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A.Comparaison des sommes globales(78) allouées pour la contrefaçon au sein du droit de la propriété industrielle (brevets et marques)

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Sur un échantillon de vingt-sept décisions récentes(79) en droit des marques, nous observons
que les sommes allouées à titre de dommages et intérêts sanctionnant la contrefaçon
s’échelonnent d’un montant de 3 000 à 150 000 euros. Parmi elles, seules trois décisions font
état d’un montant égal ou supérieur à 100 000 euros.

S’agissant du droit des brevets, sur un échantillon de vingt-huit décisions récentes(80), les
montants alloués vont de 10 000 euros à 693 653 euros(81). Ici, treize de ces décisions font état
d’un montant égal ou supérieur à 100 000 euros.

L’écart entre les montants apparaît peut être encore plus significatif si l’on compare les
sommes moyennes allouées. La somme moyenne de dommage et intérêts accordée à un
demandeur, d’après les décisions relevées en droit des marques, est de 28 700 euros alors
qu’en droit des brevets, l’on atteint la somme de 168 000 euros. D’après nos données, les
dommages et intérêts alloués pour les contrefaçons de brevets sont donc près de six fois plus
importants que ceux accordés pour des contrefaçons de marques.

Cet écart s’accroît encore si l’on prend en considération un autre facteur que nos chiffres
n’incluent pas. Sur les vingt-huit décisions étudiées en droit des brevets, la moitié d’entre
elles seulement n’alloue ces sommes qu’à titre définitif, ce qui n’est jamais le cas en droit des
marques dans les décisions analysées, les autres le faisant à titre de provision. En effet, en
droit des brevets, la détermination de la masse contrefaisante revêt une grande importance.

Celle-ci est souvent longue et compliquée. Ainsi, lorsque le juge statue, il ne possède pas
nécessairement tous les éléments pour apprécier l’entier préjudice. Pour ne pas faire attendre
le demandeur trop longtemps, il alloue souvent une somme provisionnelle à valoir sur
l’indemnisation définitive. Ainsi, pour connaître l’ampleur de l’entier préjudice, le juge
ordonnera une mesure d’expertise pour déterminer précisément la masse contrefaisante(82).

D’ailleurs, les titulaires de brevets victimes de contrefaçons demandent souvent une provision
à hauteur d’une certaine somme et non pas des dommages et intérêts définitifs(83). Parfois le
juge n’accordera qu’une somme provisionnelle au demandeur mais déterminera l’entier
préjudice dans un second temps une fois que le défendeur aura produit les pièces que le juge
lui ordonne de fournir dans le dispositif même de la décision(84).

Quoi qu’il en soit, il faut donc majorer le chiffre moyen de 168 000 euros de dommages et
intérêts alloués au titre de la contrefaçon de brevets pour avoir une idée plus proche de la
réalité. Cela amplifie encore l’écart important avec le chiffre moyen de 28 700 euros pour la
contrefaçon de marques. Notre but ici est de montrer l’ampleur de l’écart entre les réparations
de contrefaçons de marques et de brevets et non pas de pointer une injustice entre le
traitement qui serait réservé aux différents droits de propriété industrielle. L’importance des
chiffres relatés pour les brevets s’explique d’une part par le fait qu’ en cette matière, c’est le
produit lui-même qui est contrefait, alors qu’en droit des marques, on ne traite que de la
marque apposée sur le produit. De plus, comme il a été dit, les juges réparent en principe
uniquement le préjudice subi par le titulaire du droit de propriété intellectuelle. Ainsi, le
montant des sommes alloués devraient seulement refléter l’importance du préjudice souffert
par le titulaire.

78 Nous entendons par l’expression « sommes globales », le montant alloué, tout chef de préjudice confondu
(gain manqué, pertes subies…).
79 Il nous a semblé plus pertinent de choisir des décisions récentes afin de brosser un portrait du droit positif. La
plus ancienne décision de cet échantillon remonte au 21 octobre 2002. Ont été retenues uniquement des décisions
où le titulaire reçoit in fine des dommages et intérêts pour la contrefaçon de son titre.
80 La plus ancienne décision de cet échantillon remonte au 13 juin 2003.
81 TGI Paris, 8 mars 2006, « Citec Environnment SA c./ Ka France SARL et autre », PIBD 2006, 832-III-429.
82 Voir par exemple : TGI Paris, 1er juin 2006, « Mecaplast SAM c./ Grupo Antolin Irausa SA et autre », PIBD
2006, 837-III-605 ou TGI Paris, 11 mars 2005, « Valois c./ Rexam Dispending System », PIBD 2005, 816-III-
570.
83Voir par exemple : TGI Paris, 5 oct. 2005, « Zodiac Pool Care Europe c./ Arch Water Products France et
autres», PIBD 2006, 821-III-14 où le Tribunal considère que la demande de provision formulée à hauteur de 200
000 euros est incontestablement justifiée.
84 Voir par exemple : TGI Paris, 25 janv. 2006, « Sonja Klotz et autre c./ Castorama France SA et autres », PIBD
2006, 828-III-277 : le juge considéra dans cette espèce que la mesure d’expertise ne s’avérait pas nécessaire
compte-tenu de l’absence de complexité en l’espèce de l’évaluation des préjudices.

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