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A/ Le monopole étatique de la politique de planification

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Ce monopole s’est expliqué par l’idée que l’Etat central soit le responsable original du développement économique. En fait, le domaine économique relève au Maroc de la compétence exclusive du centre(1). Pourtant, ce monopole se traduit par une centralisation méthodique et institutionnelle de la politique de planification :

1 : Centralisation méthodique

La marginalisation des entités décentralisées lors de l’élaboration du plan de développement national apparaît durant les trois étapes de conception du plan :

La première étape est dominée par l’intervention du département chargé du plan notamment en ce qui concerne les travaux préliminaires, les collectivités locales ne participent qu’aux travaux des commissions nationales. Toutefois, si l’étude des programmes par les commissions horizontales (traitant un problème concernant plusieurs secteurs), et verticales (relative à un même secteur) prend jusqu’à trois mois, le traitement dudit projet par les collectivités locales, notamment les conseils régionaux, est limitée à quelques semaines. Il en résulte que le rôle joué par les collectivités est fort réduit.

D’autant plus que les travaux de synthèse pratiqués par le ministère du plan et réservés aux choix des projets retenus, peuvent ne pas prendre en considération les propositions des pouvoirs décentralisés qui ne sont que des avis non obligatoires.

La seconde étape, réservée à l’étude du projet du plan, ne fait que réduire davantage la marge de manoeuvre des collectivités locales. Ces dernières, en dépit de leur représentation au sein de cette institution, n’ont pas de véritables pouvoirs. Le département du plan, assurant le secrétariat du CSPNP, mène les travaux dans le sens voulu par les pouvoirs centraux. Et enfin, la troisième étape consiste en l’examen du projet de plan par le parlement. Les deux chambres de ce dernier disposent à cet égard d’un pouvoir d’amendement. La représentation des collectivités locales au sein de la deuxième chambre du parlement (la chambre des conseillers), leur offre une dernière chance pour faire valoir leurs avis. Néanmoins, le caractère global et superficiel qui caractérise les travaux de la chambre des conseillers, nous laisse sceptique quant à la prise en considération des spécificités propres à chaque territoire local.

2 : Centralisation institutionnelle

La centralisation dont fait l’objet la politique de planification n’est pas uniquement méthodique, elle est également institutionnelle. En fait, les institutions chargées d’élaborer et de mettre en pratique la planification économique revêtent un caractère purement centralisé(2). Le jacobinisme domine partout dans l’administration marocaine. Historiquement justifié par l’incapacité de la décentralisation de mener la politique de planification, les services centraux demeurent attachés à leurs compétences classiques sans pourtant y renoncer au profit d’une décentralisation aussi étoffée qu’auparavant. Les retombées de cette centralisation sont vécues jusqu’à aujourd’hui. Cette situation s’explique par le fait que le prolongement local des institutions étatiques à qui incombe la tache d’élaboration de la politique de planification semble très timide.

Au demeurant, l’organisme central chargé du plan avait été crée en 1957 sous le nom de «Direction de la coordination économique et du plan » ; il fut ensuite appelé direction du plan et des statistiques, tandis que ses rattachements ministériels(3) évoluaient au gré des fluctuations qui affectaient la composition du gouvernement(4).

C’est depuis 1981 que la planification ait été confiée au ministère du plan, de la formation des cadres et de la formation professionnelle. Il faut noter que le changement ultérieur du statut de l’administration du plan n’a pas entrainé de modifications en ce qui concerne son organisation et ses attributions lesquelles demeurent, pour l’essentiel, déterminées par les dispositions du décret du 19 aout 1975(5). En somme, la préparation des plans nationaux et régionaux du développement économique et social et l’établissement des rapports annuels sur l’exécution du plan ont demeuré fortement centralisés du fait de leur accaparement par ce ministère.

Par ailleurs, bien que certaines prémisses de régionalisation du plan commencèrent à apparaître par l’adoption de certaines mesures, il s’agit notamment de la dévolution de la planification régionale à une nouvelle division que l’administration du plan, et l’initiative de l’administration du plan et des statistiques d’implanter des antennes(6) aux chefs-lieux des régions lorsque la nécessité s’est faite sentir d’aménager le processus de planification de façon à mieux appréhender les besoins du développement régional(7). Mais, en réalité, on est aussi loin de parler d’une planification décentralisée voire régionalisée dans la mesure où, selon J-M.PONTIER, « l’idée d’une planification décentralisée, si elle était recevable, apparaissait comme irréalisable »(8), car selon lui, l’un des obstacles à ce changement tenait à l’absence d’échelle locale de planification de l’Etat lui-même. Puisque l’une des raisons de l’insuffisance de décentralisation au Maroc tenait à la faiblesse de la déconcentration qui a demeuré pendant une longue durée une politique bloquée.

1 T. Zair, op.cit., p. 266
2 T. Zair, op.cit., p. 265
3 Placée initialement sous l’autorité du ministre de l’économie nationale, au lendemain de sa création, cette direction fut ensuite rattachée à diverses autorité ministérielles (secrétaire d’Etat, ministre d’Etat chargé du plan et de la formation des cadres(1969), Délégué général au plan et au développement régional (1971), secrétaire d’Etat auprès du premier ministre(1974).
4 M. Rousset et autres, Droit administratif marocain, 5ème édition, 1992, p. 319
5 B.O. 1975, p. 1064
6 Le décret du 19 aout 1975 officialise cette création : dans chaque région économique une délégation régionale du secrétariat d’Etat est chargée « de procéder à des enquêtes et études d’ordres économique et social, de participer à la préparation du plan de développement économique et social à l’échelle régionale et d’établir, en collaboration avec les autorités régionales compétentes, des rapports annuels sur l’exécution des plans dans le cadre régional ». L’implantation de ces délégations régionales, la définition de leurs attributions et de leur organisation résultent d’un arrêté du 20 mai 1978 (B.O. 1978, p. 899)
7 M. Rousset et autres, op.cit., p. 322
8 J-M. Pontier, Contractualisation et planification, in : RDF, n°3, mai/juin, 1993, p. 662

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