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Chapitre 1. Gestion des excréta au sein d’une économie domestique (jusqu’à la fin du XVIIIe siècle)

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Jusqu’à la première révolution industrielle, au tournant du XVIIIe siècle, le processus
d’urbanisation est encore très peu marqué et les liens entre ville et campagne restent fort. La notion
de déchet n’existe pas encore car les résidus issus des productions agricoles ou artisanales sont
presque constamment réutilisés dans une économie domestique qui forme un cycle fermé des
matières. La problématique de la salubrité publique en milieu urbain se concentre principalement
autour des excréments humains et animaux ainsi que d’autres résidus organiques jetés en pleine rue
et des boues inhérentes à l’absence de pavage des voiries.

Le mode de gestion des excréta urbains qui prédomine est « le « tout à la rue » et le « tout à
la rivière » »(5). A Paris, toute cette crasse faisait désordre pour la royauté, ce qui a poussé à diverses
reprises les autorités publiques à tenter d’instaurer des règlements édictant un mode de gestion des
ordures. Les solutions envisagées étaient soit l’instauration d’un service public d’enlèvement des
boues (Louis XII avait tenté de mettre en place un tel système), soit l’usage de récipients pour
contenir les immondices dans des espaces restreints (François Ier avait prescrit l’usage de paniers)(6).

Ces règlements sont toujours restés lettre morte car ils se heurtaient aux réticences de la
population pour deux raisons principales : d’une part, les gestes par lesquels les habitants évacuaient
leurs excréta de leur espace privé vers la voie publique s’ancraient dans des habitudes difficiles à
changer – c’est le même problème que l’on retrouve aujourd’hui pour inciter les citoyens français à
trier ou composter – ; d’autre part, l’instauration d’un service public d’enlèvement des boues
nécessitait la création d’un « nouvel impôt qui se heurtait à une hostilité générale »(7).

Cependant, malgré son non-respect, l’édit de novembre 1539, en imposant l’obligation de
balayer devant sa porte, n’est pas dépourvu de conséquences pratiques. En effet, le devoir légal de
prendre en charge ses propres déchets instaure une gestion privée de chaque gisement domestique
qui, selon D. Laporte, « n’est pas pour rien dans l’émergence de sentiments de la famille et de
l’intimité dont on sait qu’ils sont d’acquisition récente »(8).

A partir de la fin du XVIIIe siècle, la gestion des déchets ménagers devient un enjeu de santé
publique. Dans un premier temps, la médecine aériste ou méphitisme suspecte « l’air malodorant »(9)
émanant des amoncellements d’ordures de transmettre « les maladies en pénétrant dans le corps à
travers la peau. »(10). Dominique Lhuilier et Yann Cochin relèvent que « La peste illustre
particulièrement cette croyance dans le rôle morbide de la puanteur puisque le verbe empester
devient synonyme d’empuantir. »(11). Ce n’est donc pas la matière en tant que telle qui est suspectée
mais les odeurs qui s’en dégagent. Dans un second temps, le courant hygiéniste du milieu XIXe
siècle, appuyé par les découvertes de Pasteur, incriminera définitivement ces rebuts et préconisera
leur mise à l’écart ou leur combustion afin de se prémunir de toute contamination.

5 DE SILGUY Catherine, Histoire des hommes et de leurs ordures. Du Moyen-Âge à nos jours, Paris : Le cherche
midi, 2009, p. 13.
6 Ibid., p. 21.
7 Ibid.
8 LAPORTE Dominique, Histoire de la merde, Paris : Christian Bourgois, 1978, p. 30.
9 Ibid., p.16.
10 Ibid.
11 LHUILIER Dominique, COCHIN Yann, op. cit., p. 23.

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