La loi LRU impact directement deux domaines nécessitant l’existence d’une couverture
assurantielle : les responsabilités (A) et le patrimoine universitaire (B). Un troisième domaine
est indirectement impacté par la loi LRU, il s’agit des risques statutaires (C).
A. Les assurances de responsabilité
Dans le cadre de la loi LRU, il y a une multiplication des campus, source de responsabilités
(1) ainsi qu’un développement important des activités professionnelles des universités (2),
deux facteurs ayant des répercussions sur l’assurance des universités (3).
1. Un nombre important de protagonistes : spécificité des
universités impliquant un risque important de responsabilité
La multiplication des campus (a), qui se fait dans le prolongement de l’autonomie des
universités, est une source de responsabilité du fait d’un regroupement important de
personnes (b).
a) La multiplication des campus regroupant des milliers de
personnes, source de responsabilité pour les établissements
Un campus désigne : « l’espace rassemblant les bâtiments et l’infrastructure d’une université
ou d’une école située hors d’une ville. Ce terme inclut ainsi les bâtiments abritant entre autres
salles de classes et de recherche, bibliothèques, restaurants, résidences universitaires, et
parfois complexes sportifs »(37).
Un campus regroupe donc un nombre d’étudiants considérable. Or si le nombre d’étudiants
augmente, il y a également une hausse nécessaire du nombre d’agents.
Or, comme on l’a vu précédemment, parallèlement à la loi LRU, le gouvernement a lancé une
opération Campus ayant pour objectif la multiplication de ces campus universitaires. Il s’agit
d’un véritable chantier universitaire. Cette opération a pour projet l’apparition de 12 campus
dont celui de Lyon.(38) S’agissant de ce campus, l’objectif est la réhabilitation de 460 000 m², la
création de 65 000 m² avec une capacité d’accueil de 70 000 étudiants.
Cela augmente donc de manière considérable les risques de responsabilité des universités.
Il convient donc d’étudier les différents régimes de responsabilité incombant aux universités.
b) Une responsabilité des établissements publics d’enseignement
supérieur soumise au régime général de la responsabilité
administrative
La responsabilité des personnes publiques a été reconnue par un arrêt de principe datant du 8
février 1873 rendu par le tribunal des conflits, dit arrêt Blanco.
Les établissements publics d’enseignement ayant à leur charge une mission de service public,
cette caractéristique a conduit à élaborer un régime autonome de responsabilité administrative
distinct de celui élaboré par le code civil. Cette responsabilité administrative est
essentiellement jurisprudentielle, le législateur n’étant intervenu que pour consacrer ou
préciser des solutions établies par le juge.
Il existe par analogie au régime de responsabilité du fait d’autrui du code civil, un régime
spécial de responsabilité de l’Etat du fait des enseignants qui a été instauré par la loi du 5 avril
1937. Cependant, cette loi exclut expressément les établissements d’enseignement supérieur
dans la mesure où la notion de surveillance, qui est impérative pour engager cette
responsabilité, n’est pas valable car les enseignants ne sont pas considérés comme ayant la
« garde » des étudiants. Cette exclusion démontre bien la spécificité de ces établissements
d’enseignement supérieur.
Dans la mesure où le régime spécial ne s’applique pas aux établissements publics
d’enseignement supérieur comme c’est le cas pour les établissements du secondaire ou du
primaire, c’est donc le régime général de la responsabilité administrative qui est applicable.
Ce régime général reste assez proche des principes de responsabilité élaborés en matière de
droit civil.
· On trouve donc également une responsabilité de la personne publique en tant
qu’employeur qui a été instauré par l’arrêt Blanco et qui précise que la responsabilité
de l’Etat est engagée pour les : « dommages causés aux particuliers par le fait des
personnes qu’il emploie dans les services publics ».(39)
L’université a toujours été l’employeur de ses agents mais avec la loi LRU, cette dimension
« d’université employeur » est plus extrême. C’est l’université, autonome, qui doit être
considérée à part entière comme employeur de ses agents. C’est donc l’université qui voit sa
responsabilité engagée du fait des personnes qu’elle emploie. Le régime général de la
responsabilité administrative fait une nette distinction entre la faute personnelle et la faute de
service de l’agent. Seule la faute de service est susceptible d’engager la responsabilité de
l’université. La faute de service est la faute commise par le personnel dans le cadre de
l’exercice de son activité. Cette faute incombe donc à l’administration et non à l’agent. Seule
une faute simple suffit ce qui entraine un risque accru de responsabilité.
La loi LRU a donc une incidence considérable sur la responsabilité des présidents
d’universités qui sont les représentants des universités.
L’action récursoire est cependant possible lorsque l’université s’est vue condamner pour une
faute personnelle d’un agent. Cette action permet aux universités de se retourner contre
l’agent fautif afin d’obtenir remboursement intégrale de l’indemnisation lorsque le dommage
a pour cause exclusive une faute personnelle.
Un autre moyen existe pour les universités de se dégager de leurs responsabilités. Il s’agit du
recours hiérarchique devant le ministre, donc l’Etat. Cependant, ce recours, pour les
établissements passés aux RCE (responsabilités et compétences élargies) a vu son champ
largement réduit.
Ce recours n’est désormais possible que pour les fonctionnaires qui ont agi pour le compte de
l’Etat mais également pour les agents « contractuels d’Etat » c’est-à-dire les professeurs et
maître de conférences. Cependant, s’agissant des fonctionnaires ayant agi pour le compte de
l’établissement ou encore des contractuels employés par l’établissement c’est-à-dire propres à
cet établissement, l’autonomie a pour conséquence un impossible recours hiérarchique devant
le ministre.
De plus, les agents eux-mêmes peuvent se retourner contre l’université en se basant sur la
notion de « mise en danger d’autrui »: terme utilisé dans le rapport sur les risques des
universités et préconisations qui s’interrogent sur les recours dont disposent les agents. Il y a
donc une voie possible qui serait fondée sur cette notion de mise en danger d’autrui puisque
les chiffres démontrent que la responsabilité de l’administration est de plus en plus
fréquemment engagée en l’absence de mesures suffisantes de prévention ou de précaution.(40)
· D’autres part, une université a un autre risque important de responsabilité : du fait de
ses étudiants.
En l’espèce, il s’agit de la responsabilité que l’université peut encourir à l’égard des étudiants.
Comme on l’a vu précédemment, le propre des Campus est le regroupement d’un nombre
important d’étudiants d’où là encore, un risque accru de responsabilité.
Par exemple s’agissant du Campus de Lyon, l’objectif est d’accueillir 70 000 étudiants.(41) Il
suffit par exemple qu’un étudiant se blesse en glissant dans les escaliers pour que l’université
engage sa responsabilité sur le fondement d’une insuffisance de prévention ou précaution. Les
assurances apparaissent alors comme indispensables face à un nombre si important
d’étudiants.
De plus, comme on l’a vu précédemment, la tendance est à la mondialisation des études. Par
conséquent, un nombre important d’enseignants chercheurs ainsi que de doctorants partent
chaque année à l’étranger dans le cadre de leurs cursus scolaire. Si un étudiant se blesse lors
de ce parcours, il peut s’agir de la responsabilité de l’université. La difficulté est alors de
pouvoir rapatrier l’étudiant. On peut citer en l’espèce l’exemple de l’université de Bordeaux
dont un professeur avait envoyé une étudiante faire un stage en Inde. Le bras de cette
étudiante avait été gravement blessé lors d’un accident avec un bus. L’université ne disposant
pas d’assurance rapatriement, le rapatriement s’était fait au bout de 2 semaines, et donc l’état
de l’étudiante s’était aggravé entre temps. A son retour en France, son bras avait été amputé.
L’assurance assistance – rapatriement permet un rapatriement rapide de l’étudiant dans son
pays. Cela permet ainsi d’éviter une aggravation de l’état physique des personnes qui aurait
pour conséquence d’augmenter la responsabilité de l’établissement. Cette assurance assistance
rapatriement est donc souscrite dans une logique humanitaire mais également de diminution
de la responsabilité.
2. Un développement de l’activité professionnelle des
universités nécessitant des assurances de responsabilité
professionnelle
Les universités, en parallèle à leur activité principale qui est celle de l’enseignement, exercent
parfois des activités professionnelles. Selon un rapport de la Cour des comptes établi en
2005, « les universités sont devenues, en une trentaine d’années, des lieux d’accueils
essentiels pour la recherche. »
On distingue trois sortes d’activités professionnelles que les universités exercent et en
fonction desquelles elles sont soumises soit à des obligations de moyens soit à des obligations
de résultats.
Il y a tout d’abord la recherche fondamentale(42). Elle a pour objet de perfectionner les
connaissances dans un domaine précis indépendamment de perspectives d’application.
Il y a ensuite la recherche appliquée qui est pratiquée par certaines universités. Cette
recherche est dirigée vers un but ou un objectif pratique. On peut citer en l’espèce l’exemple
de l’université de Rouen qui fait de la recherche pour le compte de l’entreprise Peugeot ou
encore l’université de Nancy qui effectue des recherches dans le domaine des radars pour le
compte de la chambre du commerce.
S’agissant de ces deux cas, la responsabilité professionnelle pourrait se concevoir par exemple
par une perte de documents. Il ne s’agit donc pas d’une responsabilité très importante.
Cependant, les universités pratiquent également des prestations de service. On peut dès lors
supposer que c’est dans cette hypothèse que la responsabilité de l’université est la plus
importante. Par exemple, c’est le cas de l’université de Bordeaux II qui pratique l’analyse
sanguine au même titre que pourrait le faire un laboratoire privé. Un arrêt de la 1ère chambre
civile du 4 janvier 1974 précise que pour les actes médicaux courants, tel que les analyses de
laboratoire, « il n’existe pas d’aléa qui puisse induire une obligation de moyens. » Cette
solution peut être transposable au cas des universités qui ont donc à leur charge une obligation
de résultat, source de responsabilité importante dans la mesure où aucune faute n’a à être
prouvée.
La tendance actuelle est au développement de ces activités professionnelles. Elles se sont tout
d’abord développées à travers les services des activités industrielles et commerciales (SAIC).
La création de ces SAIC résulte de la loi Allègre sur l’innovation et la recherche du 12 juillet
1999.(43) Le SAIC a « pour missions de négocier, préparer et assurer l’exécution des
conventions et contrats, de valoriser et exploiter les droits de propriété intellectuelle, de
mettre à la disposition des créateurs d’entreprise des locaux, matériels et moyens, etc. » A
côté des SAIC, il existe les services de valorisation ou encore les Pôles de Recherche et
d’Enseignement Supérieur (PRES). Le service de valorisation a pour objet une valorisation
du potentiel de recherche ainsi que de servir d’appui à des projets de création d’entreprise etc.
S’agissant des PRES, ils permettent aux universités d’échanger sur leurs savoirs, leurs
activités et de mettre en commun des ambitions communes ce qui accélère le développement
de ces activités professionnelles.
Le second facteur qui entraine un développement des activités professionnelles est la loi LRU.
Les universités autonomes doivent, pour pouvoir faire face à la concurrence et continuer
d’exister, redoubler d’efforts pour trouver des fonds. L’un des moyens est donc de développer
les activités professionnelles. Le partenariat public-privé apparaît alors comme une source de
financement d’autant plus que le développement de la recherche ne s’est pas accompagné au
même rythme d’une augmentation des crédits de recherche alloués par l’Etat comme le
précise le rapport de la Cour des Comptes de 2005(44). Pour reprendre l’exemple de l’université
de Lyon 1, cette faculté a eu une contribution importante de Microsoft pour sa fondation.(45)
3. Une autonomie les contraignant à protéger leur
responsabilité
Comme on l’a vu précédemment, l’objectif de la loi LRU est de rendre les universités
autonomes. La contrepartie de cette autonomie est de responsabiliser les universités.
S’agissant de la situation antérieure à la loi LRU ou pour les universités n’ayant pas encore
acquis l’autonomie, il n’y a pas, juridiquement d’obligation de s’assurer. Sans autonomie,
c’est l’Etat, qui doit répondre des conséquences de la responsabilité de ses agents et donc
indemniser. Or, comme on l’a vu précédemment l’Etat étant son propre assureur, il ne souscrit
pas d’assurances. En réalité, les assurances sont directement souscrites par les universités.
Bien souvent les universités préfèrent souscrire des contrats d’assurance leur permettant de
pouvoir faire face aux réclamations. La difficulté du schéma précédent est que les universités
sont toujours dans l’incertitude d’une intervention financière de l’Etat même si,
juridiquement, cette intervention lui incombe.
Avec la loi LRU, cette question devient pertinente dans la mesure où juridiquement, il
devient très difficile pour les universités de demander un support financier à l’Etat. Les
universités deviennent autonomes et doivent donc s’assumer seules. Elles vont devoir faire
face seules aux risques de responsabilité et surtout aux conséquences pécuniaires de cette
responsabilité. Comme le précise la CPU dans un article, ce n’est pas tellement le champ de la
responsabilité des universités que la loi LRU vient modifier mais plutôt les conséquences de
cette responsabilité et notamment la disparition d’un possible recours envers l’Etat en tant que
réassureur.(46)
B. Assurance dans le cadre de la dévolution du patrimoine
La loi LRU prévoit la possibilité pour les universités de se voir transférer la propriété de leur
patrimoine à titre gratuit (1) ce qui a pour conséquence un renforcement du besoin
d’assurance (2).
1. Une autonomie s’accompagnant de la possibilité pour les
universités de se voir transférer la propriété de leur patrimoine à
titre gratuit
L’article L 719-14 du code de l’éducation dispose que : « L’Etat peut transférer aux
établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel qui en font la
demande la pleine propriété des biens mobiliers et immobiliers appartenant à l’Etat qui leur
sont affectés ou sont mis à leurs disposition. Ce transfert s’effectue à titre gratuit.»
La dévolution du patrimoine universitaire instaurée par la loi LRU est une étape importante de
la longue évolution en matière de gestion patrimoniale. Ces changements ont été effectués en
différentes phases.
Tout d’abord, une loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation qui, comme on l’a vu,
dispose que les établissements d’enseignement supérieur exercent les mêmes droits et
obligations qu’un propriétaire à l’exception du droit d’affectation et du droit de disposition.
Le principal apport de cette loi est donc de mettre à la charge des universités l’entretien des
bâtiments. Les universités agissent donc comme un propriétaire, qui en réalité est l’Etat, mais
ne disposent pas de droits réels sur ces bâtiments.
L’étape suivante est la loi LRU du 10 aout 2007 qui permet la dévolution du patrimoine sous
réserve du respect de plusieurs conditions. C’est cette étape qui nous intéresse
particulièrement en l’espèce. Avec cette seconde étape, les universités n’agissent plus comme
des propriétaires mais deviennent les véritables propriétaires des bâtiments.
Cette dévolution ne peut être effectuée qu’à l’égard des universités ayant fait le choix d’opter
pour une gestion autonome en matière budgétaire et des ressources humaines (tel que c’est
prévu par l’article 18 de la loi LRU). Il ne s’agit bien que d’une option car contrairement aux
autres dispositions de la loi LRU conférant l’autonomie aux universités, ces dernières peuvent
(et non doivent) demander la dévolution de ce patrimoine. Cette dévolution ne peut être
effective qu’après expertise contradictoire et mise aux normes de sécurité des bâtiments.
a) Quelles nouvelles libertés et obligations cela entraîne pour les
universités ?
La propriété de leurs murs donne aux universités de nouvelles libertés : elles vont pouvoir
gérer, vendre, acheter ou encore construire comme bon leur semble. Les objectifs des
universités ayant fait le choix de ce transfert sont divers. Par exemple, s’agissant de
l’université de Poitiers, elle souhaite vendre des bâtiments car elle dispose de trop de
surfaces(47).
A côté des nouvelles libertés, il y a également de « nouvelles » obligations.
Avant la loi LRU, le régime applicable est celui de la loi du 10 juillet 1989 : les universités
doivent gérer leur patrimoine comme des propriétaires. Par conséquent, sans pour autant en
avoir l’obligation, les universités avaient déjà tout intérêt à souscrire des contrats d’assurance
pour protéger ce patrimoine immobilier. L’intervention financière de l’Etat en cas de sinistre
est toujours incertaine et surtout très longue. La fréquence de souscription de contrats
d’assurance s’est faite par étape. Vers les années 1995, des assurances étaient déjà souscrites
mais en faible nombre puisque la logique des universités était de se dire qu’en tant
qu’établissement public, l’Etat financerait leur indemnisation en cas de sinistres. Puis dans les
années 2000, un facteur a conduit à l’augmentation de la souscription de contrats
d’assurance : la diminution des subventions de l’Etat. Prenons l’exemple de l’université de
Bordeaux qui avait décidé de souscrire un contrat d’assurance deux mois avant une
inondation, provoquée par un refoulement de collecteur et qui avait dévasté l’ensemble de ses
sous-sols. L’existence d’une assurance a permis à cette université une indemnisation lui
donnant la possibilité d’entreprendre des travaux rapidement et ainsi d’être rénovée dans un
délai de 3 mois à compter du sinistre. Cette université a pu être ré ouverte, grâce à cette
indemnisation rapide, pour la rentrée universitaire.
Avec la dévolution du patrimoine, l’assurance devient un impératif dans la mesure où les
universités ont à leur charge un service public dont elles doivent assurer la continuité. Même
sans opter pour cette dévolution, rien que l’autonomie prévue par la loi LRU conduit les
universités à s’interroger sur leur situation assurantielle qui apparait comme primordiale pour
pouvoir gérer leur mission de service public .Ce qui change en assurance n’est donc pas
tellement la fréquence de souscription mais plutôt l’impératif de souscrire des contrats
d’assurance dans la mesure où l’absence de recours envers l’Etat laisse la responsabilité
entière aux présidents d’université.
b) Un faible nombre d’universités ayant fait la demande de se voir
transférer leur patrimoine immobilier
Durant un délai de 5 ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi LRU, les dispositions ne
sont que des options. Cela signifie qu’on laisse un délai de transition de cinq ans aux
universités pour qu’elles puissent accéder à l’autonomie. Soit les universités font la demande
de cette autonomie durant ce délai de 5 ans, soit à l’issue de ce délai leur autonomie sera
automatique.
Cependant, s’agissant des dispositions relatives à la dévolution du patrimoine, elles sont
supplétives. En aucun cas, les universités n’ont l’obligation d’opter pour ce transfert de
propriété. On peut s’interroger sur la pertinence de ce choix laissé aux universités de se voir
transférer ou non leur patrimoine tandis que le reste des dispositions de la loi LRU leur est
imposé. La dévolution du patrimoine s’inscrit dans la continuité de l’autonomie. Selon un
rapport sur le bilan de l’autonomie des universités : « la dévolution du patrimoine immobilier
représente l’étape ultime de cette logique consistant à approfondir un projet d’établissement
au bénéfice des usagers du service public. »(48) N’aurait-il donc pas été envisageable de
donner cette même portée obligatoire à la dévolution du patrimoine ?
Le caractère supplétif de cette disposition peut cependant se comprendre lorsque l’on regarde
en pratique le nombre d’universités ayant fait le choix d’opter pour la dévolution de leur
patrimoine. En effet, selon un rapport du sénat sur « l’autonomie des universités »(49), seules 9
universités sur 83 ont fait la demande de cette dévolution. L’Etat reste propriétaire de plus de
80% de ce patrimoine. Ce rapport explique que dû à la complexité et à la longueur de ce
transfert, en réalité seules cinq d’entre elles pourraient accéder à la pleine propriété en 2011.(50)
Actuellement, seulement trois universités sont propriétaires de leurs murs : Toulouse I,
Clermont I et l’université qui est la dernière en date à avoir acquis la propriété de son
patrimoine, Poitiers. Cette université, qui était passée aux responsabilités et compétences
élargies le 1er janvier 2010, a signé la convention de dévolution le vendredi 2 septembre
2011(51).
Il convient donc de s’interroger sur la réticence des universités à se voir transférer cette
propriété qui se fait pourtant à titre gratuit.
Les raisons se comprennent aisément lorsque l’on regarde l’état du patrimoine immobilier. Le
rapport du Sénat indique que 35% du patrimoine immobilier universitaire français sont
considérés comme étant très dégradés, 31 % devraient subir des interventions lourdes sur des
bâtiments ayant entre 10 et 20 ans d’existence, 22% sont des bâtiments dégradés ayant plus de
20 ans, 4 % devraient être détruits52 et 18,9% ne respectent pas les normes de sécurité
incendie.(53)
Selon Marc Pena Président de l’université d’Aix-Marseille : « La remise à niveau des
bâtiments, la maintenance avec la mise aux normes de la sécurité constituent un gros
problème. La France a pris beaucoup de retard dans ce domaine et ce pendant des années.
Quand nous aurons commencé à appliquer Campus, apporté la preuve que nous sommes
capables de maintenir ce patrimoine et peut être également rationnalisé les choses, alors, on
pourra peut-être parler de dévolution de patrimoine. Autant je suis audacieux sur les autres
domaines de l’autonomie, autant je suis très prudent sur l’aspect qu’évoque le rapport
sénatorial. »(54)L’université d’Aix-Marseille nécessiterait une rénovation importante.
Toutefois, cette université comporte des bâtiments qui sont classés. Le réaménagement de tels
bâtiments serait donc contraignant et surtout coûteux.
De plus, la dévolution du patrimoine s’accompagne d’une disparition des dotations de l’Etat.
Un tel changement peut donc freiner les universités dans le cheminement de leur autonomie.
Le législateur a donc mis en place un compromis pour les universités qui décident de ne pas
opter pour la dévolution de leur patrimoine avec une loi du 13 décembre 2010. Cette loi est à
mi-chemin entre la situation antérieure à la loi LRU sous le régime instauré par la loi du 10
juillet 1989 et la dévolution du patrimoine, option offerte par la loi LRU.
La loi du 13 décembre 2010 permet aux universités qui n’optent pas pour la dévolution de
leur patrimoine de pouvoir consentir des droits réels sur leur patrimoine immobilier à leurs
cocontractants, ce qui n’était pas le cas avec la loi du 10 juillet 1989. Cette possibilité est
accordée « sous réserve de l’accord préalable de l’autorité administrative compétente et de
clauses permettant la continuité du service public lorsque les biens concernés sont
nécessaires à l’accomplissement de ce service »(55). Il s’agit donc de la continuité de la loi du
10 juillet 1989, les universités agissent comme des propriétaires avec les droits réels qui y
sont attachés(56).
2. Les contrats d’assurance couvrant le patrimoine immobilier
A l’issue de l’ensemble de ces constats, l’assurance des biens immobiliers apparaît comme
indispensable.
Il convient en plus de préciser que les universités sont classées ERP. Cette notion est définie à
l’article R123-2 du code de la construction et de l’habitation comme : « tous bâtiments,
locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant
une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions
ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non »(57).
Cette qualification a des conséquences importantes en matière de normes de sécurité. Les
établissements doivent mettre en oeuvre des systèmes permettant l’alerte des occupants de la
survenance d’un sinistre, ils doivent également mettre en place des systèmes de prévention
des risques incendie ou encore une organisation permettant d’éviter la panique. L’application
de ces différentes normes dépend notamment de la capacité d’accueil de l’établissement. Or
dans la mesure où l’objectif est à l’agrandissement des universités avec des capacités
d’accueils importantes, les universités vont être soumises à des normes de sécurité
particulièrement strictes ce qui peut engendrer des coûts importants.
C’est dans cette optique que le gouvernement impose une mise en sécurité du patrimoine
immobilier dans le cadre de l’opération campus annoncée en 2007. La dévolution du
patrimoine est soumise à la condition qu’une expertise contradictoire soit pratiquée
préalablement au transfert pour pouvoir effectuer les remises aux normes nécessaires à
effectuer. Il est également prévu une dotation annuelle récurrente calculée sur l’activité et non
la surface pour soutenir financièrement les universités dans leur démarche.
C. Une autonomie dans la gestion de la masse salariale ayant des
conséquences importantes en matière d’assurances
La loi LRU rend les universités autonomes dans la gestion de leur masse salariale (1) créant
ainsi un nouveau besoin d’assurance en risques statutaires (2).
1. L’un des objectifs de la loi LRU : conférer l’autonomie aux
universités dans la gestion de leur masse salariale
L’article 50 portant sur les responsabilités et compétences élargies (RCE) de la loi LRU
prévoit que les universités acquièrent l’autonomie dans les domaines budgétaires ainsi que
dans la gestion de la masse salariale. Cette autonomie renforce les compétences et
responsabilités des présidents d’universités puisqu’il est « responsable de l’attribution des
primes aux personnels » et peut « recruter des contractuels à durée déterminée ou
indéterminée pour occuper des fonctions techniques ou administratives correspondant à des
emplois de catégorie A ou pour assurer des fonctions d’enseignement, de recherche ou
d’enseignement et de recherche»(58).
L’autonomie financière avait plus ou moins déjà été instaurée avec les lois précédemment
adoptée, la loi Faure de 1968 ainsi que la loi LOLF, mais ça ne concernait que 25% du
budget. Avec la loi LRU les universités vont pouvoir gérer 100% de leur budget. La loi LRU
se situe donc dans le prolongement des lois précédemment adoptées.
Le budget accordé à chaque université se négocie.
Avant la loi LRU, les universités disposaient de trois sortes de ressources : la dotation globale
de financement, les contrats quadriennaux et les ressources propres (issues des frais
d’inscription, taxe professionnelle ainsi que les ressources issues des activités
professionnelles).
Désormais, le financement des universités ne passe plus par les contrats quadriennaux mais
par des contrats pluriannuels. Cette dotation comprend :
– -la masse salariale
– -les autres crédits de fonctionnement
– -les crédits d’investissement
Les universités se voient déléguer les crédits relatifs à cette masse. Toujours dans une logique
de performance de la gestion budgétaire, la loi LRU instaure la certification des comptes par
un commissaire aux comptes.
Il convient de préciser que la dépense de personnel payée par l’Etat pour le programme
« formation supérieure et recherche universitaire » en loi de finances initiale pour 2008 est de
8 424 589 285 euros et cette somme considérable va être désormais à la charge des
universités. L’autonomie en gestion des ressources humaines a pour contrepartie une
responsabilité accrue dans deux domaines : l’encadrement des emplois et un plafonnement de
la masse salariale. Or ce plafond conduit à ce que ce soit seule l’université qui ait à sa charge
la dépense du personnel sur ses ressources propres
2. Les conséquences de cette autonomie s’agissant de
l’assurance des accidents de travails / maladies professionnelles (AT / MP)
Les risques statutaires varient en fonction du statut du personnel des universités (a) ce qui
entraine des besoins divers en matière d’assurance (b).
a) Des conséquences directement ou indirectement liées à la loi
LRU en fonction du statut du personnel
Les conséquences de cette autonomie varient en fonction du statut du personnel des
universités. Comme on l’a vu précédemment, on distingue principalement les fonctionnaires
(qui sont des agents titulaires) et les contractuels (agents non titulaires).
La qualification du personnel engendre une différence au niveau du régime auxquels ces
différents statuts se rattachent.
S’agissant des fonctionnaires, la conséquence en matière d’assurance est directement liée à la
loi LRU. En effet, comme on l’a vu, l’un des objectifs principaux de la loi LRU est
l’autonomie en matière de gestion de la masse salariale. Ainsi, les universités au-delà du
plafond de la masse salariale vont devoir prendre en charge les risques inhérents aux
fonctionnaires. Comme on l’a vu, les fonctionnaires sont rattachés à un régime spécial et
l’évolution jurisprudentielle dans ce domaine implique un risque accrue de responsabilité du
service public.
En ce qui concerne les contractuels non titulaires, la conséquence est indirectement liée à la
loi LRU. Ils relèvent du régime général. Cela signifie que c’est la sécurité sociale qui prend en
charge les frais médicaux de cette catégorie de personnes. Le régime applicable à cette
catégorie de personnel est régi par un décret du 17 janvier 1986. Cependant un décret du 12
mars 2007 a effectué des modifications importantes dans ce régime. Il précise que pour les
établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) d’un effectif
supérieur à 1000, les prestations dues au titre des accidents de travail et maladies
professionnelles » sont dues par l’administration employeur pour les agents non titulaires de
droit public ayant un contrat à durée indéterminée à temps complet ou à durée déterminée
supérieure à un an. En l’espèce, il s’agit de l’université autonome qui est l’employeur de ces
contractuels. Il appartient donc aux universités de verser les prestations dues au titre des
accidents de travail et maladies professionnelles pour cette catégorie de personnels.
Pour le reste des prestations versées pour cette catégorie de personnels et pour les agents non
titulaires de droit public ayant un contrat à durée déterminée inférieur à un an ou recrutés à
temps incomplet, c’est toujours la sécurité sociale qui prend en charge ces indemnités.
Il convient cependant de se demander si le transfert de charge des risques AT de la sécurité
sociale vers l’administration employeur a aussi pour conséquence de modifier le régime
applicable à cette catégorie de personnel : est-ce toujours le régime général ou désormais le
régime spécial ?
L’article 14 du décret du 17 janvier 1986 modifié par décret du 12 mars 2007 précise que
pour cette catégorie « les prestations dues au titre des accidents de travail et maladies
professionnelles » sont dues par l’administration employeur. Le terme d’ « accident de
travail » est propre au régime général puisque pour le régime spécial on parle d’ « accident de
service ». Par conséquent, le régime applicable continue à être le régime général alors que les
charges pour les risques AT ne sont plus dues par la sécurité sociale.
On peut s’interroger sur la cohérence de continuer de soumettre les contractuels, qui en
pratique exercent les mêmes activités que les fonctionnaires et donc encourent les mêmes
risques, à un régime général qui comme son nom l’indique n’est pas spécifique à une situation
donnée. Ne serait-ce pas préférable de s’attacher non pas à cette différence de statut mais à
l’exercice des fonctions qui sont similaires, et donc instaurer une uniformisation d’un régime
applicable à l’ensemble du personnel des universités ?
b) Une nécessité pour les universités de couvrir ces risques par le
biais des assurances
Il convient là encore de distinguer selon le statut du personnel.
S’agissant des fonctionnaires, avec l’autonomie il appartient juridiquement aux universités de
souscrire des assurances pour le compte de cette catégorie de personnels. Cependant, suite à
un entretien avec la Directrice des ressources humaines (DRH) d’une université de Rhône-
Alpes, on constate que les universités sont encore très attachées à leur valeur et que
l’autonomie n’est pas encore totalement acquise dans les esprits. Cette directrice ne souhaite
pas pour l’instant entreprendre de souscription de contrats d’assurance pour les
fonctionnaires, estimant qu’il appartient encore à l’Etat de prendre en charge l’indemnisation
de cette catégorie de personnel. Ce risque statutaire lié aux fonctionnaires lui apparait comme
plus stable, les statistiques sont plus faibles et ce risque entre dans leur dotation théorique de
financement.
Cependant, s’agissant des contractuels, le raisonnement est totalement différent. Les
universités sont conscientes de devoir souscrire des contrats d’assurance pour le compte de ce
personnel. Les DRH de chaque université vont devoir s’interroger sur les risques statutaires
de leur personnel et plus particulièrement sur la part de contractuels à durée indéterminée à
temps complet ou à durée déterminée supérieure à un an que l’université comporte. C’est le
cas par exemple avec la DRH d’une université de Rhône-Alpes qui souhaite couvrir cette
catégorie de personnel pour les frais médicaux, les indemnités journalières ainsi que le décès,
ce qui est une demande innovatrice.
La souscription d’une telle assurance doit s’analyser comme un lissage de trésorerie.
L’inquiétude pour les universités est de ne pas être en mesure de pouvoir financer les charges
découlant des AT /MP de ces agents.
De plus, les dispositions relatives aux RCE de la loi LRU sont favorables au recrutement des
agents contractuels puisque comme on l’a vu précédemment la loi prévoit expressément la
possibilité pour le président d’université de recruter cette catégorie de personnels pour
différents postes. On constate déjà que cette faculté est largement utilisée par les universités
qui favorisent donc le recrutement de contractuels plutôt que des fonctionnaires. Par
conséquent, la part d’AT à la charge des universités augmente.
Un autre élément est à prendre en considération : l’augmentation du nombre de maladies
professionnelles qui est de plus de 25% par an depuis dix ans selon la Caisse Nationale
d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS), notamment celles
psychologiques : le « mal être » prend une place de plus en plus importante. S’agissant des
fonctionnaires, un rapport de la Cour des comptes sur les AT/MP des fonctionnaires chiffre
plus de 4,6 millions d’AT pour 3,6 millions de fonctionnaires.
Suite à ces modifications en matière de masse salariale, un nouveau marché d’assurance est en
train de naître : celui des risques statutaires des universités.
La difficulté intrinsèque à tout nouveau marché d’assurance est l’absence de statistiques dans
ce domaine. Il y a donc un risque de primes élevées dans un premier temps.
55 Source : http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000023229524&categorieLien=id
56 Source : http://www.village-notaires.com/Pour-une-meilleure-valorisation-du
57 Source : http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074096&idArticle=LEGIART
I000006896089&dateTexte=20091013
58 Source : http://www.nouvelleuniversite.gouv.fr/ce-qu-apporte-la-reforme-aux-presidents-d-universite.html
