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Chapitre 1 – Les avantages de l’externalisation

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La fin de la Guerre froide a entraîné une diminution majeure de la taille des armées occidentales. Dans ce cadre, les ESSD sont apparues comme un complément nécessaire aux troupes régulières. D’autre part, l’expertise dont elles font commerce n’est plus aujourd’hui à démentir. Last but not least, à l’heure où un « coup de rabot » budgétaire est annoncé en France (147), le recours à des prestataires privés laissent entrevoir des gains économiques substantiels.

1) Un complément nécessaire aux armées régulières

« L’Etat ne peut pas tout. », Lionel Jospin

Les ESSD sont aujourd’hui une alternative efficace aux armées régulières. Elles proposent non seulement de protéger les personnes et les biens en zone instable, mais aussi d’intervenir au sein d’organisations intergouvernementales comme l’Organisation des Nations unies (ONU) ou l’Union européenne (UE).

A) La protection des personnes et des biens en zone instable

Les services de protection offerts par le ESSD concernent aussi bien les entreprises multinationales que les organisations non gouvernementales (ONG) à vocation humanitaire.

a) La protection des entreprises multinationales

S’il est vrai que depuis l’intervention au Mali, les forces spéciales françaises sont chargées de protéger les mines d’uranium d’Areva au Niger(148), cette immixtion de l’Etat pour protéger des intérêts privés s’avère plutôt rare. Dans ces conditions, les grandes entreprises multinationales développant des activités économiques en zone instable n’ont pas d’autre choix que de recourir à des ESSD. La sécurité de leurs personnels et de leurs infrastructures en dépend. L’enlèvement de sept salariés français d’Areva et de Vinci en septembre 2010 ainsi que l’enlèvement au mois de novembre de la même année de deux français travaillant sur une plateforme pétrolière au Nigéria atteste de la réalité de la menace.

Cette nécessité de protéger les entreprises agissant en zone instable avait d’ailleurs déjà été affirmée il y a plus de dix ans par le général Jean Heinrich (alors président du Comité de surveillance de GEOS) : « En France, on confond le mercenariat et la sûreté. Or la sûreté est une nécessité économique, une activité indispensable à nos entreprises qui s’exportent. Les zones grises, de forte insécurité, se développent. Il serait ridicule de se replier économiquement sur le monde ‘sûr’, de refuser d’y travailler. Il faut juste y travailler autrement, être accompagné. Les entreprises ne peuvent envoyer des gens dans des zones à risques sans protection. C’est même une question de responsabilité juridique.(149) »

b) La protection des organisations non gouvernementales humanitaires

Parallèlement aux entreprises multinationales, les organisations non gouvernementales sont également demandeuses de prestations de services de sécurité, et plus particulièrement celles qui interviennent sur le terrain de l’aide humanitaire.

Dès 1999, une étude co-rédigée par l’association humanitaire CARE International et le DOMP (Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU) faisait état de cette nouvelle donne : « Les ONG devraient considérer la privatisation de la sécurité pour des objectifs humanitaires. (150) » En 2000, lors d’une conférence de presse à Bruxelles, le responsable du DOMP, Sergio Vieira de Mello(151), renchérira en déclarant que « le recours à des compagnies privées pour protéger les travailleurs humanitaires est une formule qu’il faut explorer.(152) » Depuis, nombreuses sont les ONG à avoir eu recours aux services d’ESSD.

S’agissant des firmes britanniques, des gardes du corps d’Armor Group et de Defense Systems Limited ont assuré la protection de personnel d’ONG comme CARE ou CARITAS.

Plus étonnant, des ONG étrangères au monde anglo-saxon ont également fait appel à des services de sécurité privée. Ainsi, Médecins Sans Frontières – Belgique a reconnu avoir déjà employé des gardes privés pour sécuriser ses activités en Somalie.

Au final, les ESSD permettent à des ONG de remplir des missions d’aide humanitaire auprès de victimes sinistrées ou confrontées à des conflits armés. Sans elles, ces organisations n’interviendraient tout simplement pas ou interviendraient de façon beaucoup plus limitée.

B) Une alternative face au désengagement des Etats dans le cadre des organisations intergouvernementales

Il n’est pas surprenant que la faible implication des Etats dans le cadre des missions ccomplies par des organisations intergouvernementales ait eu pour pendant l’émergence ’une offre privée. L’Organisation des Nations unies et l’Union européenne en sont d’ailleurs es témoins les plus manifestes.

a) L’Organisation des Nations unies et les opérations de maintien de la paix

Le 19 juin 1998, Kofi Annan déclara lors d’une conférence : « Lorsque nous avons eu besoin e soldats compétents pour séparer combattants et réfugiés dans les camps de Goma auRwanda, j’avais envisagé la possibilité d’engager une firme privée. Mais le monde n’est peut être pas prêt à privatiser la paix. » Cette remarque venant de l’un des secrétaires généraux les plus charismatiques des Nations unies ne doit pas être prise à la légère. En effet, le recours à des ESSD est aujourd’hui sérieusement envisagé dans le cadre des opérations de maintien de la paix (OMP) et cela pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, « de 40 000 soldats déployés en Afrique en 1993, l’armée d’interposition onusienne ne compte plus que 1 600 hommes en 1999.(153) » Autrement dit et depuis bientôt quinze ans, l’ONU n’a plus les moyens de ses ambitions.

Ensuite, le caractère professionnel des Casques bleus a souvent été mis en cause, notamment lors de la Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUC) s’étant déroulée de 1999 à 2010. Pour citer Pierre Cherruau : « Chaque année, la MONUC coûte plus d’un milliard de dollars aux Nations Unies, sans parvenir à mettre un terme aux conflits armés qui ont fait près de 4 millions de victimes au cours des dernières années.(154) »

Enfin, la réputation de l’ONU est aujourd’hui sévèrement entachée à cause de scandales liés à des abus sexuels. Dans un ouvrage où il retrace son expérience de contractor en Irak, John Geddes dénonce les exactions commises par des soldats et des fonctionnaires des Nations Unies sur la population congolaise : « Retour en 2005. Deux officiels des Nations Unies inspectent le camp de réfugiés de Bunia, au Congo, à la recherche d’indices susceptibles de confirmer les allégations de violences sexuelles commises par des soldats de l’ONU sur les femmes, les filles ou les garçons qu’ils ont pour mission de protéger. […] Les soldats marocains semblent avoir initié ces abus. Des femmes et des enfants manquant de nourriture, de toit et de protection se sont retrouvés à devoir payer pour ces droits basiques dans une monnaie que les experts internationaux et les membres de l’ONU appellent le ‘sexe de survie’. (155) » L’ONU essaiera d’enterrer l’affaire en renvoyant deux fonctionnaires, mais l’accumulation des plaintes contraindra la MONUC à « ouvrir une nouvelle enquête après avoir appris l’existence d’un important réseau de prostitution impliquant des mineures à proximité d’une forte concentration de militaires congolais et de Casques bleus(156) ».

Au final, l’ONU ne fait toujours pas appel à des ESSD dans le cadre de ses opérations de maintien de la paix. Elle reconnaît toutefois y avoir recours dans le cadre de contrats de conseil ou de déminage. Les députés Ménard et Viollet citent d’ailleurs l’exemple du contrat passé entre l’organisation onusienne et Armor Group pour le déminage de certaines zones à risques au Sud-Soudan pour un coût estimé à 5,6 millions de dollars en 2007(157). Comme le remarque Philippe Chapleau : « l’absence de participations privées aux OMP n’implique pas une absence de relations entre SMP et OMP ».

b) L’Union européenne et la politique de sécurité et de défense commune

Dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) mise en oeuvre au sein de l’Union européenne, le recours à des ESSD est vu comme un moyen d’assurer des fonctions que les Etats membres ne veulent pas ou ne peuvent pas remplir. Concrètement, on assiste à une généralisation de l’externalisation, notamment dans le domaine des missions civiles.

Ainsi, en 2008 et 2009, dans le cadre de EUPOL RD Congo, la firme britannique G4S fut chargée de la protection des quartiers-généraux de la mission ainsi que de celle d’autres sites vitaux. De plus, en 2009, dans les territoires palestiniens, la mission EUPOL COPPS a fait appel à la société britannique Page Protective Services pour assurer des prestations de garde statique et dynamique. D’autres sociétés privées furent également engagées dans le domaine des télécommunications. Enfin, la mission EULEX au Kosovo a utilisé des ESSD pour protéger ses emprises. Un contrat fut d’ailleurs attribué en octobre 2010 à la société Henderson Risk Limited d’une valeur annuelle de 2 350 000 euros.

Ce recours à des prestataires privés s’explique largement par le désengagement des Etats membres. Par exemple, la force protection (protection de la force)(158) et le soutien médical sont souvent deux domaines dans lesquels aucun pays ne souhaite s’investir. Ce manque d’entrain est particulièrement visible lors des conférences de « génération de forces ». A ce titre, pour lancer l’opération EUFOR Tchad/RCA en janvier 2008, il aura fallu plus de quatre conférences de generation force. Plus récemment, le lancement de la mission européenne de formation des forces armées maliennes (EUTM Mali) était retardé car il manquait des hélicoptères d’évacuation médicale. La piste de l’externalisation a été évoquée (il s’agissait de recourir à deux hélicoptères médicalisés B0-105 de la firme Eurocopter) avant que la Belgique n’acceptât de réaffecter ses hélicoptères AB 109 stationnés à Sévaré dans le cadre de l’opération française Serval à Bamako au titre de la mission militaire EUTM Mali.

2) Une expertise reconnue

« La bonne application par les navires des bonnes pratiques comme la présence de gardes armés (militaires ou gardes privés) participe également de la limitation des prises par les pirates. », Nicolas Gros-Verheyde,
« Accalmie notable sur le front de la piraterie somalienne début 2012 », 10 juin 2012, disponible surwww.bruxelles2.eu, consulté le 20 décembre 2012

Le mythe de l’amateurisme des ESSD a souvent été colporté. Pourtant, leur rôle a été salué dans de nombreux domaines et leur recours représente un véritable gage de réactivité et de flexibilité.

A) Un rôle salué dans de nombreux domaines

La participation d’ESSD dans le domaine de la lutte contre la piraterie mais aussi dans des domaines où les compétences sont rares représente un véritable avantage qui n’est plus aujourd’hui démenti.

a) La lutte contre la piraterie

L’efficacité des ESSD dans le cadre de la protection des navires civils a été prouvée récemment par la baisse du nombre d’attaques de pirates. En effet, d’après le rapport du Bureau maritime international (BMI), les attaques de navires à l’est de l’Afrique et à proximité de la Somalie sont passées de 237 en 2011 à 75 en 2012 et seulement 14 bateaux ont été détournés, moitié moins que l’année précédente(159). A ce sujet, même si le rôle des Best Management Practices (BMP)(160) n’est pas à négliger, le BMI a clairement indiqué que les déploiements de navires de guerre ainsi que la présence d’équipes armées sur les navires de commerce jouaient un rôle dissuasif vis-à-vis des pirates.

Les députés français Christian Ménard et Jean-Claude Viollet s’avèrent d’ailleurs favorables à un changement de la législation sur la question des ESSD en matière de lutte contre la piraterie : « La demande de protection privée existe et l’offre française doit s’organiser, faute de quoi le rang de la France comme puissance maritime mondiale pourrait être menacé. Les évolutions doivent intervenir rapidement, afin d’accompagner les réflexions en cours dans l’Union européenne. Il s’agit à la fois de plaider pour l’adoption d’exigences minimales vis-àvis du secteur, tout en veillant à ce que les États gardent la main sur la gestion et le contrôle de leur pavillon. Cette situation invite à étudier l’état du droit français ainsi que l’offre en présence dans notre pays.(161) »

Préconisation n°5 : l’Etat n’ayant plus les moyens nécessaires à la protection contre la piraterie maritime des navires battant pavillon français, il convient, soit d’accroître les capacités des armées et notamment le nombre d’équipes de protection embarquées de la Marine nationale, soit d’autoriser la présence de gardes armés privés à bord des bâtiments transitant dans les zones jugées sensibles. Dans ce dernier cas, seules les armes non létales seraient autorisées à bord comme les canons à sons (déjà présents sur les navires de guerre américains), les canons à ondes, les armes anti-émeute, etc.

b) Les domaines hyper-spécialisés

Certaines ESSD peuvent proposer non seulement la fourniture de personnels aux compétences rares mais aussi du matériel sans cesse actualisé, « ce qui dispense les Etats d’engager des personnels ou de mobiliser des infrastructures pour des besoins ponctuels.(162) » Cette offre dans des domaines hyper-spécialisés représente par conséquent un formidable levier d’intervention pour l’Etat qui décide d’y recourir.

Cette assertion est particulièrement vraie dans le domaine des systèmes d’information et de communication (SIC). Dans ce cadre, le recours à un prestataire privé permet de toujours disposer de matériels récents. A ce titre, le groupe français Thalès a obtenu le marché de la gestion des réseaux de communication de l’OTAN en Afghanistan.

Mais l’offre des ESSD ne se limite pas qu’aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Pour citer les députés Ménard et Viollet, « En France, la société Amarante fournit au MAE les services d’un expert en explosifs pour les audits de sécurité des postes diplomatiques (90 000 euros). Cette même société lui assure également une prestation d’audit de sécurité pour les logements d’agents de l’Etat en Afrique du Sud.(163) »

Enfin, le déminage fait également partie des domaines où le recours à une ESSD permet de recourir à des compétences rares, avec un coût maîtrisé car limité dans le temps. Par exemple, en Lybie, les Etats-Unis ont su « mobiliser d’importants moyens privés pour la recherche des explosifs et leur destruction à l’appui d’un contrat global de cinq ans liant le Département d’Etat à la société Stirling. (164) » Ce contrat permet ainsi à la puissance américaine « de mobiliser des capacités privées lorsqu’un besoin se fait sentir, partout dans le monde, pour la destruction d’armes conventionnelles et le déminage humanitaire. Le contractant a indiqué par avance quels seraient les personnes et les moyens employés pour tous les scénarios possibles.

Selon les besoins, le Département d’État passe ainsi des contrats supplémentaires par théâtre, en organisant un contrôle sur place des travaux effectués.(165) »

B) Réactivité et flexibilité

En fonction des législations nationales, le déploiement de forces dans un pays en crise peut prendre plus ou moins de temps, en particulier lorsqu’un vote parlementaire est nécessaire.

Dès lors, le recours à une firme privée améliore les capacités de réaction car elle permet d’éviter cette procédure parfois jugée trop lourde. Pour rappel, les contrats entre le Pentagone et une ESSD ne sont soumis à l’examen du Congrès que lorsqu’ils dépassent les 5 millions de dollars.

D’autre part, le GAO témoigne dans un rapport de mars 2010 comparant le coût d’utilisation des employés du DoS par rapport à celui des contractors en Irak et que nous avons déjà cité précédemment(166), que la main-d’oeuvre privée est disponible quasi-instantanément alors que dans certains cas, le DoS doit recruter et entraîner les personnels correspondants. En outre, ce rapport ajoute que le DoS est parfois dans l’incapacité de fournir des individus ayant les compétences requises. Il s’agit notamment des gardes, des screeners(167), des maîtres-chiens spécialisés dans la détection d’équipements militaires et des armuriers. Il faudrait alors développer de nouveaux programmes d’entraînement pour chacune de ces spécialités et construire les infrastructures adéquates, ce qui augmenterait considérablement les coûts(168).

Par ailleurs, le recours à une ESSD présente un autre avantage décisif sur le plan de la flexibilité. Alors qu’en temps de paix, un militaire percevra sa solde, le contractor ne représentera un coût pour son employeur que lorsqu’il sera effectivement utilisé. Toutefois, il faut reconnaître que les armées ont de plus en plus recours à des personnels sous contrat. Dans le cas de la France, le personnel militaire d’active se compose en 2011 de 63% de militaires sous contrat(169) et de 37% de militaires de carrière(170) (cf. figure 3).

Figure 3 : Répartition entre militaires de carrière et militaires sous contrat par catégorie en 2011

Répartition entre militaires de carrière et militaires sous contrat par catégorie

 

Source : Secrétariat Général pour l’Administration.

Cependant, l’importance des chiffres mentionnés auparavant doit être nuancée par deux paramètres. Tout d’abord, s’agissant des militaires sous contrat, la durée de leur engagement ne pourra jamais rivaliser, en termes de flexibilité, avec celle des contractors. En effet, alors que le contrat du militaire se compte toujours en années, celui du contractor peut se calculer en mois ou en semaines, voire même en jours (au même titre que n’importe quel travailleur intérimaire). Ensuite, s’agissant des militaires de carrière, leur état ne cesse que lorsqu’ils sont radiés des cadres (article L4139-12 du Code de la défense)(171).

Dans ces conditions, le recours à une ESSD représente un avantage de taille pour celui qui veut disposer d’une main-d’œuvre déjà formée pendant un laps de temps ne l’engageant pas au-delà de ses besoins. Comme convenu par contrat, la fin de la mission entraînera la fin de l’engagement du contractor.

3) La possibilité de gains économiques

« Ce qui gêne, voire irrite, certains citoyens, c’est de voir l’Etat reconnaître que la sécurité est un bien marchand, qu’elle s’inscrit, elle aussi dans la logique du marché, qu’elle peut générer des bénéfices, alors qu’elle a longtemps été présentée comme un dû à chaque citoyen et un devoir des gouvernants envers leurs administrés. », Philippe Chapleau, Les nouveaux entrepreneurs de la guerre : des mercenaires aux sociétés militaires privées, Vuibert, Paris, 2011, p. 104.

La promesse de gains économiques n’est pas une chimère lorsqu’on recourt à des ESSD. Cependant, elle ne demeure vraie que lorsque certaines conditions sont remplies. En premier lieu, il faut qu’il y ait, selon la formule pléonastique, une « concurrence libre et non faussée ».

En second lieu, l’intérêt économique de l’externalisation est avant tout pertinent dans le cas des missions ponctuelles.

A) La nécessité d’une « concurrence libre et non faussée »

Le mécanisme de la mise en concurrence permet indéniablement de faire baisser le prix des contrats. Toutefois, cela demeure vrai à condition d’éviter deux écueils. Premièrement, il faut qu’il y ait une vraie concurrence et non pas des situations oligopolistiques voire monopolistiques. Deuxièmement, les Etats ne doivent pas céder à la paresse en renouvelant automatiquement les contrats des prestataires avec lesquels ils sont engagés. A titre d’exemple, le renouvellement automatique depuis 1975 par le gouvernement américain du contrat la liant à Vinnell Corps et concernant la formation et l’entraînement des forces de la garde nationale d’Arabie Saoudite illustre parfaitement le piège dans lequel il ne faut pas tomber.

En outre, les prestations des sociétés privées offrent bien souvent des solutions avantageuses car la taille de ces dernières leur permet de réaliser des économies d’échelle. C’est le cas par exemple de la société Global X créée en 2011 et dont l’objectif est de développer des prestations de soutien aux OMP. Global X réunit un groupement d’entreprises françaises (Thalès, Geodis (172) , Sodexo) et le GIE Access. C’est également le cas de l’entreprise britannique G4S, qui, avec plus de 620 000 employés et un chiffre d’affaires de 7,5 milliards de livres en 2011, fait partie des plus importantes sociétés au monde. On assiste donc à l’émergence de « poids lourds » mondiaux dont l’offre de services ne fait que croître et dont le coût des prestations est de plus en plus intéressant.

B) Le cas des missions ponctuelles : les ESSD comme « intérimaires » de l’Etat

Le recours à des ESSD peut présenter un intérêt économique « lorsqu’il s’agit de confier au secteur privé des missions de courte durée exigeant des compétences techniques très pointues ou très rarement utilisées en temps de paix.(173) » Pour illustrer ces économies potentiellement réalisables, nous pouvons citer Jean-Marie Vignolles qui écrivait en 2006 : « le contrat passé entre la Sierre Leone et Executive Outcomes, en 1995, a certes coûté 35 millions de dollars au gouvernement de Freetown pour huit mois d’intervention, c’est-à-dire jusqu’à ce que les rebelles du RUF rentrent dans le rang, mais cette somme semble bien dérisoire quand on la compare aux 247 millions que le déploiement précédent et finalement inefficace d’observateurs de l’ONU avait coûté, pour une mission d’une durée totale de vingt et un mois.(174) » Si l’on rapporte ces deux opérations à une durée équivalente, on constate que le recours à un prestataire privé a presque été 3 fois moins onéreux.

De façon plus récente, le Congrès américain a mis également en évidence l’intérêt de recourir aux services d’une société privée dans le cadre d’une courte période. Pour citer Bertrand Lemennicier (Docteur d’Etat en Sciences Economiques et Professeur agrégé de sciences économiques) : « en 2007, une garde rapprochée chez Blackwater (Xe aujourd’hui) ou DynCorp coûte, par garde du corps utilisé, 1 222 dollars la journée soit 445 300 dollars l’année, alors qu’un sergent de l’armée régulière coûte disons 180 dollars par jour charges comprises, soit à l’année 65 700 dollars. Mais le calcul est inapproprié, car les 1 220 dollars ne courent pas sur 365 jours, mais sur les jours d’utilisation de cette garde rapprochée. Si celle-ci est utilisée 50 jours par an, cela coûte moins cher de faire appel à DynCorp ou Xe qu’à un soldat de l’armée régulière.(175) » Autant dire que les gouvernements ne peuvent pas être insensibles à l’intérêt économique que représente l’utilisation d’ESSD.

147 PONS Frédéric, « Budget : alerte rouge pour nos armées », 14 mars 2013, disponible sur le site www.valeursactuelles.com, consulté le 15 mars 2013
148 GUISNEL Jean, « Niger : les forces spéciales protègeront les mines d’uranium d’Areva », 29 janvier 2013, disponible sur www.lepoint.fr
149 Le Figaro, 2 avril 2002.
150 Cité par BRICET DES VALLONS Georges-Henri, Irak, terre mercenaire, Editions Favre, Lausanne, 2009, p.45.
151 Siergo Vieira de Mello sera tué le 19 août 2003 en Irak lors de l’attentat de l’Hôtel Canal contre la mission de l’ONU qui s’était installée à Bagdad cinq jours auparavant. L’explosion qui provoqua la mort de 22 fonctionnaires de l’ONU entraîna le départ immédiat de l’organisation du pays.
152 Cité par BRICET DES VALLONS Georges-Henri, Irak, terre mercenaire, Editions Favre, Lausanne, 2009, p.45-46.
153 BRICET DES VALLONS Georges-Henri, Irak, terre mercenaire, Editions Favre, Lausanne, 2009, p. 45.
154 CHERRUAU Pierre, « Kinshasa, capitale d’un grand corps malade », 26 mars 2009, disponible sur www.slateafrique.com
155 GEDDES John, Autoroute vers l’enfer, Nimrod, Paris, 2006, p. 206 cité par BRICET DES VALLONS Georges-Henri, Irak, terre mercenaire, Editions Favre, Lausanne, 2009, p. 48-49.
156 Op. cit., p. 207
157 Rapport d’information n° 4350, Sur les sociétés militaires privées, Christian Ménard et Jean-Claude Viollet, 14 février 2012, p. 18.
158 La force protection a essentiellement pour mission la garde d’infrastructures militaires (par exemple, le quartier-général), la sécurité des séances d’entraînement à l’extérieur des camps (combat, séances de tirs, manoeuvre en véhicules, etc.) et les escortes lors de déplacements.
159 Anonyme, « Fret : Nouvelle baisse de la piraterie en 2012 », 17 janvier 2013, disponible sur www.zonebourse.com, consulté le 17 janvier 2013
160 Les BMP sont des pratiques éditées par le QG anti-piraterie d’EUNAVFOR Atalanta et les industriels du milieu maritime. Elles visent à retarder l’arrivée des pirates à bord des navires. Concrètement, il s’agit pour les armateurs d’équiper leurs bâtiments de façon à compliquer les abordages (par exemple, mettre en place des barrières physiques comme des barbelés, utiliser des canons à eaux ou à mousse, etc.).
161 Rapport d’information n° 4350, Sur les sociétés militaires privées, Christian Ménard et Jean-Claude Viollet, 14 février 2012, p. 28.
162 Op. cit., p. 14.
163 Op. cit., ibid.
164 Op. cit., p. 14
165 Op. cit., p. 15
166 GAO, Warfighter Support : A Cost Comparison of Using State Department Employees versus Contractors for Security Services in Iraq (March 2010).
167 Un screener est un opérateur de sûreté qui effectue le contrôle des passagers et de leurs bagages dans les gares et aéroports.
168 Op. cit., p.11.
169 Les contrats vont de 3 à 10 ans et sont renouvelables sous conditions et dans une limite de durée.
170 Secrétariat Général pour l’Administration, Bilan social 2011, Chapitre 1 – Le personnel de la Défense.
171 L’article L4139-12 du Code de la défense dispose que « L’état militaire cesse, pour le militaire de carrière, lorsque l’intéressé est radié des cadres ».
172 Geodis est une filiale de la SNCF spécialisée dans la logistique, la messagerie, l’express, le transport routier en charges complètes et lots partiels et le commerce transitaire.
173 ROSI Jean-Didier, Privatisation de la violence – Des mercenaires aux sociétés militaires privées, Editions L’Harmattan, Paris, 2009, p. 160.
174 VIGNOLLES Jean-Marie, De Carthage à Bagdad, le nouvel âge d’or des mercenaires, Editions des Riaux, 2006, Paris, p. 88.
175 Collectif (sous la direction de Jean-Jacques Roche), Des gardes suisses à Blackwater, mercenaires et auxiliaires d’hier et d’aujourd’hui, IRSEM, Paris, Mai 2010, p. 93.

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