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CHAPITRE 1 : LES CRITERES DE SEGMENTATION MENACES

ADIAL

L’arrêt Test-Achats examine uniquement l’utilisation du facteur sexe dans un contexte où les
hommes et les femmes se trouvent dans des situations respectives comparables du point de
vue du législateur. Il ne concerne pas l’utilisation d’autres facteurs d’évaluation des risques,
tels que l’âge et le handicap, qui n’est actuellement pas régie au niveau européen.
En revanche, une proposition de directive du Conseil relative à la mise en oeuvre du principe
de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de
handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle a été présentée par la Commission européenne au
Conseil de l’UE, le 2 juillet 2008(67). Son adoption nécessite l’unanimité. A l’instar de la
directive 2004/113, cette directive en préparation place-t-elle aussi respectivement, au regard
du Droit, les jeunes et vieux, handicapés et bien portants, dans des situations comparables,
auquel cas l’utilisation de l’âge et du handicap risquerait d’être interdite à terme.

L’utilisation de l’âge et du handicap continuerait d’être autorisée dans le cadre de cette
proposition de directive de 2008, comme l’indique la Commission dans sa note de bas de page
n° 17 des lignes directrices sur l’application dans le temps de l’arrêt Test-Achats. Ainsi, elle
énonce que : « Contrairement à la directive, cette proposition ne contient pas de principe
général tel que la règle des primes et prestations unisexes, selon lequel l’utilisation de l’âge et
du handicap ne doit pas entraîner de différence en matière de primes et de prestations.

L’objectif de la disposition pertinente est plutôt de reconnaître que, par exemple, deux
personnes d’âge différent ne se trouvent pas dans une situation comparable au regard de
l’assurance-vie et que des différences de traitement proportionnées, fondées sur une
évaluation solide des risques, ne constituent par conséquent pas une discrimination».

Cette proposition de directive (du 2 juillet 2008) ne part donc pas du même postulat que celui
de la directive 2004/113. En l’espèce, le législateur considère que les situations en cause ne
sont pas comparables et doivent être traitées différemment. La pratique de la différenciation
selon l’âge ou le handicap n’est donc pas jugée discriminatoire, bien au contraire. Cette
position est conforme au principe d’égalité de traitement car le législateur a reconnu l’absence
de similitudes des situations en présence.

En outre, il convient de rappeler que ce n’est pas l’application directe de la Charte des droits
fondamentaux qui a conduit la CJUE à affirmer que « la prise en compte du sexe de l’assuré
en tant que facteur de risques dans les contrats d’assurance constitue une discrimination »
(Communiqué de presse n° 12/1). Cette affirmation découle de l’article 5, paragraphe 1, de la
directive qui érige la règle des primes et prestations unisexes comme modalité de mise en
oeuvre du principe d’égalité de traitement entre les hommes et les femmes. Cette position de la
CJUE ne saurait donc être généralisée à l’utilisation d’autres critères objectifs que le sexe en
matière de prestation d’assurance. Compte tenu de la rédaction de la proposition de directive
de 2008, a priori, il n’y aurait pas de risque de voir le critère de l’âge ainsi que celui du
handicap prohibé.

Comme expliqué plus haut, la proposition de directive de 2008(68), laquelle est actuellement en
cours de discussion, prévoit une disposition spécifique pour l’ensemble des services financiers
(donc y compris les produits d’assurance et de banque) en permettant aux États membres
d’instaurer des différences proportionnées de traitement lorsque, pour le produit en question,
l’utilisation de l’âge ou d’un handicap constitue un facteur déterminant pour l’évaluation du
risque, sur la base de données actuarielles ou statistiques précises et pertinentes. (Proposition
d’art. 2, § 7). Toutefois, contrairement à la directive 2004/113, l’actuel considérant 15 de cette
proposition de directive précise clairement que, dans ce cas, ces facteurs ne devraient pas être
considérés comme des discriminations.

Quant à l’état de santé, qui n’est pas visé dans cette proposition de directive, rien n’est prévu
concernant ce critère.

En somme, la proposition de directive de 2008 semble se distinguer de celle de 2004 au
niveau du choix politique opéré.

La directive de 2008 est politiquement bloquée : il n’y a pas de consensus. Or, l’unanimité est
requise pour que cette directive soit adoptée. Le lobbying intervenu en 2003 vis-à-vis du sexe
est réitéré aujourd’hui de façon pratiquement identique vis-à-vis de l’âge face à la nouvelle
directive proposée par la Commission concernant l’égalité de traitement sans distinction de
religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle. En effet, les
différenciations en fonction de l’âge semblent encore plus répandues que celles fondées sur le
sexe dans la pratique des contrats d’assurance. L’arrêt Test-Achats a donné lieu dans le
secteur de l’assurance à beaucoup de spéculations quant aux implications qu’il pourrait avoir,
au travers de ses affirmations concernant la comparabilité dans le contexte de la
discrimination fondée sur l’âge.

L’arrêt Test-achats ne présage de rien et il est possible de s’interroger quant au sort qui
pourrait être réservé par la CJUE à cette question, dans l’éventualité où elle serait saisie et
dans l’hypothèse bien sûr où la directive 2008 serait un jour adoptée.

« Que se passerait-il si la Cour était interrogée sur la légalité d’une disposition de la nouvelle
directive (en supposant qu’elle soit adoptée un jour car elle semble plutôt au point mort pour
le moment) autorisant une différence permanente de traitement fondée sur l’âge et basée sur
des facteurs statistiques et actuariels?

De manière plus spécifique, que se passerait-il si la nouvelle directive n’exprimait pas de
présomption de comparabilité telle que celle établie par la Cour par rapport à la directive
2004/113 ? Il n’est pas inconcevable, [selon Christa Tobler], que la Cour conclue néanmoins à
une comparabilité en s’appuyant sur sa propre évaluation. L’expérience montre en effet que la
jurisprudence de la Cour en matière de comparabilité dans différents contextes de droit de
l’UE peut s’avérer assez surprenante. Un état de fait qui devrait inciter les lobbyistes actifs à
Bruxelles à bien garder l’arrêt Test-Achats à l’esprit. »(69)

L’insécurité juridique qui prévaut depuis l’arrêt Test-Achats ne facilitera pas l’adoption de
cette directive de 2008.

67 Proposition de directive du Conseil relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre
les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle
(COM(2008)426 final)
68 Proposition de directive du Conseil relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre
les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle
(COM(2008)426 final).
69 C. TOBLER, Test Achats ou les limites du lobbying, Revue du droit européen de l’égalité des genres – n°
2/2011

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