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A. Au coeur des studios

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Un bon film d’animation ne se fait pas seul, il est le fruit d’un travail d’équipe. Il est donc nécessaire d’avoir une bonne alchimie entre les membres. Cela ce traduit par un échange d’idées et une écoute des autres pour progresser le mieux possible. L’idée est de partager pour construire, d’échanger pour créer. Pour cela, il paraît primordial de proposer aux employés un bon environnement de travail afin qu’ils se trouvent dans les meilleures conditions possibles.

Dans un premier temps nous visiterons donc les studios de Pixar d’un côté et de DreamWorks de l’autre pour ensuite dresser un portrait des deux hommes à leur tête respective : John Lasseter et Jeffrey Katzenberg. Nous pourrons ensuite nous concentrer sur la conception des films de chacun et leurs caractéristiques principales après avoir dresser un récapitulatif de la position actuelle de chacun sur le marché du cinéma d’animation.

Pour commencer, il est intéressant de connaître la vision d’un bon environnement de travail selon Pixar et DreamWorks. Les locaux Pixar se trouvent à Emeryville, en Californie.

Ceux-ci se composent de nombreux aménagements plus ou moins particuliers.

Illustration 4 L'atrium central des studios Pixar, le lieu de toutes les rencontres

Illustration 4 : L’atrium central des studios Pixar, le lieu de toutes les rencontres.

On y trouve, entres autres, un grand atrium dans lequel se situent boîtes à lettres et café, un auditorium de six cents places, des terrains de sports extérieurs et intérieurs, une piscine, des salles de jeux sans oublier la grande cantine (55).

L’endroit n’est pas sans rappeler le campus d’une université excepté que dans le cas présent, il s’agit d’un lieu de travail et non d’études. L’idée vient de Steve Jobs qui a créé les bâtiments de Pixar afin de favoriser les rencontres :

« Si une structure ne favorise pas cela, vous passez à côté de nombreuses innovations, et vous perdez toute la magie des heureux hasards. Nous avons construit cet immeuble pour obliger les gens à sortir de leur bureau et à se promener dans l’atrium central, pour susciter des rencontres improbables. »(56)

Une usine à rêves, une grande cour de récréation dans laquelle toutes les personnes, quel que soit leur rang dans la production, sont mises sur le même pied d’égalité et peuvent se rencontrer pour échanger des idées. Pixar aime d’ailleurs montrer l’originalité de ses locaux dans les DVD de ses films ou lors de divers reportages(57). Le lieu est très différent des bâtiments de Disney qui sont de simples studios mais non de ceux de DreamWorks. Situés à Glendale, non loin de Los Angeles, les locaux de DreamWorks Animation ressemblent eux aussi à un campus universitaire. D’extérieur, tout y est paisible et proche de la nature.

Illustration 5 Le côté très naturel des studios DreamWorks Animation

Illustration 5 : Le côté très naturel des studios DreamWorks Animation.

Les murs sont recouverts de verdure et, dans la cour centrale se trouve un ruisseau parsemé de nénuphars. A l’intérieur, ce sont plus de mille deux cents employés qui se croisent aussi bien en se rendant dans leur bureau qu’en participant à des tournois de babyfoot ou en se rendant à des cours de yoga ou de sculptures(58) . Chez Disney, Katzenberg devait gérer quelques douze milles employés répartis aux quatre coins du globe. Il se dit plus heureux aujourd’hui avec son effectif réduit et cet endroit qu’il a « délibérément conçu comme un petit bout de paradis »(59). La principale particularité par rapport à son rival porte le nom de halo room, une salle de vidéoconférence dans laquelle il est possible de communiquer avec des employés situés dans les locaux de la Silicon Valley.

Tout semble fonctionner dans les studios de DreamWorks comme le confirme le classement du magazine Fortune qui l’a classé, en 2011, à la dixième place des meilleures compagnies dans lesquelles il est bon de travailler(60). Chaque studio a ainsi été construit afin de proposer la meilleure atmosphère possible pour favoriser la communication et donner envie de travailler.

Le partage est donc le maître mot de ces deux studios. Tout employé peut aussi prendre du recul sur la laborieuse création que nécessite un long-métrage animé, un travail qui s’étend sur plusieurs années. Sur cet aspect, l’esprit des studios est donc le même pourtant il n’existe pas que des points communs entre eux à l’instar des hommes qui les représentent : John Lasseter et Jeffrey Katzenberg. Le premier est un créatif à la bonhommie apparente et à l’aspect calme sans oublier ses célèbres chemises aux motifs très colorés. « Tout le monde l’aime »(61) n’hésite pas à dire Pam Kerwin, directrice marketing chez Pixar.

Le second est un homme d’affaire de petite taille, dynamique et toujours habillé sobrement. De son côté, on lui prête la « réputation d’être difficile et de contrôler. »(62) L’un est le représentant de Pixar, l’autre de DreamWorks.

Ces deux personnages que tout oppose ne sont-ils pas le reflet exact de leur société ?

Illustration 6 Jeffrey Katzenberg et John Lasseter, deux personnes très différentes

Illustration 6 : Jeffrey Katzenberg et John Lasseter, deux personnes très différentes.

Il est intéressant de savoir comment chacun se définit pour connaître un peu plus la direction qu’ils empruntent. John Lasseter se présente comme un « conteur
d’histoire » (63) selon ses propres termes. Pixar raconte des récits avant tout. Il s’agit de la marque de fabrique de la société : « On savait que la technologie serait datée assez vite. C’est le premier terme qui vieillit dans ce genre de film. C’est pour cela qu’on s’est toujours concentrés sur l’histoire, avant toute chose. »(64) La narration est le principal atout chez Pixar et Lasseter aime le rappeler tout comme il n’oublie jamais de laisser ses pairs s’exprimer. Ainsi, Andrew Stanton, Peter Docter, Lee Unkrich ou encore Brad Bird, les principaux réalisateurs de la firme, sortent de l’ombre et parlent de leurs films. Il est en effet plus difficile de citer le nom des réalisateurs des films phares de DreamWorks Animation tellement ceux-ci sont peu mis avant.

Chez DreamWorks, ce sont les acteurs prêtant leur voix aux protagonistes des films qui sont placés sous les projecteurs. En effet, lors des conférences ou autres évènements, les doubleurs du film sont là pour défendre l’oeuvre aux côtés de Jeffrey Katzenberg. En tant qu’homme d’affaires, et suite à la grande expérience qu’il a acquise chez Disney, Katzenberg met tout en oeuvre pour que ses films attirent de nombreux spectateurs. Ainsi, des noms tels que ceux de Brad Pitt, Angelina Jolie, Jack Black ou encore Robert de Niro sont plus susceptibles d’intéresser la presse et le public que les réalisateurs eux-mêmes.

Katzenberg est également plus porté par le succès et les recettes que peuvent engendrer ses films que par la création. « You know, I’m not interested in the Academy Awards. I’m interested in the Bank of America awards, what the money these things pull in. »(65) Des paroles sorties de la bouche du producteur lui-même et rapportées par Roger Allers, l’un des réalisateurs du Roi Lion, lors d’un meeting chez Disney. Cette recette avait bien porté ses fruits lorsqu’il se trouvait chez Disney mais malheureusement pour eux, Jeffrey Katzenberg est parti avec elle. Dès lors, la situation des studios a commencé à changer, Disney le premier. Ainsi, après le départ de Jeffrey Katzenberg, la Walt Disney Company n’égale plus le succès du Roi Lion. Des films comme Pocahontas(66), Le Bossu de Notre-Dame(67) et Hercule(68), sans être des échecs, attirent beaucoup moins de spectateurs(69).

Ce qu’on pourrait appeler le second Âge d’Or de Disney prend fin à son tour et cette descente s’est confirmée année après année jusqu’en 2010 et la sortie de Raiponce(70), soit près de quinze ans plus tard. Cette remontée n’est pas anodine puisque, suite au rachat de Pixar par Disney en 2006(71), les films sont supervisés par John Lasseter, nommé directeur artistique de Pixar Animation Studios et de Walt Disney Animation. Entre le départ de Jeffrey Katzenberg et l’arrivée de John Lasseter, Disney a petit à petit perdu son pouvoir face à Pixar et DreamWorks, ses deux « descendants ». Le monde de l’animation a assisté à un tournant radical dans lequel les dessins animés traditionnels n’attiraient plus le public devant la toute nouvelle 3D. Cette histoire n’est pas sans rappeler celle de Woody et Buzz dans le film Toy Story. La 2D est représentée par Woody, ce cowboy en mousse et en bois, la 3D n’est autre que Buzz l’Éclair, le jouet Hi-Tech en plastique accompagné de nombreux gadgets et Andy, leur propriétaire, est le public. Woody est un jouet vieillissant et le favori d’Andy. Il a le monopole du coeur jusqu’à l’arrivée de Buzz.

Dès lors, le petit garçon préfère le personnage de l’espace. Sans vraiment le vouloir, Buzz devient le rival de Woody. Après de nombreuses mésententes et des querelles, ils finissent pourtant par être les meilleurs amis du monde. Dans la vraie vie, il ne s’agit pas vraiment d’amitié mais davantage du rachat de Pixar. Disney n’est plus que l’ombre de lui-même et les changements apportés par DreamWorks et Pixar ont démontré que le public voulait du renouveau. Ces changements ont commencé avec la conception des personnages.

« Chez Disney, quand nous nous préparons à faire un dessin animé, nous recherchons en priorité une histoire très spéciale avec des personnages inoubliables »(72). Cette phrase a été prononcée par Jeffrey Katzenberg pour promouvoir La Belle et la Bête en 1991. Il s’agit là d’une chose primordiale au cinéma et davantage dans les films d’animation dans lesquels les héros sont créés de toute pièce. Le public doit pouvoir reconnaître les personnages d’un premier coup d’oeil et surtout doit pouvoir les apprécier. Woody doit porter sa veste en peau de vache et son chapeau, sans quoi il n’est qu’un objet sans valeur comme on peut le voir dans Toy Story 2(73) lorsqu’il est destiné, par sa rareté, à être exposé dans un musée japonais. Shrek, quant à lui, est reconnaissable à ses oreilles en trompette et sa peau verte qui lui confèrent cet aspect rebutant mais pourtant sympathique. Même chose pour le petit poisson Nemo et sa nageoire atrophiée ou encore les quatre animaux de Madagascar caractérisés par leur allure cartoon très proche du style de Tex Avery. Cependant, les similitudes entre Pixar et DreamWorks semblent s’arrêter à ce stade. En effet, là où Disney se contentait d’humains et

Illustration 7 Une voiture parlante, un jouet vivant, un robot sentimental et un monstre gentil

Illustration 7 : Une voiture parlante, un jouet vivant, un robot sentimental et un monstre gentil.

d’animaux parlants, Pixar propose de nouveaux héros sous formes de jouets, robots, insectes, monstres ou voitures. Quelques animaux loquaces subsistent cependant comme c’est le cas dans Le Monde de Nemo et Ratatouille(74) mais ils ne sont qu’une minorité. Ainsi, dans Là-Haut (75) , les animaux s’expriment par l’intermédiaire d’un collier spécial qui, par dysfonctionnement, prête une voix aiguë au féroce doberman, le rendant ridicule. Pixar semble se moquer de cette technique qui vise à faire parler les animaux. Même chose du côté des humains qui sont très peu traités dans leurs oeuvres. En effet, ils sont souvent relégués au second plan. Dans les Toy Story, excepté la famille d’Andy, le propriétaire de Woody, les humains sont cruels et martyrisent les héros en plastique. Cid, adolescent rebelle au t-shirt brodé d’une tête de mort, leur fait subir des tortures de tout genre dans le premier volet.

Dans sa suite, c’est le vendeur Al qui cherche à vendre Woody à un musée japonais, le séparant d’Andy et de ses amis. L’abandon est aussi traité et les enfants en sont les premiers responsables. Une fois grands, ces mêmes enfants délaissent ces jouets et partenaires qui les ont accompagnés durant toute leur enfance. Ainsi, dans Toy Story 2, Jessie, jouet de la même marque que Woody, est intérieurement brisée du rejet que lui a fait subir Emily, sa propriétaire. Même constat dans Toy Story 3(76) où l’on apprend que Lotso, l’ours rose à l’odeur de fraise, a lui aussi été abandonné et remplacé. Il n’en fallait pas plus pour qu’il devienne une horrible peluche sans coeur.

Plus que l’abandon de jouet, c’est la planète que les humains laissent tomber dans WALL-E(77). Dans ce film, la pollution a atteint un stade critique, laissant la planète bleue aux mains de robots nettoyeur. Dans le vaisseau spatial habité par les individus rescapés, ces mêmes machines s’occupent de tout. En conséquence, toutes les personnes, sans exception, sont devenues obèses et entièrement dépendantes de la technologie. Il y a heureusement la famille des Indestructibles qui représente notre espèce humaine sous un plus beau jour. Pourtant, ils sont plus que de simples humains, ce sont des supers héros. Les seuls humains « normaux » qui occupent le poste de personnages principaux se trouvent dans Là-Haut avec son vieillard qui s’envole loin de son monde à l’aide de sa maison volante et Ratatouille, film dans lequel le jeune Linguini est contrôlé par un rat. Ce ne sont donc pas des humains normaux mais plus des marginaux. Pixar s’éloigne donc de ce que Walt Disney avait construit sur plusieurs générations avec ses animaux au comportement humain inspirés d’artistes comme Benjamin Rabier, Gustave Doré et John Tenniel. On parle d’anthropomorphisme, cette technique qui consiste à donner des caractéristiques humaines

Illustration 8 Quelques uns des animaux parlant de DreamWorks

Illustration 8 : Quelques uns des animaux parlant de DreamWorks

comportementales ou physiques à un animal. Mais on peut également citer le zoomorphisme, technique qui consiste à donner à un personnage l’apparence d’un animal. Pour Bambi(78), par exemple, l’animal est une simple biche avec des expressions humaines. Même chose pour les félins du Roi Lion ou la joyeuse bande des 101 Dalmatiens(79). Le zoomorphisme est davantage représenté du côté des personnages phares de Disney tels Mickey Mouse, Dingo et Donald Duck. Au niveau des films d’animation ayant recours à cette technique, on peut citer Robin des bois(80), Alice au pays des merveilles(81) ou Basil, détective privé(82). Les personnages se comportent exactement comme des humains, ils de déplacent sur leurs pattes postérieures, parlent et portent des vêtements. La grande majorité des studios, anciens et actuels, se servent de cette méthode. Parmi eux, Sony Pictures Animation avec les animaux sauvages des Rebelles de la forêt(83) et les pingouins surfeurs dans Les Rois de la glisse(84).

Mais c’est aussi et surtout le cas de DreamWorks qui poursuit dans la droite lignée de Walt Disney. Les enfants préfèrent probablement ces animaux qui parlent plutôt que voir des humains plus ou moins réalistes et donc moins portés sur la comédie. Tout paraît plus léger quand les animaux remplacent les humains comme l’avait montré Jean de la Fontaine avec ses fables. Les animaux sont ainsi des caricatures humaines et sont généralement choisis en fonction de leurs traits distinctifs. Ainsi, dans Nos voisins, les hommes(85), le héros, un cambrioleur futé est un raton laveur, animal réputé pour ses vols de nourritures dans les foyers d’Amérique du Nord.

Il est entouré de Verne, personnage peu sûr de lui et hésitant. Quoi de mieux pour représenter cette caractéristique qu’une tortue. Il y a aussi ce personnage hyperactif, Zamy ou Hammy dans sa version originale. Petit, vif et nerveux, l’écureuil est un choix très approprié. C’est sans mentionner le grand méchant du film, imposant par la taille et par sa réputation qui n’est autre qu’un ours. Le procédé est le même dans Kung Fu Panda(86). Ainsi, Po, le héros du film qui ne
pense qu’à manger, est un gros panda. Dans son périple, il doit faire face au méchant Tai Lung l’once, ce félin rapide et agile. Cependant, là où DreamWorks semble prolonger le travail de Disney, il impose tout de même son propre style avec des animaux « décalés », en contradiction totale avec les héros Disney. Il s’agit d’une manière pour Katzenberg de contrer son ancien employeur et ses personnages principaux très « sages ». On peut parler d’anti-Disney. En effet, les personnages ne correspondent pas souvent à ce qu’ils doivent être. Par exemple, la fourmi Z, censée être collective et travailleuse devient dépressive et solitaire.

Même cas de figure pour Alex le lion devenu végétarien ou encore Shrek, l’ogre gentil devant faire face à des villageois moins sympathiques. C’est une attitude qui vise à toucher de nouveaux spectateurs qui n’appréciaient pas forcément les personnages plus normaux de Disney. Plus que des comportements en contradiction totale avec ce qu’ils doivent être, les personnages de DreamWorks bénéficient également des aspects physiques des acteurs qui leur prêtent leur voix.

Illustration 9 Des personnages physiquement très proches des acteurs qui les doublent

Illustration 9 : Des personnages physiquement très proches des acteurs qui les doublent.

Il s’agit d’une grande caractéristique des films DreamWorks. Celle-ci consiste à donner aux héros la voix et les signes distinctifs physiques ou comportementaux des comédiens qui les doublent. Dès la production de Fourmiz, ce style est en partie adopté.

Ainsi, le héros Z est une fourmi qui possède le comportement et la voix de Woody Allen. Il est frêle, nerveux et se pose énormément de questions existentielles. À ses côtés se trouve la fourmi travailleuse Weaver. Montagne de muscles, il n’est pas sans rappeler son doubleur vocal : Sylvester Stallone. Même procédé dans la série des Shrek, films pour lesquels le bavard Eddy Murphy prête son dynamisme et ses blagues à l’Âne. Monsieur Hood, Robin des bois du film est, quant à lui, joué par Vincent Cassel afin de lui donner notre accent français aux « r » insistants.

Les choses se sont par la suite accentuées avec la sortie de Gang de requins. Parodie des films de mafia, il était inévitable que Robert De Niro et Martin Scorsese fassent partie du casting. Don Lino est ainsi un squale qui possède le même grain de beauté que Robert De Niro sans oublier ses expressions. De son côté, le poisson lune Sykes dispose des sourcils épais du réalisateur new-yorkais. On peut également cité Oscar, doublé par Will Smith, qui hérite du faciès de l’acteur tandis qu’Angelina Jolie voit ses lèvres numérisées pour le personnage de Lola. Ceux-ci sont quelques exemples parmi tant d’autres mais permettent de mieux cerner la voie empruntée par DreamWorks.

Les personnages ne sont plus de simples créations mais tiennent davantage de la reproduction. Ils sont des sortes de versions animales des acteurs. Le film se base sur eux et non l’inverse là où Pixar utilise ses acteurs pour insuffler plus de vies à ses protagonistes. Chez Pixar, on retrouve de grands noms comme ceux de Tom Hanks (Toy Story), Billy Cristal (Monstres & Cie(87)) et Samuel L.Jackson (Les Indestructibles(88)) sans oublier Paul Newman (Cars) et Emma Thompson (Rebelle(89)) mais ceux-ci servent l’histoire.

John Lasseter explique le choix de Tom Hanks pour le rôle de Woody : « What I loved about Tom Hanks was his ability to make all kinds of emotions appealing. Even when he’s yelling at somebody, he’s likable. That was crucial because Woody behaves pretty badly when he’s not head toy anymore. »(90) L’objectif est de rendre l’acteur transparent afin que le spectateur puisse entrer pleinement dans l’histoire sans y voir un acteur réel. Les deux styles sont très différents tout comme l’attitude des deux studios. Ainsi, quand Pixar cherche à faire passer les personnages et l’histoire au premier plan en leur offrant des voix adaptées afin que le spectateur soit plus immergé dans le film et dans l’univers créé, DreamWorks insiste bien sur le fait que c’est tel ou tel acteur qui joue le rôle.

Les deux studios se sont écartés à leur façon de la méthode Disney en prenant leur indépendance grâce à un style propre à chacun qui se ressent jusque dans les thèmes abordés.

Plus que les personnages, les thèmes traités sont ainsi très différents. Ainsi, WALL-E traite de l’écologie et du mauvais traitement de la planète par l’humain quand la croissance de l’urbanisme est dénoncée dans Là-Haut. Pixar muri au fur et à mesure des années et traite de thèmes de plus en plus sérieux. La saga Toy Story représente très bien cette évolution. Quand la jalousie et la peur de l’abandon sont traitées dans le premier film, des jouets subissent cet
abandon dans le deuxième. Cependant, ils finissent par trouver un nouveau propriétaire, ce qui n’est pas le cas dans le dernier volet de la trilogie dans lequel les jouets sont définitivement abandonnés voire remplacés. Le film va également plus loin que l’abandon et traite de la mort lorsque les jouets, alors réunis, doivent y faire face dans une décharge.

Plus qu’une confrontation à cette mort, le personnage d’Ellie dans Là-Haut, y succombe. En début de film, la vie entière d’Ellie et de Carl, héros du film, passe sous les yeux du spectateur dans une sorte de film dans le film. En seulement quelques minutes, des thèmes forts sont abordés comme la perte d’un enfant, la maladie et l’inévitable mort. De telles idées ne sont pas traités ouvertement dans les productions DreamWorks, le studio de Jeffrey Katzenberg préférant miser avant tout sur l’humour et le côté décalé. Ainsi, Gang de requins aborde le thème de l’homosexualité sans vraiment le mentionner de manière explicite. Lenny, fils du parrain de la mafia, rêve d’être un dauphin et il ne souhaite pas le dévoiler à son père par peur d’être rejeté à cause de cette différence. Le dauphin représente donc l’homosexualité dans l’univers de DreamWorks. Cependant, le studio de Jeffrey Katzenberg préfère proposer des films plus légers et principalement drôles contrairement à Pixar qui ne fait pas que de l’humour.

Pixar et DreamWorks, dans leur manière de créer sont très différents et ne semblent pas toucher le même public. Ainsi, Pixar joue dans un registre plus universel, essayant de toucher tout un chacun en misant sur la créativité. L’originalité est également de mise avec des personnages principaux d’un nouveau genre, qu’ils soient des créatures effrayantes, des insectes, des jouets ou des voitures tout comme les thèmes abordés. DreamWorks, de son côté, tente de se détacher un maximum de Disney avec ses héros décalés mais s’en rapproche pourtant beaucoup. En effet, les animaux ou encore les thèmes traités avec plus de légèreté ne sont pas sans rappeler les anciennes oeuvres de Disney tout comme la morale qui revient inévitablement à la fin et vient rompre le côté « rebelle » des oeuvres.

55 Bill Capodagli et Lynn Jackson, Innovate the Pixar Way, p. 40-41.
56 Op. cit., Walter Isaacson, Steve Jobs : a biography, p. 474.
57 http://www.youtube.com/watch?v=pHPZMIAhpqs&feature=player_embedded. Consulté le 6 mai 2012.
58 http://www.3dvf.com/dossier-855-2-interview-puss-in-boots-trois-francais-chez-dreamworks.html.
Consulté le 16 mars 2012.
59 Denis Rossano, « Jeffrey Katzenberg : ‘Shrek nous a sauvé’ », L’Express, 1er juillet 2008.
60 http://money.cnn.com/magazines/fortune/bestcompanies/2011/snapshots/10.html. Consulté le 29 avril 2012.
61 Op. cit., David Price, The Pixar Touch : the making of a company, p. 107.
62 Ibid ibidem.
63 Ciné Live hors série n°16, p. 7.
64 Op. cit., Ciné Live hors série n°16, p. 16.
65 Op. cit., Don Hahn, Waking Sleeping Beauty, 2012.
66 Mike Gabriel et Eric Goldberg, Pocahontas, une légende indienne, 1995.
67 Gary Trousdale et Kirk Wise, Le Bossu de Notre-Dame, 1996.
68 John Musker et Ron Clements, Hercule, 1997.
69 Annexe A.1 : graphique 3.
70 Byron Howard et Nathan Greno, Raiponce, 2010.
71 Laura M. Holson, « Disney agrees to acquire Pixar in a $7.4 billion deal », The New York Times, 25 janvier 2006.
72 Don Hahn, Waking Sleeping Beauty, 2010.
73 John Lasseter, Ash Brannon et Lee Unkrich, Toy Story 2, 1999.
74 Brad Bird, Ratatouille, 2007.
75 Pete Docter et Bob Peterson, Là-Haut, 2009.
76 Lee Unkrich, Toy Story 3, 2010.
77 Andrew Stanton, WALL-E, 2008.
78 Walt Disney et David Hand, Bambi, 1942.
79 Clyde Geronimi, Hamilton Luske et Wolfgang Reitherman, Les 101 Dalmatiens, 1961.
80 Wolfgang Reitherman, Robin des Bois, 1973.
81 Hamilton Luske, Wilfred Jackson et Clyde Geromini, Alice au pays des merveilles, 1951.
82 Don Clements, Burny Mattinson et David Michener, Basil, détective privé, 1986.
83 Jill Culton, Anthony Stacchi et Roger Allers, Les Rebelles de la forêt, 2005.
84 Ash Brannon et Chris Buck, Les Rois de la glisse, 2007.
85 Tim Johnson et Karey Kirpatrick, Nos voisins, les hommes, 2005.
86 Mark Osborne et John Stevenson, Kung Fu Panda, 2008.
87 Peter Docter, David Silverman et Lee Unkrich, Monstres & Cie, 2001.
88 Brad Bird, Les Indestructibles, 2004.
89 Mark Andrews et Brenda Chapman, Rebelle, 2012.
90 Op. cit., David Price, The Pixar Touch : the making of a company, p. 219. Traduction proposée « aimait avec Tom Hanks était l’habilité qu’il avait à rendre toutes sortes d’émotions attrayantes. Même quand il crie sur quelqu’un, il est sympathique. Cela a été crucial car Woody se comporte plutôt mal lorsqu’il ne
dirige plus les jouets. »

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