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A-Des techniques particulières de restauration

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1-Une nouvelle approche de l’objet d’art :

La diversification et la multiplication des matériaux qui rentrent dans le processus de
fabrication des oeuvres d’art contemporain est une source constante d’inquiétude pour les
assureurs, qui doivent s’appuyer sur une documentation fournie et suffisamment précise pour
procéder à une restauration conforme à l’oeuvre initiale. Ainsi les responsables de collections,
qui sont confrontés quotidiennement aux oeuvres les plus actuelles, soulignent l’importance de
la pluralité des sources utiles à la documentation des oeuvres contemporaines. Astrid
Lorenzen, restauratrice, évoque les cas particuliers d’oeuvres contemporaines exposées au
Centre Pompidou. En l’espèce, il s’agissait de l’acquisition en 2006, d’une sculpture intitulée
« Habibti », de l’artiste Adel Abdessemed(54). Cette sculpture représentait un squelette
anthropomorphe, composé d’une vingtaine d’éléments en verre de Murano. Pour compliquer
le tout, l’ensemble était suspendu à 40 centimètres du sol. En résumé cette oeuvre était
particulièrement exposée au risque de dégradation. Avant même que la sculpture n’intègre les
collections du musée, un questionnaire précis a été soumis à l’artiste, ainsi qu’au maître
verrier, de manière à anticiper les questions de présentation et les recours possibles en cas de
dommages(55). Dans le cadre des assurances, une telle documentation peut s’avérer précieuse
en cas de sinistre.

La restauration des oeuvres d’art contemporain est un mouvement relativement récent, qui a
évolué depuis la dernière décennie. L’art contemporain en utilisant de nouvelles techniques et
en intégrant de nouveaux matériaux issus du quotidien, soulève de nouvelles questions. Une
installation De Nam June Paik, composée de téléviseurs peut-elle être réparée en utilisant
des éléments équivalents, ou faut-il procéder un échange standard ? Il y a dix ans, la
restauration était souvent confiée à des services techniques, qui ne procédaient à des
restaurations fonctionnelles. Si un élément était cassé, il était recollé. Une machine de
Tinguely était réparée sans qu’il y ait une approche théorique de la part du technicien. Cela
aboutit parfois à des solutions originales, comme celle retenue pour la restauration d’une
oeuvre de Daniel Dezeuze, consistant en un tableau comportant des treillages souples en bois.

Une de ces oeuvres appartenant au musée de Villeneuve d’Ascq, fût gravement endommagée.
Au lieu de procéder à une restauration fastidieuse et coûteuse qui aurait dénaturait l’oeuvre,
l’artiste préféra en refaire une nouvelle(56).

Aujourd’hui la restauration fait davantage appel aux données technico-scientifiques des
matériaux, ainsi qu’à l’intention initiale de l’artiste, surtout lorsque celui-ci est décédé. Mais
jusqu’où doit ton assurer une oeuvre d’art contemporain ? Pour reprendre l’exemple des
sculptures de Jean-Tinguely, c’est l’ensemble qui est important. Le fonctionnement des
éléments mécaniques, le bruit qui les accompagne, font partie intégrante de l’oeuvre et sont
susceptibles d’être indemnisés par un contrat d’assurance. Dans son oeuvre « Hommage à New
York(57) », oeuvre éphémère et autodestructrice exposée au MOMA de New York, Tinguely
anticipe la destruction de l’objet. Si un contrat devait protéger ce type d’oeuvre, il faudrait
prévoir une chronologie des garanties : une oeuvre, un spectacle de destruction puis un amas
de débris « artistiques ». En l’espèce, les débris de la machine sont exposés dans les jardins du
MOMA et acquirent le statut d’oeuvre à part entière. Mais la question de la restauration des
vestiges de ce type d’oeuvre reste en suspens. Il faudra déterminer la volonté de l’artiste afin
de définir quel a été son objectif artistique. Pour « Hommage à New York », les débris
occupent une place importante dans la réflexion de l’artiste. Les objets, après transformation
ou destruction produisent de l’art.

Dans les oeuvres d’art contemporain, chaque élément peut renvoyer vers un signifiant, qui
compose l’oeuvre et accompagne le propos de l’artiste. Selon Anne Van Grevenstein-Kruse,
« en fin de parcours on s’interroge avant d’enlever une couche de poussière sur un objet ou
une oeuvre d’art. Si l’on enlève d’un objet une couche qui a comme signifiant de montrer
l’âge, on retire quelque chose qui fait partie de ce signifiant(58) ». De là provient toute la
difficulté pour les assureurs de procéder à une restauration conforme au propos initial de
l’artiste et qui constitue la valeur d’une oeuvre. Or c’est cette valeur qui est protégée par le
contrat d’assurance souscrit. La meilleure prévention consiste à archiver toutes les
informations possibles sur l’oeuvre, auprès de l’artiste lui-même, de ses assistants, de sa
famille…etc.

2-L’obsolescence technologique des oeuvres :

Autre question posée par l’art contemporain et sa conservation, l’obsolescence
technologique. Une des caractéristiques des oeuvres contemporaines, est qu’elles font souvent
appel à des technologies contemporaines à leur réalisation. Or le progrès technique fait que les
éléments techniques utilisés par les artistes deviennent rapidement obsolètes et introuvables
sur le marché. La question de la restauration de ce type d’oeuvres reste encore en suspens,
mais les restaurateurs commencent à élaborer des solutions adaptées. En 2006, le groupe Art
Contemporain du Centre de recherche t de restauration des musées de France (C2RMF),
a ainsi élaboré une approche selon deux axes principaux(59). D’une part les oeuvres qui utilisent
des technologies obsolètes mais intrinsèquement liées aux oeuvres, car elles ont été
développées spécifiquement pour l’oeuvre par l’artiste assisté ou non par un technicien. C’est
le cas par exemple des oeuvres de Jean Tinguely dont nous avons déjà parlé. D’autre part il
s’agit de réfléchir à la conversion de l’analogique au numérique.

La conclusion de ce rapport fait état de l’obligation de compléter les documentations des
oeuvres en rassemblant les éléments d’informations fournis par l’artiste lui-même ou par des
personnes ayant participé à la réalisation de l’oeuvre. Le but est d’isoler les effets recherchés
par l’artiste, afin d’orienter la restauration ou la conservation vers ce résultat. Le groupe a
défini une première typologie, qui distingue trois matériels distincts. Le « matériel
spécifique », c’est-à-dire que le modèle initialement utilisé par l’artiste est le modèle requis en
cas de substitution. Le « modèle interchangeable » qui peut être substitué sous réserves de
l’identification des propriétés qui devront être conservées. Le « matériel modifié » qui a été
modifié par l’artiste, ce qui en fait une pièce unique qui devra être restaurée ou recréée à
l’identique.

54 Cf Annexe VII
55 « Restauration et non restauration en art contemporain ? », CeROArt, 5, 2010, mis en ligne le 15 avril 2010.
56 Catherine Millet, « L’art contemporain, histoire et géographie », Ed Champs Art ; 2006, P 66
57 Cf annexe II
58 « Restauration contemporaine, restauration de l’art contemporain », CeROArt en ligne, 2/ 2008, mis en ligne
le 20 août 2009.
59 http://www.c2rmf.fr/pages/page_id18608_u1l2.htm

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