sortir du territoire africain pour assurer une offre de production correspondant aux normes internationales en vigueur. C’est une approche triple WIN car tout le monde assure une plus-value sous n’importe quelle forme qu’elle puisse être. De plus si des produits réalisés au terme de ce montage sont commercialisés, cela assure une visibilité importante à l’ONG qui par cette action réalise une campagne de communication importante, cela stimulera donc les donations sur le long terme, ce qui permettra la mise en place de nouveaux projets de développements…

En considérant ces trois postulats nous pouvons aussi apposer les Postulats 1’, 2’, 3’ & 4’.

Nous pouvons dans le cadre de ce programme travailler pleinement sur un groupement mais nous pouvons aussi en tant qu’opérateur nous occuper des améliorations à apporter pour permettre aux groupements d’avoir une offre neutre et/ou négative en émissions de CO2.

Toujours dans le choix des groupements, nous pensons que le mode d’intervention peut être de deux niveaux. Un premier niveau qui consiste à soutenir un groupement dans son ensemble. Cependant, dans la mesure où nous sommes accès sur une activité financée par les crédits carbone nous pensons qu’il peut être intéressant de travailler sur un plus large nombre de groupements mais avec une logique de financement des activités environnementales liées à la revalorisation du parc d’arbre et à la mise en oeuvre de pratiques économiques en termes d’émissions de CO2 et de consommations de bois de chauffe.

Nous proposons aussi de nous concentrer sur les questions de dynamiques de marché et sur la réorganisation managériale. Dans ce cas, notre action, qui serait plus largement diffusée pourrait aussi avoir comme fer de lance la valorisation d’une filière karité ne produisant que du beurre dit amélioré.

Option de paiement pour les bailleurs

La transversalité inhérente au programme nous permet d’innover dans les mécanismes de financement mais cela peut aussi nous permettre de mettre en avant des modalités de paiement de la part des bailleurs différentes de celle que nous avons actuellement.

Le paiement serait alors découpé en « Works package », chacun de ces paquets est attribué à un certain nombre de projet ou tâches. L’avantage de ce mode de financements est que l’argent est versé à la commande du paquet et non graduellement et régulièrement. L’opérateur a donc une autonomie totale de ces financements dans la mesure où les tâches, projets… à mettre en place feront partie du contrat de financement.

L’avantage est implicitement de pouvoir profiter de la capitalisation d’expérience pour avoir une plus grande marge de manoeuvre. En effet, les connaissances acquises par le pilote génèreront des économies d’échelle lors de la période de déploiement. De ce fait il faut profiter de notre connaissance et notre expertise via les paquets.

Dans la logique d’un montage de programme nous tenons aussi à mettre en avant le développement stratégique de l’ONG concernée. En effet pour agir plus en profondeur, il paraît essentiel de développer des partenariats. Les compétences de l’ONG initiatrice du programme n’étant pas illimités, il est important de trouver des partenaires dont les corps de métier correspondent à des besoins fondamentaux en termes de tâches dans le programme mis en avant. Ainsi, une ONG spécialisée dans les projets de compensation carbone pourrait être partenaire, un laboratoire de recherche en agronomie aussi… Il ne faut pas oublier les instituts de recherche car le développement avance en même temps que la recherche, il faut donc mettre en place des logiques de recherche action.

En termes de gestion par l’ONG initiatrice du programme il faut partir de la logique de certains projets labélisés pôles de compétitivité. L’ONG en question doit s’imposer comme porteur du programme, elle a la charge des tâches correspondant à son corps de métier, de la communication, de la recherche de financement, de la répartition des financements et de l’audit du programme.

En mettant en avant des logiques de complémentarité et de compétences distinctives le programme permet la mise en place de réels pôles d’innovation en développement. L’ONG émettrice du programme a aussi un intérêt direct dans la mesure où toutes les publications et les études liées au programme porteront aussi son sot. Cette approche est donc utile pour le développement de la structure ; La structure en se développant assoit sa légitimité et du coup accède plus facilement aux financements amenant à d’autres programmes afin de participer plus largement et durablement au développement dans le monde.

19 Les entreprises émettant un certain niveau de CO2 par leur production peuvent désormais acheter des crédits carbones qui annulent l’excédent de CO2 qu’elles produisent.

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