Un droit ne vaut, écrivait Claude Palazzoli, que si des garanties sérieuses ont été établies
en vue de constater et de sanctionner les violations dont il pourrait être l’objet. Aussi, les
conventions se doivent-elles d’organiser des systèmes de surveillance sur les conditions
d’exercice du droit d’accès et prévoir des voies de recours au cas où un litige survient entre un
Etat de transit et un Etat enclavé.(159)
Dans le cas Tchad-Cameroun, une Commission chargée de la surveillance de l’application
des dispositions de l’Accord bilatéral a été prévue (1). Son rôle est cependant limité en matière de
règlement des différends (2).
1 – La mise en place d’une Commission chargée de l’application de l’Accord
Cette Commission qui a tenu sa session inaugurale le 24 février 2005 à Yaoundé au cours
de laquelle elle a adopté son règlement intérieur(160) comprend cinq représentants de chacun des
deux Etats. Les représentants des Transporteurs Camerounais et Tchadien prennent également une
part active aux réunions de la Commission à laquelle ils présentent un compte rendu d’activités
de l’exploitation du système de transport.
Le caractère équilibré et égalitaire dans la composition de la Commission traduit le souci
des parties d´éviter toute suspicion dans le contrôle de l’exercice du droit d’accès. Cette
recherche d´objectivité apporte en même temps un poids supplémentaire au rôle dévolu à la
Commission.
Selon les dispositions de l´Article 23 de l´Accord, la Commission connaît des « questions
qui lui sont soumises par les Etats ». L’examen de ces questions donne lieu à un avis motivé
notifié à chaque Etat. Le problème de la valeur d’un tel avis suscite néanmoins interrogations :
s’agit-il d´une décision obligatoire à laquelle les parties doivent se soumettre? Le texte est muet
sur cette question.
A l´examen, cet avis semble revêtir un caractère non obligatoire, puisque l´Accord
reconnaît aux parties la possibilité de recourir à d´autres voies pour résoudre leurs différends.
2 – Le règlement des différends
Deux procédés sont à distinguer ici : le procédé politique ou non juridictionnel et le
procédé juridictionnel.
Selon les dispositions de l’Article 24 (1) de l’Accord, « tout différend relatif à
l’interprétation ou à l’application du présent Accord, non réglé lors des travaux de la Commission
[…] devra l’être, si possible, par voie diplomatique ». Autrement dit, la Commission constitue la
première instance de règlement des différends et la voie diplomatique ne lui succède que lorsque
le différend n’a pas pu connaître une issue favorable.
Si le litige n’est pas réglé par les voies précédemment visées, les parties ont le droit, dans
un délai de 6 mois à compter de la notification écrite adressée par une partie à l’autre (ce délai
pouvant être prorogé de 6 mois), de recourir à un tribunal arbitral.(161) Dans ce cas, chaque Etat
nomme un arbitre et un troisième est nommé par les deux arbitres déjà désignés. Ce dernier est
chargé de présider le tribunal.
Toutefois, si dans un délai de trois (3) mois à compter de la date à
laquelle un Etat a fait part à l’autre de son intention de soumettre le différend à arbitrage, celui-ci
n’a pas choisi un arbitre, ou si le troisième arbitre n’a pu être nommé dans le mois qui a suivi la
nomination des deux premiers arbitres, l’un des deux contractants saisit le secrétaire général de la
Cour Permanente d’Arbitrage en vue de la nomination du troisième arbitre dans les trente (30)
jours suivant la réception d’une demande à cette fin. Si le secrétaire général n’est pas en mesure
de s’acquitter de cette tâche, le premier secrétaire du bureau procède à la nomination.
Mais si à son tour, ce dernier n’est pas en mesure de s’acquitter de cette mission, les nominations sont
effectuées par le doyen des juges de la Cour, étant entendu qu’aucun arbitre n’aura la nationalité
de l’un ou de l’autre des Etats contractants. L’Article 25 (4) de l´Accord bilatéral ajoute que le
tribunal arbitral siège à Paris et la langue française est utilisée comme langue de procédure.(162)
La décision du tribunal qui doit être conforme à l’Accord mis en place par les parties ainsi
qu’aux règles du droit international est obligatoire pour les parties et n’est susceptible d’aucun
recours.(163)
On peut noter dans cette longue démarche la recherche par les parties d’une impartialité
dans le règlement du ou des différends qui pourraient les opposer dans ce processus vers
l’Atlantique.
Tout compte fait, l’accès du Tchad à la mer par pipeline parait avoir, au regard de ces
garanties, une assise solide. Pour s’en convaincre cependant, il est nécessaire d’examiner les
conditions et modalités dans lesquelles se déroulent les opérations de transit. Sur cette question
en effet, l’expérience dévoile, comme le notait Nguyen Quoc Dinh, que le passage a souvent été
l´objet « de conditions strictes qui en font une directive générale plus qu’un droit appartenant aux
Etats enclavés »,(164) vidant par là-même ce droit de son contenu.
159 C. PALAZZOLI, op.cit., p. 729.
160 La lettre du CPSP, N° 10, juin 2005, p. 1.
161 Article 24 (3) de l’Accord bilatéral du 8 Février 1996.
162 Sur la procédure d’arbitrage, voir le Chapitre 11 de l’Accord bilatéral susmentionné.
163 Article 25 (2) et (3), ibid.
164 N.Q. DINH, A. PELLET, et P. DAILLIER, op.cit., p. 1107.
