Au-delà de toute controverse qu’a souvent suscité la valeur juridique de cette catégorie
d’actes, l´Accord-cadre signé le 31 janvier 1995 entre la République du Tchad, la République du
Cameroun et le consortium occupe une place non négligeable dans le bloc normatif constitué
autour de l´accès du Tchad à la mer. Son contenu ne manque pas d’intérêt.
Le texte de 1995 fixe le cadre général, c’est-à-dire les conditions indispensables pour la
réalisation au Cameroun d’un système de transport destiné à évacuer les produits pétroliers
tchadiens. Il préconise à cet égard la signature au préalable d’un Accord de coopération entre les
deux Etats relatif à la construction et à l´exploitation dudit système de transport. Comme tel, il
s’inscrit en droite ligne des dispositions de l’Article 129 de la Convention des Nations Unies sur
le droit de la mer qui suggère une coopération entre Etats sans littoral et Etats de transit pour la
construction de moyens de transport et installations nécessaires au passage lorsque ces derniers
sont inexistants.
Loin de se limiter aux considérations générales sur cette construction, le texte s’est
intéressé à la question de son tracé. Ainsi, l’Article 8 de cet Accord-cadre dispose que « le
Système de Transport Camerounais part de la région de Touboro et aboutit à la côte Atlantique en
passant par ou à proximité de Meiganga, Belabo, Nanga-Eboko, Obala, Yaoundé, Ngoumou,
Akono, Lolodorf et Bipindi ». La carte ci-après en donne illustration.
CARTE ILLUSTRANT LE TRACE DEFINITIF DU PIPELINE
Source : http://www.gcnet.cm/cite/Pipeline/trace.htm
Ces considérations techniques sont complétées par des dispositions financières. En effet,
l’Article 3 (1) (A) et l’Annexe 2 (Partie I) de l’Accord sont relatifs aux exonérations, exemptions,
redevances et autres frais à concéder par la République du Cameroun dans le cadre de la
construction et l’exploitation de l’oléoduc. Le même article énonce par ailleurs la contrepartie à
percevoir par le Cameroun sous forme de droit de transit.
C’est dire que les premières fondations au processus d’acheminement du brut tchadien
vers l’Atlantique trouvent leur assise dans ce texte dont la force juridique demeure relative.
Le caractère « en devenir » de ses règles, illustré par le temps des verbes (futur), fait de
lui beaucoup plus un « acte en projection », un « préaccord » qu’un véritable instrument.
La doctrine dans sa grande majorité admet que, dans la mesure où ce type d´accords énonce
simplement les conditions générales de futurs accords, seuls ces derniers (après leur
établissement) seront considérés comme les seuls instruments devant faire foi.
Nonobstant ces objections, l’Acte signé le 31 janvier 1995 mérite un grand crédit. Bien
que de portée générale, il trace la trajectoire sur laquelle doivent être établis des instruments
postérieurs. Comme le soulignent Laurent Lucchini et Michel Voelckel, le contenu de ces
derniers « n’est pas laissé entièrement à la libre appréciation des Parties ».(139) Autrement dit, la
signature d’accords futurs doit être conforme à l’esprit et aux règles générales élaborées dans le
cadre de l’Accord-cadre.
Les dispositions édictées dans les instruments postérieurs à l´Accord de 1995, notamment
celles de l’Accord spécifique du 08 février 1996, n’ont pas remis en cause ce lien de connexité.
139 L. LUCCHINI et M. VOELCKEL, Droit de la mer, Paris, Pedone, t.1, 1990, p.529.

