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Chapitre 1 : Un territoire, un festival, une économie : études de cas de coopération entre spectacle et tourisme

Non classé

Trois études cas portant sur des festivals vont être ici analysées. Il s’agit dans un premier temps du festival des Rencontres Musicales en Montagne Ardéchoise qui se base sur mon expérience de stagiaire en tant que chargée de développement du festival.

En effet, j’ai souhaité relier ce mémoire à une expérience professionnelle personnelle(36) et de pouvoir la mettre en parallèle avec d’autres festivals similaires. Ainsi ai-je mené des entretiens avec des acteurs du festival de Chaillol dans les Hautes Alpes de Provence et du festival Au Bonheur des Mômes en Haute Savoie. Un bilan des pratiques collaboratives dans le cadre des trois festivals étudiés sera ensuite dressé, en y analysant les relations de coopération.

Etude de cas n°1

Soutenir la culture pour développer le tourisme, développer le tourisme pour soutenir la culture : le festival Rencontres Musicales en Montagne Ardéchoise

Concert au château de Luc accompagné des contes d’une historienne.

 

Concert au château de Luc accompagné des contes d’une historienne.
Crédit : Roger Mourgue

Origine et philosophie du festival

L’association Musique et Culture en Montagne de Saint-Etienne-de-Lugdarès est née en 2003 et a pour vocation l’organisation annuelle d’un festival de musique classique itinérant Les Rencontres Musicales en Montagne Ardéchoise. Elle est portée par une double ambition de proposer des concerts de qualité et favoriser leur accès à un large public. Cet évènement culturel se déroule chaque année, du 08 au 14 août en territoire de moyenne montagne et s’étend jusqu’aux villages limitrophes du département de la Lozère. « Ce festival, raconte Jean-Louis Chaze, président de l’association, n’a cessé depuis dix ans d’associer à l’amour de la musique, les richesses de notre territoire, invitant à découvrir notre patrimoine naturel et nos églises. Cette itinérance de concerts permet d’aller à la rencontre des habitants et de leur proposer une programmation diversifiée et de qualité. Et chaque concert se prolonge dans une ambiance conviviale, réunissant musiciens et public autour des dégustations des produits du terroir »

La programmation décentralisée dans les églises des villages permet ainsi de proposer aux habitants locaux une offre culturelle de proximité et de valoriser les ressources culturelles et patrimoniales du lieu. Elle attire également un bon nombre de touristes. Le lien social se tisse en partie autour des buffets après-concert, et lors d’une traditionnelle journée musicale en plein air. Celle-ci se déroule dans un site patrimonial (château, enceinte d’une abbaye) et agence concert, pique nique et randonnée musicale.

Ce festival a d’abord été porté par les membres de l’office de tourisme Cévenne et Montagne Ardéchoises de Saint-Etienne-de-Lugdarès. Il est né de la rencontre entre Philippe Depetris et René Vanden Berghe. Philippe Depetris est flûtiste, directeur artistique et professeur au Conservatoire de Musique et d’Art Dramatique d’Antibes ; il séjournait chaque été à Cellier du Luc, dans la maison de famille. René Vanden Berghe, était quant à lui un Brusselois, installé pour sa retraite sur la commune de Saint-Etiennede-Lugdarès. Il était très investi en tant que bénévole dans les animations du canton, dont celles menées par l’office de tourisme Cévenne et Montagne Ardéchoises.

Ensemble, ils ont évoqué l’opportunité de créer un festival de musique classique cheminant les églises des villages alentours et ainsi sont nées en 2003, Les Rencontres Musicales en Montagne Ardéchoise.

Depuis 2009, face à l’ampleur que prenait l’évènement et dont le budget global finissait par représenter la moitié de celui de l’office de tourisme, la question sur la nécessité pour le festival à disposer de sa propre structure juridique s’est posée. A été ainsi fondée l’association Musique et Culture en Montagne (MCM) qui a été reprise par les mêmes membres organisateurs du festival qui sont actuellement au nombre de six. Ceci a permis de renforcer l’identité culturelle du festival, de développer et de pérenniser plus indépendamment les activités de l’association. Cette structuration interne facilite et rationnalise également les demandes de subvention auprès des partenaires publics.

Musique et Culture en Montagne se réunit autour d’un projet d’action culturelle en milieu rural, permettant ainsi à l’office de tourisme de se décharger d’une manifestation culturelle devenue trop importante à gérer, et qui dépassait le cadre général de sa mission de service public. Bien qu’un office de tourisme puisse être facultativement chargé par le conseil municipal, d’organiser des évènements culturels, cela doit rester dans des proportions raisonnables qui ne portent pas atteinte aux autres fonctions de services obligatoires qui lui sont attribuées (accueil, information, promotion, développement touristique local).

Caractéristiques de la coopération entre l’association et l’office de tourisme

L’association Musique et Culture en Montagne occupe à titre gratuit, le bureau de l’office de tourisme pendant six mois par an, à temps plein. Cette mise à disposition des lieux lui permet de réaliser d’importantes économies sur l’ensemble des frais de fonctionnement qui sont pris en charge par l’office de tourisme. A cet avantage économique, s’ajoute une dynamique de coopération positive entre le salarié de l’office du tourisme et les organisateurs de Musique et Culture en Montagne. En effet, la cohabitation au sein d’un même espace de travail, favorise les échanges et l’articulation du festival avec les ressources culturelles et patrimoniales du territoire. La connaissance et la vision que le responsable de l’office de tourisme, Nicolas Betton, a du territoire, apporte au festival des idées de mise en réseau avec d’autres acteurs locaux. Dans le cadre de la 10ème édition du festival, ont été conduites les actions partenariales suivantes entre l’équipe du festival et celle de l’office de tourisme:

– Les communiqués de presse et supports visuels de la 10ème édition du festival ont été transmis au SITRA (Système d’Information Touristique en Rhône-Alpes) qui est une base de données qui recense plus de cent mille informations touristiques en région Rhône-Alpes. Celles-ci sont classées par genres d’activités et sont transférées à de nombreux acteurs touristiques tels que les offices de tourisme, les imprimeurs, les webagencies, etc. Cette mise en réseau de professionnels du tourisme permet de multiplier la présence de l’information SITRA sur des supports de communication variés (guides, brochures, téléphonie mobile, web, bornes interactives, etc.) qui profite donc à Musique et Culture en Montagne.

– La consultation de la base de données de l’office de tourisme sur les hébergeurs, les restaurateurs et les offices de tourisme du département a été utilisée par l’association pour envoyer un courrier à l’ensemble des acteurs locaux du territoire, leur présentant la 10ème édition et les invitant à communiquer sur cet évènement, en mettant à disposition des visiteurs, le programme du festival.

– Une action conjointe de diffusion a été menée à travers l’envoi par publipostage, du calendrier des manifestations culturelles du territoire aux habitants, dans lequel a été inséré un dépliant des Rencontres Musicales en Montagne Ardéchoise.

– Afin que la venue au festival puisse susciter l’envie de visiter un site touristique récemment implanté sur le territoire, à savoir le Moulin de Masméjean qui abrite une exposition sur les énergies renouvelables, une politique tarifaire a été mise en place. En effet, chaque achat d’un billet des Rencontres Musicales, donne droit sur présentation de ce dernier, à une réduction tarifaire sur le prix d’entrée au site jusqu’à l’automne. Par ailleurs, la commande dans un magazine départemental d’un encart publicitaire sur le festival a permis de négocier gratuitement la rédaction d’un article sur le Moulin de Masméjean. De plus, des flyers présentant ce dernier ont été insérés dans les programmes du soir distribués aux spectateurs. A ce jour, il est encore trop tôt pour évaluer l’efficacité de cette démarche, bien qu’elle semble porter ses fruits.

– Un évènement intitulé Foires et Musique a été co-organisé entre Musique et Culture en Montagne et l’office de tourisme, dans le cadre de la journée de clôture du festival.

L’objectif étant de profiter de l’évènement pour mettre en place une manifestation réunissant exposants de produits locaux, divers artisans et animations pour les enfants. Cette journée s’est présentée comme un temps fort à la fois pour le festival et pour le village de Saint-Etienne-de-Lugdarès, et visait stratégiquement à réunir du monde pour valoriser l’image du festival dans son rapport au territoire. Aussi, un concert gratuit s’est déroulé dans l’église du village, avec ce défi de rassembler les mélomanes, les enfants, les gens d’ici et d’ailleurs. Sur le plan organisationnel, l’office de tourisme a été chargé de la communication de cet évènement (avec une affiche spécifique) et a recherché les artisans et producteurs, tandis que l’association Musique et Culture en
Montagne s’est concentrée sur l’axe de sensibilisation des enfants à la musique et a pris en charge les frais financiers de cette journée.

Ainsi, le partage d’outils de travail et la relation de proximité entre professionnels de la culture et professionnels du tourisme, favorisent des initiatives en matière de coopération. Le festival apporte au territoire un rayonnement culturel en période estivale, et une hausse de la fréquentation touristique en matière de restauration, d’hébergement et de visite des sites de proximité. L’office du tourisme est considéré comme un partenaire du festival, de par les mises à disposition de son milieu de travail et d’une part du temps du travail du responsable de l’office de tourisme, consacrée au profit de l’association. Ont été rédigées des conventions mentionnant les modalités de ces mises à disposition, la convention étant le principal instrument juridique de la coopération entre acteurs. La différenciation par deux conventions distinctes de la mise à disposition du personnel et de la mise à disposition du local ont permis de distinguer deux clés de répartition : la surface et le temps salarié (le choix d’une clé de répartition globale aurait davantage correspondu à une logique de prestation de service et moins à une logique de mise à disposition) Le responsable de l’office de tourisme apporte donc ses compétences gestionnaires et managériales en matière de recherche de financements et d’organisation logistique durant la période du festival. La mise à disposition du local quant à elle, est occupée depuis deux ans à raison de six mois dans l’année, par un stagiaire de niveau BAC+5 spécialisé dans le management des organisations culturelles.

Ce stagiaire a pour missions d’organiser et de développer avec les bénévoles de l’association et le directeur artistique qui est lui engagé sous contrat, le festival.

Quelles perspectives pour développer la coopération ?

De nouvelles perspectives pourraient être envisagées tel que l’élaboration d’un forfait touristique intégrant le festival et le combinant avec un ensemble d’offres complémentaires : transport, hôtellerie, restauration, loisirs, etc. Ceci engagerait l’office de tourisme Cévenne et Montagne Ardéchoises à développer la commercialisation de prestations de services touristiques à travers la vente d’un séjour qui articulerait le festival comme premier motif de destination, associé à la découverte patrimoniale du territoire. La création d’une formule comme celle-ci, doit veiller à respecter la réglementation de la commercialisation de services touristiques. En effet, le forfait touristique se définit comme une prestation :

« 1. Résultant de la combinaison préalable d’au moins deux opérations portant respectivement sur le transport, le logement ou d’autres services touristiques non accessoires au transport ou au logement et représentant une part significative dans le forfait ;

2. Dépassant vingt-quatre heures ou incluant une nuitée ;

3. Vendue ou offerte à la vente à un prix tout compris. »(37)

La possibilité de vendre un séjour festival doit répondre à l’obligation pour l’office de tourisme d’être immatriculé au registre d’immatriculation des agents de voyages et autres opérateurs prévus (article L.141-3 du code du tourisme). L’office de tourisme Cévenne et Montagne Ardéchoises ne dispose pas d’une licence d’agent de voyage et ne peut donc pas vendre de forfait touristique. Il peut néanmoins concevoir des formules d’excursions touristiques autour du festival, à travers la visite de sites patrimoniaux ou la combinaison d’un ticket de billetterie associant un menu gastronomique suivi du concert. L’association peut aussi entrer en contact, avec l’agence de voyage La Burle située sur le territoire de la Montagne Ardéchoise à Saint-Eulalie, qui est spécialiste des voyages de randonnée. La création d’une formule combinant la randonnée à quelques concerts pourrait être envisagée. Ce qui engagerait la mise en place d’un accord, ciblant les conditions tarifaires de cette formule, en réfléchissant également aux attentes potentielles des personnes susceptibles d’être intéressées par cette offre. Car, le simple fait de juxtaposer des concerts le soir après des randonnées à la journée, n’a en soi pas de réel intérêt si un projet sur l’interaction entre randonnée et musique n’est pas monté.

En effet, il est arrivé que des clients de La Burle, se soient rendus par eux-mêmes au cours de leur séjour de randonnée aux concerts des Rencontres Musicales, sans que ceux-ci ne s’inscrivent dans la programmation de leur séjour. Aussi, l’enjeu d’une telle formule associant les deux univers, consiste à les relier entre eux, et à entrevoir les imbrications possibles et ce en quoi elles contribuent à éveiller un désir culturel et touristique.

Etude de cas n°2

Un territoire où un festival puise son inspiration, des oeuvres qui incitent à découvrir un territoire : le festival de Chaillol

Balade musicale en Champsaur

Balade musicale en Champsaur
Source : www.lebocage.org

« Le territoire ne doit pas seulement être le décor ou le plateau sur lequel les concerts seraient servis. De cet écrin unique, de ses richesses naturelles et humaines, le festival doit continuer à puiser son inspiration »

(Marc Lourdaux, président de l’association Espace Culturel de Chaillol)
Origine et philosophie du festival

Dans la vallée du Champsaur, sur les contreforts du massif des Ecrins, est né il y a seize ans, le Festival de Chaillol qui a lieu du 19 juillet au 12 août, à travers une dizaine de communes. Il est le fruit de la rencontre entre des gens d’ici et des gens d’ailleurs qui se sont liés par l’association de la musique à la culture d’un territoire montagnard. L’histoire de ce festival remonte à l’enfance du directeur artistique, Mickaël Dian, qui a passé ses vacances en pays gapençais où ses parents passionnés de musique avaient organisé à Chaillol des stages d’initiation musicale pour les enfants.

Mickaël Dian a hérité de ses parents, ce désir de transmettre son amour pour la musique et la montagne. Partager cette musique en pluralité : musique de chambre, classique, contemporaine, du monde, improvisée, constitue sa ligne de programmation qui est sensible aux différentes façons de composer une musique. Il s’agit pour le directeur artistique de travailler d’une part, sur la manière dont la musique peut être reçue et sur les conditions dans lesquelles elle est émise en considérant « la création comme éthique de la relation » D’autre part, il est question d’approfondir la notion de la création dans une approche transversale, en s’ouvrant par delà l’écriture savante européenne, à l’oralité et à l’improvisation musicale à travers les cultures extrême-orientales, sudaméricaines, traditionnelles et populaires. Cet approfondissement de la création passe également à travers la relation au territoire qui « est riche de mémoires et de choses à apprendre » et de pouvoir ainsi relier le festival à l’environnement qui l’entoure et à sa population. Ce double ancrage artistique et territorial, est symbolisé également par l’itinérance des concerts. Celle-ci est à la fois perçue comme une manière de créer du lien social avec les habitants, que comme un moyen de diffuser l’art sur un territoire. Le projet de l’association organisatrice du festival, s’inscrit à l’année dans la vallée du Champsaur, car elle diffuse en dehors de la saison estivale, des concerts. Une saison musicale démarre l’hiver, de janvier à juin et culmine dans l’été, avec un public plus mélangé qui réunit les résidents secondaires, les natifs et les touristes ; « sur 3 500 festivaliers, environ 300 personnes ne viennent pas du coin » Certains musiciens programmés l’hiver, reviennent au festival de Chaillol l’été. Il y a cette idée forte chez le directeur artistique, de composer musicalement avec le territoire en tissant des liens avec les habitants locaux et les acteurs touristiques.

La relation de coopération entre le festival et les acteurs du territoire Une des vocations premières du festival est d’aller à la rencontre des habitants. Les questions de la démocratisation et de la décentralisation culturelles sont selon le directeur artistique à renouveler en permanence. Pour ce faire, un réseau de confiance a été instauré entre les associations culturelles existantes, les habitants et les élus, sur la capacité du projet de Chaillol à aménager par le biais de la culture le territoire. L’équipe du festival travaille en collaboration avec des gens du cru et des professionnels appartenant au secteur du tourisme. Plusieurs actions de coopération ont été menées et en voici à présent quelques exemples.

Avant que la première édition se réalise, le directeur artistique était allé à la rencontre de Marc Lourdaux qui travaillait à l’époque à l’office de tourisme de Chaillol. Cette rencontre est née du désir de festival de s’associer avec des personnes dotées d’une vision du territoire. La musique classique était de loin le centre d’intérêt de Marc Lourdaux, mais il était ouvert à l’idée naissante d’un projet artistique sur son territoire.

Ce premier tandem a amené en 2008 la rénovation de l’église de Saint-Chaillol, afin d’accueillir les premiers spectateurs du festival. Lieu emblématique du festival, la restauration de cette église témoigne d’une rencontre réussie entre culture et territoire :

« Marc revendique une forme de tension entre ces deux pôles, d’un côté, l’art, la musique, la création, de l’autre, le Champsaur, la montagne et les montagnards ; d’un côté l’approche intellectuelle, le raisonnement et la culture de Michael, de l’autre l’esprit intuitif de Marc qui trouve ses idées les mains dans la terre de son jardin au bord du canal de Malcros »(38)

Aujourd’hui Marc Lourdaux est le président actuel de l’association Espace Culturel de Chaillol (organisatrice du festival) Parmi les membres du conseil d’administration du festival, il y a un conseiller scientifique du Parc National des Ecrins, Hervé Cortot. Il apporte également des conseils pour lier le paysage au festival ; c’est à travers les balades musicales qu’il s’est intéressé à cet évènement :

« Hervé est entré dans l’histoire du festival de Chaillol par la porte du paysage et des ballades musicales. D’autres sont rentrés dans le Champsaur par la porte de la musique et des concerts. Chacun son chemin […] Hervé est un passeur, il donne les quelques explications qui permettent d’entrer dans ce qu’on ne voit pas avec les yeux, dans la mémoire de ce territoire »(39)

Les balades musicales du festival de Chaillol sont coordonnées par un violoniste, Alexandre Sauvaire, avec les conseils d’Hervé Cortot et de Marc Lourdaux. Cette collaboration témoigne d’une volonté d’intégrer le festival dans une dimension patrimoniale du paysage. Une offre de séjour « Musique et Culture en Champsaur, le festival de Chaillol » est conçue depuis trois ans par une agence locale de tourisme sportif, l’Artambule, spécialisée dans la randonnée pédestre. Elle propose durant la période qui couvre le festival, un circuit de randonnées culturelles pendant 7 jours, auquel sont intégrés des intermèdes musicaux ainsi que les concerts en soirée. Ce voyage est encadré par un accompagnateur en montagne originaire du Champsaur, qui est aussi conteur et musicien. Il inclue l’hébergement en pension complète et les prix des billets du festival pour une somme de 790 €. Un accord a été conclu entre Artambule et le festival de Chaillol pour une remise tarifaire sur le prix des places de concerts achetés par l’agence. Cette formule touristique amène chaque année une dizaine de mélomanes venus de la France entière, appartenant à catégorie des seniors.

Le directeur de l’agence dit « avancer sur la pointe des pieds » avec cette offre qui attire une micro clientèle, car il y a cette difficulté selon lui d’allier le tourisme sportif au tourisme culturel, « comme s’ils s’excluaient l’un à l’autre, alors qu’ils pourraient se compléter » Dans les mentalités, les stations de montagne sont avant tout des lieux de pratiques sportives et sont moins associées à des lieux de pratiques culturelles et artistiques. En cela, les offices de tourisme ont un rôle à jouer dans la valorisation des évènements culturels qui se produisent sur leurs territoires, en vue de diversifier également les activités qu’ils proposent. En effet, l’organisation de manifestations culturelles l’été sur une station de ski permet de développer un tourisme estival axé sur la culture et l’art en territoire de montagne.

L’office de tourisme de Chaillol met en valeur le festival sur son site internet à travers un onglet spécifiquement dédié à cet évènement. Il met également un bureau à disposition de l’association organisatrice du festival qui est composée d’une équipe salariée avec un directeur artistique, un administrateur, un coordinateur technique et une stagiaire assistante à la communication. Cette proximité de travail permet de sensibiliser le personnel de l’office de tourisme aux objectifs et aux valeurs du festival, améliorant la communication relationnelle sur cet évènement.

Etude de cas n° 3

Quand une station de ski devient un haut lieu du spectacle jeune public : le festival Au Bonheur des Mômes

Crédit Photo  G.Piel

Crédit Photo : G.Piel
Source : www.aubonheurdesmomes.com

Origine et philosophie du festival

Le 21ème festival international de spectacles jeune public, Au Bonheur des Mômes est un évènement culturel d’envergure qui a proposé du 26 au 31 août 2012 : 28 scènes, 350 représentations et 80 compagnies. 80 000 festivaliers sont venus au festival, soit 40 fois plus que la population du village d’accueil Le Grand-Bornand. Situé en plein coeur du Massif des Aravis en Haute-Savoie, le Grand-Bornand est aussi une station touristique, l’été comme l’hiver. L’office du tourisme du village développe une politique évènementielle forte, avec l’organisation en autres du championnat de France de ski, de Glisse en Coeur – 24 heures de glisse et de concerts, et du festival Au Bonheur des Mômes en collaboration avec le théâtre de la Toupine d’Evian. La compagnie du Théâtre de la Toupine implantée en Haute Savoie depuis 1977, est spécialisée dans les spectacles jeunes publics et a notamment pour domaine de prédilection, le théâtre de rue. Elle jouait régulièrement dans le village du Grand-Bornand et en 1991, l’office de tourisme l’a contacté pour y développer davantage la programmation de spectacles de plein air.

« Tout est parti d’une envie commune, celle de prouver qu’on pouvait faire du tourisme culturel, sortir du tout ski. C’est devenu l’histoire d’une véritable rencontre entre une compagnie, le Théâtre de la Toupine, et un village, Le Grand-Bornand »(40)

L’enjeu de ce festival consistait d’un part pour la Compagnie de s’implanter durablement dans la région et d’autre part pour l’office de tourisme Le Grand-Bornand, de concevoir un évènementiel culturel, et de diversifier ainsi les activités de la station.

Les lieux du village dévoilent un fort potentiel de décors où les maisons traditionnelles, le cinéma, l’école se voient être transformés à l’occasion du festival. Autant de mises en scènes insolites se déroulent également au milieu des alpages, auxquelles on accède en télécabine. Ce sont ainsi 14 scènes intérieures, 6 scènes en plein air et un centre du village consacré à des jeux en bois qui s’animent durant 6 jours. Le taux de fréquentation y est de 90% et la moitié de la programmation est gratuite. L’évènement se déroule sur une période de fréquentation touristique calme, une semaine avant la rentrée scolaire. La dernière semaine d’août est un choix stratégique, car elle permet de prolonger la saison touristique et d’atteindre aussi bien les touristes que les habitants locaux. En effet, le festival attire un public varié composé de familles, de centres de loisirs et de programmateurs de spectacle (160 professionnels présents en 2012). 50% proviennent de la région Rhône-Alpes dont une majeure partie de Haut-Savoyards ; 40% viennent d’autres départements et 10% de pays étrangers. Le festival constitue lors de cette période un atout économique important et dynamise l’activité du village du Grand-Bornand jusqu’à celle de la vallée de Thônes.

La diversification touristique de la station de montagne du Grand-Bornand qui met en place des activités artistiques et culturelles, favorise l’essor d’un tourisme culturel en milieu montagnard. En effet, de nombreux villages de station touristique sont fortement dépendants d’un tourisme sportif. Cette mono-activité génère alors une forte dépendance économique et financière. La question de l’implantation de nouvelles activités dont le festival Au Bonheur des Mômes constitue un exemple, permet à travers la culture de développer sur un territoire, le secteur du spectacle. Ce festival a suscité chez les habitants locaux, des vocations. Des enfants qui assistaient au festival il y a plusieurs années, travaillent aujourd’hui pour le festival ou sont devenus des artistes.

Par exemple, une jeune compagnie d’artistes du cru, diplômés du Centre National des Arts du Cirque (CNAC) a récemment établit son siège social au Grand-Bornand.

« Cet événement n’a jamais été créé dans le seul but de générer des retombées économiques au Grand-Bornand. L’idée était bien de proposer quelque chose de
différent, d’ouvrir les esprits aux arts vivants, de susciter, pourquoi pas, des vocations…»(41)

De nombreux ateliers de pratique artistique sont aussi proposés aux enfants, leur permettant de s’initier aux arts du cirque, au théâtre et à la danse.

Caractéristiques de la coopération entre l’office de tourisme Le Grand-Bornand et le théâtre de la Toupine

L’office de tourisme Le Grand-Bornand coordonne l’ensemble de la manifestation culturelle, tandis que le Théâtre de la Toupine d’Evian dirige la programmation artistique. L’équipe du festival est composée à la fois de salariés de l’office de tourisme du Grand-Bornand et du théâtre de la Toupine. Ensemble, ils partagent leurs compétences, de la sorte que les professionnels du spectacle saisissent les apports du tourisme dans leur secteur et en tirent des bénéfices. Tout autant que les professionnels du tourisme qui développent dans leurs champs de compétences, la gestion d’évènementiels culturels et la connaissance des spécificités de ce secteur (cadre juridique et réglementaire, droits des contrats, etc.) L’organisation interne de l’évènement se structure ainsi de la façon suivante : Isabelle Pochat-Cottilloux, directrice de l’office de tourisme du Grand-Bornand, assure également la direction générale du festival, étant responsable de la partie administrative et financière. Elle s’occupe de la recherche de partenariats et définit les évolutions du festival, notamment dans son rapport aux habitants (« Comment associer les bornandins au festival ? »)

Parallèlement, Alain Benzoni travaille sur la programmation artistique du festival. Ils sont amenés à collaborer sur les actions de communication du festival tel que l’élaboration du dossier de presse. Un coordinateur général qui travaille au sein de l’office de tourisme assiste la directrice générale et le directeur artistique. Il assure le suivi des contrats, identifie les besoins logistiques en communication avec le service technique du festival. Il participe également à la définition des orientations du festival.

Par ailleurs, les salariés chargés de la communication et de la production au Théâtre de la Toupine, consacrent une partie de leur temps de travail à l’organisation du festival. La chargée de communication se charge de l’accueil des professionnels et la chargée de production, de l’accueil des compagnies de spectacle. Les relations presse sont quant à elles gérées par l’attaché de presse de l’office de tourisme. Dans la brochure touristique de l’été 2012, est d’ailleurs intégrée une double page publicitaire consacrée au festival (cf. annexe p.79) L’office de tourisme a également monté un séjour festival en partenariat avec deux agences de location d’hébergements situés au Grand-Bornand. Ce séjour inclue l’hébergement en appartement, résidence de tourisme ou hôtel avec 5 spectacles au choix, à partir de 129 € par personne. L’hébergement est gratuit pour les enfants de moins de six ans. La vente de cette formule représente 35% de la location totale des hébergements à sec durant la période du festival. Le tarif de ce séjour est négocié avec l’office de tourisme qui applique alors une réduction sur la vente des spectacles. Par ailleurs, on comptabilise sur les 6 jours de programmation 42 000 nuitées au Grand-Bornand qui sont générées par le festival.

Des projets sont aussi conduits avec les acteurs locaux, tel que la mise en place d’animations ludiques durant le festival qui visent à découvrir la gastronomie et le patrimoine. Des démonstrations de fabrication de reblochon par des agriculteurs du Grand-Bornand sont proposées, en partenariat avec « les Fromages de Savoie » et « Le Reblochon de Savoie Fermier ». Des ateliers de construction de maisons traditionnelles et la visite d’une maison datant de 1830 sont organisés par une association du patrimoine bornandin. Le festival entend ainsi s’ancrer dans son environnement local ; de même qu’il donne l’occasion de découvrir un autre territoire, la Wallonie, dans le cadre d’un partenariat mené avec Wallonie-Bruxelles Théâtre Danse et Wallonie Bruxelles Tourisme. Celui-ci repose sur la programmation artistique du festival qui a mis à l’honneur de cette 21ème édition, des compagnies belges. Un stand de découverte de la Wallonie et des dégustations des produits de son terroir a été mis en place durant le festival.

36 L’étude de cas n°1 liée à mon stage d’étude, sera rédigée à la troisième personne du singulier, pour conserver le point de vue externe de la rédaction de ce mémoire.
37 Delsol et associées, Fiche juridique, Commercialisation de services touristiques (Nouveau régime en vigueur le 1er janvier 2010), p.2
< www.ohlalapro.com/…commercialisation/commercialisation-de-services- touristiques/download>
38 Dian, Michael, dir. Chaillol Portraits d’un Festival, Edition Aedam Musicae, 2012, p.40
39 Ibid. p.116
40 Alain Benzoni, directeur artistique du festival, extrait d’une interview dans le dossier de presse de la 20ème édition du festival, disponible sur internet
<http://www.theatre-toupine.org/img/pdf_projet_presse_9.pdf>
41 Isabelle Pochat Cotilloux, directrice générale et administrative du festival, extrait d’une interview dans le dossier de presse 2012. Disponible sur < http://www.aubonheurdesmomes.com/wp-content/uploads/2012/05/DP-ABDM-2012-mail2.pdf >

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