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A – Un besoin d’identité pour une identification

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La construction des régions telle qu’elle s’est effectuée, la délimitation des périmètres, le choix des noms, l’évolution de cet échelon et même le choix des compétences, rend leur appropriation problématique. Pour toutes ces raisons, la question de l’identité s’est très tôt imposée comme problématique pour les R2gions

1- Les obstacles à l’identité des Régions

a – Un découpage arbitraire

Rappelons en premier lieu tout ce qui s’oppose à cette identité régionale. L’acte de naissance en premier lieu est issu d’un découpage arbitraire dans ce qui s’apparentait à des régions historiques(28). Il a créé de toutes pièces de nouvelles régions, assemblage de départements parfois sans lien. Le cas de la région Centre est à ce titre exemplaire : excepté peut-être le Loiret, chacun de ses départements entretient plus d’affinités avec les régions voisines(29). Une autre catégorie de régions a été construite sur une base historique mais tronquées.(30)

Le nom des régions fait aujourd’hui encore discussion plus de 40 ans après leur délimitation telle qu’on la connaît aujourd’hui. On se souvient de l’épisode de la Septimanie. Sur l’initiative du président de la Région Languedoc-Roussillon, la région devait changer de nom pour retrouver celui de l’ancienne province wisigothe qu’elle recouvre partiellement, porteuse de plus d’identité. C’est justement cette approximation et la revendication de l’identité catalane sur lesquels se cristallisa l’opposition qui firent abandonner le projet.

b – La question du nom

La région Centre se pose toujours la question de son changement pour un nom plus signifiant et représentatif. Ses habitants n’ont toujours pas de nom (ni Centristes, ni Centriens). « C’est l’absence de rappel historique ou culturel dans le nom de la région, et son manque d’incidence sur le sentiment d’appartenance »(31) qui est ici mis en cause. Paca a lancé en mai 2010 une enquête sur l’opportunité de trouver un nom qui soit également plus signifiant, au-delà de l’acronyme. Pour le président Michel Vauzelle, le nom actuel « est un handicap sur le plan économique, sur le plan de l’identité et de la fierté des gens de la région. Provence-Alpes-Côte d’Azur c’est très beau, ça fait rêver, mais c’est beaucoup trop long ! […] Imaginez mes discours qui commencent par Provençaux-Alpins-Azuréens ». L’acronyme Paca « n’illustre ni la richesse, ni la diversité de ses territoires et de son patrimoine culturel exceptionnel « et « ne permet pas non plus de nommer ses habitants ».(32) Le nom, dans lequel toutes les parties doivent se retrouver, constitue ainsi le point focal des insatisfactions.

c – La concurrence des collectivités

Nous l’avons déjà évoqué, la concurrence avec les autres collectivités locales et notamment, celle, exacerbée par la réforme à venir, avec le département, est nécessairement un obstacle au développement de l’identité régionale. La commune est toujours vécue comme le support de la véritable proximité et de l’identité. Nous naissons dans une ville et nous commençons notre scolarité dans une ville. Et bien sûr, la ville est également le support indiscutable d’une histoire ancienne entre le lieu, ses habitants et leur mode de vie. Son identité s’impose.

Le département procède d’un mythe, celui de la Révolution française, avantage indéniable pour asseoir une identité et fonder un attachement, supérieur sans doute à la décision bureaucratique un peu obscure de création des régions.

d – Des compétences difficiles

Enfin, pour ce qui est des compétences au regard de l’identité, la même remarque s’impose. La région, conçue comme une collectivité de mission sur laquelle se sont greffées des compétences de gestion, touche moins la vie quotidienne que la commune et même que le département. La prise en charge des financements européens est un exemple emblématique de l’abstraction de certaines compétences.

On pourrait y ajouter la « schématologie » : prospective et élaboration de cadres stratégiques. Malgré tous les efforts participatifs, conférences de citoyens, forums et tables rondes, la visibilité sociale et donc le tissage du lien restera du côté de la vie quotidienne gérée principalement par la commune. Les interventions de la part de la région dans celle-ci ne pourront rester que minimes. Comme le résume Élisabeth Dupoirier : « A l’absurdité du découpage s’ajouterait donc l’abstraction des compétences empêchant la Région d’acquérir un ancrage social indispensable à la constitution d’une identité. »(33)

2 – L’identité, une problématique nécessaire

L’ensemble de ces obstacles suffit à démontrer que la question de l’identité fait partie intégrante de la problématique de communication des Régions. Cette question s’est d’ailleurs imposée dès le début de la région. Il faut se rappeler qu’elle avait été prescrite par le législateur et ne procède donc pas d’un artifice politique. L’article de la loi de décentralisation du 2 mars 1982(34) donne au conseil régional « compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l’aménagement de son territoire et pour assurer la préservation de son identité, dans le respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des départements et des communes ». S’agissant de territoires pour certains créés de toutes pièces, on peut se demander ce que signifie la « préservation » de l’identité qu’il faudra d’abord composer. Comme le note Nicolas Pélissier : « les institutions publiques issues d’un découpage administratif et politique du territoire entendent elles aussi produire et valoriser par le biais de nouveaux supports informationnels leur propre conception du territoire, quitte à « fabriquer » de toutes pièces des territoires plus imaginaires que réels (voir à ce sujet le travail des conseils régionaux dans les régions à faible identité) pour satisfaire les besoins de leur cause : attirer les investisseurs extérieurs, assurer la réélection d’une majorité politique… »(35)

28 Les provinces de l’ancien régime dont l’historien Jacques Revel nie qu’elles aient produit une quelconque conscience identitaire (Jacques Revel, Région», in Pierre Nora, Les lieux de mémoire, tome 3, vol. 1, Paris, Gallimard, 1993).
29 Ligérien par trois de ses départements sans pouvoir le revendiquer puisqu’il y a une région Pays de la Loire contiguë, elle aussi un peu écartelée, l’Eure-et-Loire empruntant à la Normandie, le Cher proche de l’Auvergne et le l’Indre de la Creuse limousine.
30 Jusqu’où s’étend la Bretagne ? La Catalogne ne recouvre que le sud du Languedoc-Roussillon, la Picardie « historique» ne s’étend pas sur le bassin parisien, la division des deux Normandies, l’Aquitaine est un curieux montage, notamment pour les basques, etc.).
31 Hélène Cardy, La communication des collectivités territoriales – Evolutions et perspectives in Pouvoirs locaux, les cahiers de la décentralisation, n°35, décembre 1997, pp.47-51.
32 Au moment où il lance une enquête pour trouver une autre nom à la région, il lance simultanément une pétition appelant au « sauvetage des régions» : « touche pas à ma région». La concomitance des deux événements n’est certainement pas due au hasard. Elle participe d’une stratégie pour le renforcement de l’identité régionale.
33 Dupoirier, Op. cit.
34 «Des droits et libertés des régions».
35 Nicolas Pélissier, Maître de Conférences, IUT Information-Communication de Sophia-Antipolis, Université de Nice, Cric/Lamic, L’information territoriale sous influence, Dilution des genres et stratégies en ligne des organisations, 2002.

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