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Annexe n°6 : Entretien avec Malika Celadon

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Durée de l’entretien : 27 minutes
Lieu de l’entretien : Stade de France

Léo Grimaldi (LG) : Dans un premier temps est-ce que vous pouvez vous présenter
brièvement, ce que vous faites notamment au stade de France.

Malika Celadon (MC) : Je suis Malika Celadon, je suis community manager du stade de France, je travaille dans la direction marketing au sein de l’équipe digitale qui englobe le site internet , les réseaux sociaux et les applications mobiles. Je suis en charge de l’ensemble des réseaux sociaux du stade de France : Twitter, Facebook, Instagram, Linkedin. Et du développement, c’est-à-dire être à l’affut des réseaux sociaux sur lesquels potentiellement nos clients ou nos fans sont présents, d’où potentiellement Google +, l’ouverture d’un blog.

LG : Donc les 4, Facebook, Twitter, Instagram, Linkedin, ce sont les 4 où le stade de France est vraiment présent…

MC : Oui et Youtube que j’avais oublié. Au départ, il y avait déjà une page Facebook, créée en 2008, qui a commencé à être active en 2012 seulement, le compte twitter qui a été créé en 2009, mais actif qu’à partir de 2012. Je suis arrivée fin 2012. Jusqu’alors une agence gérait le dispositif social-média, le Stade de France a décidé d’internaliser cette fonction assez rapidement. La page YouTube a été créée en 2011, et activée début 2012 également. Donc tout a commencé début 2012. Une agence peut être nécessaire pour l’accompagnement, mais pour tout ce qui concerne le discours ou les messages institutionnels, il n’y a qu’une personne en interne qui peut s’en occuper d’où le fait de créer un poste.

LG : Quelles sont globalement les actions, la stratégie digitale du stade de France ?

MC : En termes de stratégie, la première des orientations est de rendre le stade plus humain. Le stade de France est une enceinte de béton, de 80 000 places. Ce n’est pas forcément chaleureux de prime abord, c’est un gros stade, on y rentre plus de deux fois ma ville de naissance, c’est dire. Il « existe » en dehors des événements, nous sommes 180 salariés à travailler toute l’année. L’objectif, également, était de faire connaître le stade de France en dehors des événements, parce qu’une fois que le stade de France est « réservé » pour un événement, il ne « nous » appartient plus, il appartient à l’organisateur. Comment peut-on exister au-delà des événements ?

Les personnes qui viennent au stade sont aussi des personnes qui ont internet et qui commencent à utiliser plus largement les réseaux sociaux. On voit bien que l’utilisation d’internet à la maison c’est, je crois, plus de 80 ou 85% de la population. 60% de la population a un compte Facebook. Nos spectateurs sont des personnes qui utilisent les réseaux sociaux, donc il n’y a pas de raison que l’on ne soit pas là où ils sont, bien au contraire. Que le stade de France soit aussi largement sur les réseaux sociaux est une volonté d’être présent là où sont nos fans pour pouvoir répondre ou les informer.

Le maillage des différents outils (Facebook, Twitter, Instagram, Youtube) que nous utilisons est aussi une force, car maitriser un réseau social c’est montrer du respect à ses utilisateurs. En maitriser plusieurs est la preuve que nous sommes à l’écoute de nos fans/clients. Cela nous demande un véritable effort de créations de contenus. C’est passionnant.

LG : Comment cela s’organise ? Il y a une équipe qui est toujours présente ?

MC : Le stade est ouvert 7j/7, il a été décidé d’un point de vue logique d’être aussi présent 7 jours sur 7 sur les réseaux sociaux. Non seulement parce qu’on assure un SAV, mais aussi parce qu’on accueille des événements toute l’année, quelques soient les jours. Je suis seule sur le poste de Community Manager au Stade et je ne peux pas être présente 7 jours sur 7, donc il a été convenu de continuer à travailler avec une agence, d’être épaulé sur les missions d’animations et de veille. Toute la partie création de contenu, planning éditorial et conception éditoriale, donc une partie plutôt «social média management» plus que «community management », est sous ma responsabilité. Je décide des orientations ou du planning éditorial, des sujets dont on va parler, de la façon dont on va en parler en fonction des directives qui me sont données en interne. Tout ce qui se passe sur les comptes a été vu par moi. Je travaille avec 2 CM d‘une agence, ils sont à mi-temps, pour permettre de couvrir des plages horaires où je ne peux pas être. Ils travaillent sur des plages horaires : le matin, le soir et les weekends. Pour combler les périodes où je ne suis pas présente.

LG : Donc en dehors de ces plages horaires c’est vous qui répondez…

MC : Oui, bien sûr.

LG : C’est quelle agence ?

MC : C’est une agence bordelaise. Pour faciliter le travail du quotidien, nous utilisons un outil qui s’appelle Basecamp et qui fonctionne comme un forum privé. Les CM font remonter les questions, ou m’informent, et moi, je fais descendre des informations ou le planning. Nous travaillons avec une 2e agence sur la partie activation, ce sont eux qui avaient les comptes au départ. Cette agence a mis en place le dispositif de la loge de live tweet, qui permet au stade d’exister sur les réseaux sociaux au coeur des événements. Le principe a démarré sur les matchs de rugby puis a été étendu au reste des événements. Le mécanisme est basé sur un concours puis sur une battle de tweets grâce à une loge dans le stade en événement : 2 équipes de twittos représentant les 2 équipes sur le terrain reproduisent le match en direct sur Twitter.

Donc ils se charrient un peu,… Il y a également un dispositif où on crée des vidéos. Chaque équipe encourage ses propres fans à aller voter pour leur vidéo. À la fin du match (ou de l’événement maintenant) la vidéo la plus virale remporte un cadeau supplémentaire. Nous permettons à des passionnés connectés de pouvoir assister à l’événement dans des conditions extraordinaires et de pouvoir le partager sur les réseaux sociaux. Nous allons poursuivre cette opération jusqu’en décembre, parce que cela fait 2 ans que ce dispositif existe, nous en avons fait le tour et il est temps de changer. Il faut donc trouver une autre idée et cela sera la mission, si elle l’accepte, d’une nouvelle agence que nous sommes en train de chercher.

LG : Donc pour l’instant pas encore d’idée sur ce nouveau dispositif ?

MC : Pour l’instant, non. On laisse carte blanche aux agences. Un appel d’offres va débuter en septembre. Pour l’instant on a un sourcing de plus d’une cinquantaine d’agences. Nous allons en sélectionner 5 afin de les challenger.

LG : Donc actuellement durant l’événement à l’intérieur du stade la seule activation c’est les live tweets ?

MC : Exactement, parce que comme je l’expliquais tout à l’heure, une fois que le stade est « réservé » pour un événement, quel qu’il soit, le stade appartient à l’organisateur, et c’est lui qui décide tout ce qui se déroule à l’intérieur.

LG : Est-ce dans les objectifs futurs de connecter le stade ? C’est-à-dire de faire en sorte que tous les spectateurs puissent accéder à un réseau haut débit ?

MC : De mon point de vue, et j’insiste, oui. Mais il faut savoir que c’est un sujet qui dépasse le stade de France. Le consortium du stade de France est dirigé par 2 actionnaires Vinci et Bouygues, qui sont décisionnaires. Nous appartenons au réseau Vinci Stadium, donc la connectivité ne concerne pas que nous. Il y a aussi Lyon, Nice, il me semble Bordeaux, et il y en d’autres que je n’ai plus en tête. Ce n’est pas une décision qui se prend comme ça. Cela représente énormément d’investissements, qui méritent de prendre le temps de mesurer le « retour sur investissements » justement.

Aujourd’hui les seuls capables de connecter un stade aussi important, sont l’entreprise Cisco. Ils l’ont fait aux USA.

Toutes ces choses sont en cours de réflexion, donc ce n’est pas négatif. Évidemment nous, nous aimerions beaucoup que la réponse soit positive, parce qu’on peut faire plein de choses avec cette technologie. Maintenant c’est une réflexion globale, si cela se fait chez nous, cela se fera surement dans tous les autres stades de Vinci Stadium.

LG : Et est-ce que par rapport à l’Euro 2016 il n’y pas une possibilité ?

MC : L’euro 2016 appartient à l’UEFA et l’UEFA réserve des stades qu’il juge conforme selon leur cahier des charges. Ils décident de tout ce qui se passe dans la compétition. Je doute que la connectivité soit le coeur de leurs préoccupations.

Mais je pense que de plus en plus de gens ont des smartphones, de plus en plus de gens utilisent leur téléphone pour faire leur course, acheter une place e ciné, c’est une pratique qui tend à se développer, et je pense que si les Américains l’ont mis en place, il y a de fortes chances pour que les stades européens réfléchissent tous à cette possibilité ainsi que les organisateurs, pour apporter un plus à leur spectacle.

LG : Déjà cela commence à se faire en Angleterre, il y a Liverpool par exemple qui a commencé par connecter une seule tribune pour tester…

MC : Après c’est différent parce qu’à Liverpool, le stade appartient au club, comme le parc des princes qui appartient au PSG. Alors que le stade de France appartient à l’État, c’est un bâtiment public avec une concession privée, donc les enjeux ne sont pas du tout les mêmes et la façon de fonctionner n’est pas du tout la même qu’un stade qui appartiendrait à un club. Encore une fois c’est d’autres décisionnaires, d’autres actionnaires… Cela n’engage pas que le stade de France, cela engage tous les stades qui appartiennent à Vinci Stadium.

LG : Et est-ce que vous avez une idée du prix pour connecter le stade de France par exemple ?

MC : Oui, mais je ne souhaite pas le dire.

LG : Il y a un retard de la France dans le domaine des stades connectés par rapport aux USA, à quoi est dû ce retard selon vous ?

MC : C’est une explication purement personnelle. Je crois qu’en terme de développement numérique, la France a toujours été en retard. Ce n’est pas nouveau, on est les derniers à utiliser les réseaux sociaux. Je crois que c’est plus quelque chose de culturel, parce qu’en terme de recherche, on est très bon en médecine, en botanique, en recherche spatiale ou aéronautique… Dans la culture même française, on est très attachés aux services communs, aux biens communs, la poste, la SNCF… Il y a encore des choses comme ça sur lesquelles on n’est pas forcément très ouvert, mais ça s’ouvre petit à petit. Mais cela ne veut pas dire que les Français ne sont pas utilisateurs, il faut juste un peu plus de temps pour appréhender l’inappréhendable : internet.

Après je pense que c’est aussi une question de conjoncture, on n’est pas dans les années 80 où l’argent coule à flot. Le monde vit une crise mondiale, dans laquelle les entreprises sont plutôt frileuses. Je pense que c’est un retard qui est lié à la fois à la culture et aujourd’hui, également, à la question financière.

LG : Selon vous quel est l’avenir en France des stades connectés ? D’ici combien d’années pensez-vous que les stades seront connectés ?

MC : En termes de développement je crois qu’il faut à peu près une année pour mettre en place le service, et je présume qu’il faut aussi une année de test, parce que ça ne marchera pas directement, il y aura des choses à modifier. Donc ça veut dire 2 ans et le temps que ça se débloque, on peut tabler sur 5 ans. Cela serait bien si d’ici 5 ans, on avait des stades connectés. Ssur des petits stades, je pense qu’avec la 3G (ou la 4G) ça doit le faire. Mais pour un stade de 80 000 places, ce n’est pas possible avec la 3G, il faudrait plusieurs antennes 3G et rien que pour la santé du public, ce n’est pas possible. On ne peut pas mettre autant d’antennes 3G pour seulement quelques événements…

LG : C’est combien d’événements par an au stade de France ?

MC : Entre 25 et 30 gros événements, après on a des salons régulièrement. Dans les salons et les loges, on a un réseau WiFi, mais qui n’est accessible que pour une infime partie du stade.

LG : Mais est-ce que cela justement ce n’est pas une difficulté supplémentaire le fait qu’il n’y ait que peu d’événements par an, en comparaison avec les USA ?

MC : Oui, mais la plupart des stades aux USA appartiennent à des clubs. C’est un vrai cassetête

LG : Oui voilà, le problème du stade de France c’est qu’il n’y a pas de clubs résidents.

MC : Exactement ! On appartient à l’État, c’est une concession de 25 ans.

LG : Selon vous est-ce que le spectateur français a le même rapport avec les réseaux sociaux que le spectateur anglo-saxon ?

MC : Je ne suis pas une spécialiste des réseaux sociaux étrangers et des consommateurs de stades anglo-saxons.

Au Stade, nous avons un bon rapport avec nos fans et nos followers. On a finalement très peu de plaintes. Cela arrive, mais le dialogue est ouvert, on répond à tout. Ça, c’est une des caractéristiques éditoriales à laquelle je tiens beaucoup, on répond à tout le monde !

D’ailleurs on a des performances assez intéressantes : nous avons un temps de réponse sur Facebook de 10 minutes. On doit être les seuls à faire ça. J’y tiens beaucoup, parce que quand on est une personne lambda et que l’on n’est pas satisfait, la première des choses dont on a envie est d’être entendu. Nous répondons donc aux plaintes même si nous ne pouvons pas apporter de solutions, nous faisons remonter les remarques pour trouver des solutions en interne. Par exemple, quelqu’un qui se plaint que pendant son concert, il y a 15 jours, il n’a pas vu la partie gauche de l’écran, je ne peux rien y faire, mais on peut entendre que la personne ne soit pas contente et on est là pour ça. D’une manière générale, on a un excellent rapport avec nos fans et c’est d’ailleurs assez chouette à tenir comme compte.

Donc on n’a pas vraiment de « problèmes » avec les clients/fans, on en est très content et je pense que cela vient aussi de notre manière d’aborder les réseaux sociaux.

LG : Est-ce qu’il y a déjà eu des études de faites par le stade de France sur les attentes des spectateurs de manière générale ? Ce qu’ils voudraient comme améliorations ?

MC : À chaque événement, il y a des enquêtes de satisfaction qui sont faites, en B to B et en B to C, donc à la fois en clientèle VIP et en grand public. Il y a des améliorations qui ont été décidées grâce à ces enquêtes. La réflexion des toilettes par exemple qui est en cours.

LG : Est-ce que dans ces enquêtes on demande aux spectateurs s’ils ont envie d’avoir un stade connecté ? Si c’est une priorité pour eux ?

MC : Je ne crois pas que la question soit posée, mais je ne suis pas sûr.

LG : Et bien j’ai fait le tour de toutes mes questions, merci beaucoup d’avoir accepté cet entretien.

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