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b- Les immigrés stigmatisés

Non classé

Les médias sont “les lieux autorisés de diffusion des interrogations ou des doutes
propres à la majorité. Les lignes ouvertes, les forums de discussion, les blogs, les
commentaires se multiplient et une tendance à la stigmatisation de l’Autre apparaît : celui-ci
est tenu responsable de la destruction des fondements de la culture”, ici espagnole (C. Agbobli
dans PERRATON, 2009, p.126).

-Les journaux accusés de discriminations

Dans les journaux, les conflits dans le quartier El Cerezo apparaissent de façon
simplifiés en comparaison avec la réalité. En effet, les articles opposent radicalement les
immigrés aux autochtones en positionnant les Espagnols comme victimes de l’arrivée de
populations d’origine étrangère. Cela peut se lire notamment grâce aux titres de journaux de
certains articles principalement issus du journal ABC, ce dernier se positionnant dans ses
articles comme étant tourné vers le parti politique de droite : le Parti Populaire (PP).

Planche photo 5 : Titres d’articles de journaux faisant référence au quartier El Cerezo

Photo 6 Ségrégation et dynamiques multiculturelles à Séville le cas du quartier El CerezoSource: photographies personnelles, montage effectué sous Picasa, 2011. © Bouchet-Wacogne Matthieu

Dans les journaux, nous pouvons remarquer l’utilisation de stéréotypes et de
généralisations pour parler des immigrés (ex : “Tour de Babel”, “bruyant”, “se battent entre
eux”).

Le titre de l’article du journal ABC de Séville du 11/07/07 s’intitulait : ” les voisins
dénoncent l’impunité des botellons d’immigrants dans El Cerezo”. Il relatait ainsi qu’il y aurait
deux groupes opposés, celui des « voisins » qui seraient les autochtones victimes du groupe
des « immigrés » qui représenteraient par conséquence, la source de conflits. “La
stigmatisation d’El Cerezo est conditionnée par l’existence de stéréotypes sur l’immigration
(…) et l’idée d’une différence irréductible entre endo et exo-groupes” (TORRES, 2011,
p.167).

Dans ces articles, les immigrés d’El Cerezo ne sont pas considérés comme des
habitants du quartier mais comme des personnes à part qui ne seraient pas réellement
membres de cet espace bien qu’y habitant, cela pose la question de citoyenneté, à savoir à quel
moment un nouvel arrivant est-il considéré comme citoyen d’une ville ?

Le problème des médias serait qu’ils informent “de manière négative et quasiment jamais
positive de l’immigration” (SANCHEZ ELIAS, 2005, p.97). Nous pouvons donc parler de
discrimination sous forme écrite qui participe aux discours des habitants et à l’image globale
du quartier.

Par ailleurs, en règle générale, les articles évoquant le quartier proposent seulement la
vision des autochtones et très rarement celle des immigrés, ce qui ne permet pas de tirer des
conclusions exhaustives sur les auteurs des conflits existants.

-L’imagerie: déformation de la réalité

L’imagerie est d’après Yves Chalas, professeur et chercheur sur les Politiques
Publiques Action Politique et Territoires (PACTE) : “l’ensemble des préjugés, des idées toutes
faites, des lieux communs et des clichés qui sont dans l’air du temps et qui ne manquent
jamais de resurgir en tout premier lieu dans une conversation”. (2000, p.10) Il ne faut pas la
confondre avec l’image qui “est une présence sémantique des rapports vécus” alors que
l’imagerie appartient au “registre du non-vécu (…) et de la représentation” (2000, p.24). Ainsi,
l’imagerie semble proche de la caricature et de la rumeur qui sont toutes dans le champ de la
représentation et du stéréotype.

De plus, le chanteur sénégalais Bibalo, en venant rendre visite à son oncle qui vit dans
le quartier San Jeronimo au Nord de la Macarena, a écrit une chanson sur l’immigration qui a
pour titre “Inmigrantes”(40). Le refrain de cette chanson est en espagnol, il traite des problèmes
que peuvent rencontrer les étrangers sans papier avec la police : “je n’ai pas de papier, je suis
illégal, je sors dans la rue, ils me jettent en prison”. Les paroles sont le reflet de ce que ce
chanteur a pu voir, entendre, percevoir dans le district de la Macarena, elles traduisent la
représentation qu’il s’est fait de cet espace. Cela revient à dire que ces paroles font parties de
l’imagerie du chanteur. Sa chanson illustre des problèmes que rencontrent certains étrangers et
montre l’importance de l’immigration dans cette zone.

– El Cerezo : mise en avant des stéréotypes

Dans le quartier, en fonction de l’actualité, des références et de l’imagerie de chacun,
des stéréotypes apparaissent renvoyant une image parfois dégradante pour certaines
populations.

Pour Andrés Aranda, président de l’association des voisins d’El Cerezo, “le grand
problème de l’immigration, se sont les “pisos patera”(41)” (cité dans Codenaf(42), 2010). Il parle
ainsi pour qualifier le regroupement en surnombre de plusieurs individus voire de différentes
familles dans le même appartement par rapport à la capacité d’accueil du logement.

D’après Andres, une personne qui a des papiers en règle loue un appartement et ensuite elle fait venir
sa famille, ses amis et parfois des inconnus et des connaissances pour obtenir de l’argent
(EURABIA, 2005).”Nous savons que davantage de personnes que celles habitant dans
certains appartements utilisent les douches pour 3€, des lits sont loués pour 8€.

L’objectif est de rentabiliser au maximum le privilège d’avoir un logement” (Andres). Ces propos
concernent des cas particuliers mais il n’a nullement été démontré que ce phénomène
apparaissait de façon significative dans le quartier pour en faire une généralité. Malgré tout,
cela a suffi pour que le dessinateur, Rafael Calderon qui travaille pour le journal ABC, en
fasse une caricature (cf. : document ci-dessous). Cette représentation peut être perçue comme
étant de mauvais goût puisqu’en jouant sur les mots, elle renvoie à l’aventure mortelle dont
sont victimes, chaque année, des étrangers prenant des embarcations souvent de mauvaises
qualités, de plus en surnombre, au péril de leur vie afin d’effectuer un trajet Maroc-Espagne
de manière illégale. Cela montre une convergence des regards portés sur l’immigration à El
Cerezo.

Document 1: Des boat people aux appartements de fortune

Photo 6' Ségrégation et dynamiques multiculturelles à Séville le cas du quartier El CerezoSource: caricature du journal ABC, 11 juillet 2007

Ce quartier aurait une mauvaise image du fait de la focalisation d’acteurs tels
l’association de voisins, les associations humanitaires, la presse, des politiciens et du fait que
ce soit l’espace urbain où le nombre d’habitants immigrés est le plus élevé. “El Cerezo
présente le plus fort taux de résidents étrangers, mais d’autres zones, comme le quartier
Begoña, présentent aussi un taux important de population immigrée sans souffrir autant de
stigmatisation. Par ailleurs, dans le quartier El Rocío, il n’y a pas autant de point d’attractions
entre immigrés comme le sont les commerces ethniques, les associations “(TORRES, 2011,
p.167) et il y a encore peu, les lieux de culte. La visibilité des immigrés dans El Cerezo est
plus importante que dans les quartiers environnant du fait des lieux de regroupements et du
nombre important de commerces ethniques qui contribuent à lui donner une image de
référence pour parler d’immigration.

Habiter en surnombre dans un même appartement est souvent dû à un malaise social et
à un manque de ressources. «Le malaise augmente dû aux conditions du logement dont
souffrent les habitants. On en déduit que les différences culturelles seules n’expliquent pas les
tensions vécues à l’heure actuelle, mais que les discours fondés sur l’ethnicité et la
xénophobie, quand à eux peuvent influencer voire déchaîner des conflits sociaux axés autour
de ces différences » (ESEVERRI MAYER, 2010, p.491). Si bien que, les tensions entre
habitants peuvent parfois amener à des changements urbains.

Toutes ces déformations de la réalité donnent une image “faussée” de l’immigration.
Liées à l’imagerie, elles peuvent générer tensions et conflits à l’intérieur d’un espace urbain
comme c’est le cas pour El Cerezo. Pour cela les associations ont un rôle fondamental à jouer.
Une des cibles les plus importantes qui semble pouvoir influencer toutes les générations
confondues reste les jeunes.

40 Cf: documentaire Nuevos vecinos en la plaza, 2011
41 Les “pisos patera” définissent les appartements où se regroupent plusieurs familles d’étrangers. Cette
adaptation provient des bateaux de fortune (patera) où s’entassent les immigrés pour traverser la méditerranée
et arriver en Espagne.
42 CODENAF: Association de Coopération et Développement avec les pays du Nord de l’Africain

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