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A. Le retrait obligatoire.

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Le retrait obligatoire, prévue par l’article 15, est un mécanisme qui permet à un
actionnaire très majoritaire d’obliger les actionnaires minoritaires à lui vendre leurs titres(278). À
l’image du squeeze-out américain, il permet aux sociétés cotées, sous certaines conditions,
d’unifier leur actionnariat(279), en procédant, sans qu’une décision de l’assemblée générale ne soit
nécessaire, à l’exclusion des actionnaires n’ayant pas apporté leurs actions à l’offre publique(280).
Ainsi, l’article 15 de la directive prévoit que, lorsqu’une offre publique a été adressée à tous
les détenteurs de titres de la société visée pour la totalité de leurs titres, les États membres
doivent veiller à ce que l’offrant puisse, sous certaines conditions, exiger de tous les
détenteurs de titres restants qu’ils lui vendent leurs titres pour un juste prix. Cette possibilité
doit être offerte à l’offrant lorsqu’il détient des titres représentant au moins 90 % du capital
assorti de droits de votes et 90 % des droits de vote de la société visée ou, lorsque à la suite de
l’acceptation de l’offre, il a acquis ou s’est fermement engagé à acquérir des titres représentant
au moins 90 % du capital assorti de droits de vote de la société visée et 90 % des droits de
vote faisant l’objet de l’offre (art. 15 § 2). Ce seuil de participation peut être fixé par les Etats
membres à 95 % du capital assorti des droits de vote et 95 % des droits de vote. Le délai dont
dispose l’offrant pour exercer ce droit est de trois mois à compter de la fin de la période
d’acceptation de l’offre. L’exercice de ce droit mène à la radiation des titres concernés du
marché réglementé et à la perte de statut de société faisant appel public à l’épargne(281).

Afin d’assurer le respect des droits des actionnaires forcés à vendre leurs titres, l’article
15 § 5 dispose que les États membres doivent veiller à ce qu’un juste prix leur soit garanti.
Cependant, la directive ne précise ni les principes généraux ni les modalités de détermination
de ce « juste prix »(282). Elle se contente d’indiquer qu’il doit prendre la même forme que la
contrepartie de l’offre, ou consister en une valeur en espèces, tout en instaurant des
présomptions selon lesquelles, à la suite d’une offre volontaire, la contrepartie de l’offre est
présumée juste si l’offrant a acquis, par acceptation de l’offre, des titres représentant au moins
90 % du capital assorti de droits de vote faisant objet de l’offre, et, dans le cas d’une offre
obligatoire, la contrepartie de l’offre est présumée juste.

En France, le retrait obligatoire a été autorisé pour la première fois par la loi n°93-
1444 du 31 décembre 1993, mais les articles 237-1 à 237-13 RGCMF le limitaient aux cas
d’offre ou de demande de retrait. La loi de transposition du 31 mars 2006 fait du retrait
obligatoire une procédure autonome, de telle façon qu’il peut dorénavant être déclenché à
l’issue de toute offre publique, dès lors que les titres qui n’auront pas été présentés à
l’initiateur de l’offre ne représentent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote (art. L.
433-4-II C. mon. fin. ; art. 237-14 RGAMF)(283). Les actionnaires contraints au retrait reçoivent
une indemnité égale, par titre, au prix proposé lors de la dernière offre ou, le cas échéant, au
prix résultant d’une évaluation « multi-critères » d’usage courant en matière d’OPA (art. L.
433-4-III C. mon. fin. ; art. 237-16-I RGAMF). Cette évaluation est effectuée par l’initiateur
de l’offre selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession d’actifs. Elle tient compte
de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur en bourse des actions, de l’existence
de filiales ainsi que des perspectives d’activité. Elle est assortie de l’évaluation d’un expert
indépendant(284), qui dispose d’un droit d’opposition. L’AMF, chargée d’examiner le projet
d’offre publique et de se prononcer sur sa recevabilité, autorise le retrait obligatoire aux
conditions proposées(285).

Le § 39, al. 1 WpÜG transpose l’article 15 de la directive en droit allemand.
L’Allemagne a fait usage de l’option ouverte à l’article 15 § 2, portant le seuil requis pour
l’exercice du retrait obligatoire à 95 % du capital assorti des droits de vote. Le texte européen
ne donnant aucune précision quant au type de procédure à suivre, cette disposition prévoit que
les actions seront transférées par l’intermédiaire d’une décision judiciaire(286). Selon certains
auteurs, cette procédure offre une protection moindre de l’actionnaire que celle des § 327a ff.
AktG, dans la mesure où les actionnaires concernés ne sont pas parties à la procédure
judiciaire, mais disposent seulement d’un droit d’être entendu(287). Selon la doctrine, la notion de
« juste prix » devant être alloué aux actionnaires doit être entendue selon la jurisprudence
constante de la Cour constitutionnelle fédérale et de la Cour fédérale de justice, selon
lesquelles est due une « compensation financière intégrale »(288), qui ne doit être inférieure ni à
la valeur obtenue par l’application de la méthode dite de la « valeur de rendement », ni à la
valeur vénale des titres(289). La question de savoir si les présomptions posées par le § 39a al. 3,
phrase 3 WpÜG (transposant l’article 15 § 5 de la directive) sont de nature réfutable ou
irréfutable a fait l’objet d’un débat au sein de la doctrine allemande. Selon certains auteurs,
une interprétation de cette disposition à la lumière de l’article 14 de la Loi fondamentale
allemande garantissant le droit de propriété et de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle
fédérale aboutirait à considérer ces présomptions comme réfutables(290). Cependant, il se
dégage de l’exposé des motifs de la loi que le législateur a eu l’intention de leur conférer un
caractère irréfutable(291). Par ailleurs, la directive ne prescrit nullement leur caractère
irréfutable(292). Ces présomptions lui ont d’ailleurs été inspirées par le rapport du groupe
d’expert WINTER, présenté à la Commission européenne en septembre 2001, qui considérait
expressément que celles-ci devaient avoir un caractère réfutable. Conformément à la
jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale, il convient donc de considérer que les
présomptions du § 39, al. 3 WpÜG peuvent être renversées(293), ce qui permet de garantir – tout
du moins théoriquement – le plein respect du droit de propriété des actionnaires évincés.

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