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A. Des aspirations légitimes du citoyen à des services publics de qualité

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Le régime de dictature des DUVALIER(21) ayant régné pendant une trentaine d’années en
Haïti effrayait une bonne partie de la population et a également laissé derrière lui des
souvenirs troublants eu égard à la banalisation de la protection des libertés publiques et de
l’annihilation de la participation active du citoyen haïtien à la vie publique de son pays.(22)

Il s’agissait bien d’un système politique qui niait la liberté et la légitimité du citoyen à prendre,
par la voie qu’il choisit, une part active à l’action publique dans son pays. Comment alors un
pareil régime pourrait-il placer le citoyen au centre de ses préoccupations ? Comment vouloir
prétendre travailler à la satisfaction d’un citoyen muselé ? L’Etat, par le biais de son
Administration publique, peut-il satisfaire le citoyen qui ne jouit pas du droit d’opinion, voire
la liberté d’expression ?

Par ailleurs, le 07 février 1986, marquant la chute du régime des DUVALIER, suite à
une insurrection populaire, a cristallisé le ras-le-bol de la majeure partie de la population
haïtienne qui ne voulait plus de ce système oppressif. Un peu plus d’un an après, soit le 29
mars 1987, l’adoption, par référendum, à la quasi-unanimité d’une nouvelle Constitution,
portant bien évidemment abrogation totale de l’ancienne, matérialise une révolution juridico-
politique d’importance. Le peuple, comme constituant originaire, a fait la preuve qu’il veut
que soit institué un régime empreint de la philosophie politique libérale avec bien évidemment
la logique d’un Etat serviteur plutôt qu’oppresseur. Or, l’Administration publique reste et
demeure l’un des moyens pratiques dont l’Etat dispose pour servir ses citoyens. Par voie de
conséquence, les aspirations du citoyen haïtien à des services publics de qualité dans le
schéma du nouveau système politico-administratif institué par la Constitution de 1987 sont
pour le moins légitimes.

Le droit du citoyen à des services publics de qualité et accessibles est un acquis
démocratique payé au prix fort. D’ores, l’Etat, en dépit de ses limites en ressources humaines
qualifiées, ses limites d’ordre économique, technologique, infrastructurel ou autres, se doit de
garantir et de permettre la réalisation de ce droit. C’est une responsabilité qui lui incombe et
dont il ne peut se décliner même sous le prétexte que la réalisation de cette mission tiendrait
du défi.

En effet, généralement, l’un des éléments essentiels de cette notion de service public
de qualité reste et demeure la constance dans l’amélioration de l’information et de l’accueil de
l’usager en vue de sa satisfaction. Sur ce point, nous l’avons déjà abordé plus haut, les
conditions sont loin d’être réunies pour parler d’éventuelle satisfaction des usagers de
l’Administration publique haïtienne. Néanmoins, un acquis important relativement à un aspect
de cette question permet d’avancer que la tradition, aussi pesante soit-elle, ne peut pas
toujours faire échec aux attentes légitimes des citoyens dans leur rapport avec
l’Administration. Cet acquis consiste au fait qu’un usager peut aujourd’hui s’adresser en
créole(23), la seule langue parlée et comprise par la quasi-totalité des Haïtiens, à un Agent d’un
service public pour s’informer ou régler une démarche administrative quelconque.

Là encore, faut-il bien y apporter une sourdine, car dans l’idiosyncrasie de bon nombre
d’agents de l’Administration publique haïtienne, comme c’est d’ailleurs le reflet de la
perception dans une bonne partie de la société, le Français reste et demeure une langue
supérieure au Créole, de telle sorte que même si vous avez la latitude de vous exprimer en
Créole, vous avez quand même intérêt à le faire plutôt en Français, si vous êtes en mesure,
car ainsi êtes-vous susceptible d’être traité avec plus d’attention et d’égard, voire avant un
autre usager ne pouvant s’exprimer qu’en Créole et qui était arrivé au service bien avant.

Donc, le principe « Premier arrivé, premier servi » ne vaut plus son pesant d’or.
En somme, compte de ce qui précède, vous aurez compris qu’en dépit des aspirations
légitimes du citoyen et des acquis fragiles, beaucoup reste à faire en vue de transformer
l’Administration publique haïtienne afin de la rendre capable d’offrir des services publics de
qualité. Ces efforts auront contribué à la satisfaction des usagers et aussi à crédibiliser l’Etat
haïtien aux yeux des acteurs internationaux dont les pressions en vue d’une Administration
saine et performante sont pour le moins légitimes.

21 Temps politique en Haïti, allant de 1957 à 1986, marqué par la présidence à vie du Docteur François
DUVALIER dit Papa Doc (1957-1971) et son fils Jean-Claude DUVALIER dit Baby Doc (1971-1986).
22 Dans un rapport de 64 pages publié en date du 04 avril 2011 par Human Rights Watch, organisme de défense
des droits humains, intitulé : « Haïti, un rendez-vous avec l’histoire. Les poursuites contre Jean-Claude
DUVALIER », l’organisation fait un rappel de la nécessité de mener à bien une enquête et des poursuites suites
aux graves violations des droits humains commises sous la dictature de DUVALIER. Ledit rapport est disponible
sur le lien suivant :
http://www.hrw.org/fr/reports/2011/04/14/ha-ti-un-rendez-vous-avec-l-histoire-0
De plus dans un communiqué publié le 14 avril 2011 sur le site officiel de Alter Presse, on a pu lire la
déclaration suivante de Reed Brody, conseiller juridique auprès de HUMAN Rights Wacth : «Le procès de
Duvalier pourrait s’avérer être l’affaire criminelle la plus marquante de toute l’histoire d’Haïti ». Le
communiqué est disponible sur le lien suivant :
http://www.alterpresse.org/spip.php?article10911
Les deux pages sont consultées le 22 juillet 2011.
23 La Constitution de 1987 a consacré le Créole comme langue officielle au même titre que le français. Jusque-là
le français, parlée par une minorité de privilégiés dans la population, était considérée comme la seule langue de
l’Administration publique. De son côté, le Créole, parlé et compris par la quasi-totalité des Haïtiens, n’avait pas
droit de cité. Cela traduit bien la volonté affichée de l’Etat, dans le statu quo ante, de ne pas servir une catégorie
d’usagers ou de les exclure purement et simplement.

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