Le tiers en général est défini comme toute personne qui, bien qu’étrangère au contrat,
peut en revendiquer le bénéfice(43). Mais, cette notion est un peu spécifique à l’assurance
automobile française car l’assureur, dans la majorité des cas, ne peut pas opposer les
exceptions au bénéficiaire comme il faisait en droit commun des assurances. Alors, la question
qui se pose de savoir qui est le tiers victime (§I). En droit français, la victime est catégorisée, ce
qui est absent en droit cambodgien (§II).
§I : Qualité de tiers victime : conception plus large en droit français
La victime en assurance automobile est un tiers créancier dont le droit est né de la loi.
Autrement dit, elle est bénéficiaire à titre dérivé(44) qui a vocation à percevoir l’indemnité
d’assurance en cas d’accident. En droit cambodgien, l’article 31 du sous décret d’application du
22 octobre 2001 sur les assurances dispose que « le but principal de l’assurance de
responsabilité du fait de véhicule terrestre à moteur est d’indemniser toute personne qui
souffre d’accidents de la circulation et subit une blessure physique, le handicap, la mort ou les
dommages matériels causés par tous les types de véhicules terrestres à moteur ». Ici, le
législateur semble viser toutes personnes qui sont accidentées par les véhicules assurés sur le
territoire cambodgien. Mais ce n’est pas vraiment le cas car l’article 33 du même sous décret
rajoute que l’assurance de responsabilité du fait de véhicule ne prend pas en charge les
dommages subis par le propriétaire du véhicule, le conducteur, le gardien de véhicule et les
personnes vivant habituellement avec le propriétaire du véhicule. L’exclusion de ces dernières
peut être justifiée par le fait qu’elles ne sont pas considérées de fait comme tiers au
propriétaire responsable.
De plus, les personnes transportées ne sont pas non plus considérées comme tiers car
elles sont liées par un lien contractuel avec le responsable. C’est la raison pour laquelle la
compagnie de transport de passager doit acheter une assurance spécifique.
En résumé, toutes personnes peuvent être considérées comme tiers sauf le
responsable, les membres de la famille et ceux qui sont liés avec le responsable par un contrat.
Ce qui est de même en droit français avant la loi du 7 janvier 1981. L’article L.211-1 al4
avant la reforme disposait que le conjoint, les ascendants et les descendants de l’assuré
responsable ou du conducteur responsable étaient exclus de la garantie lorsqu’ils étaient
transportés dans le véhicule. C’était une disposition choquante car le conjoint qui est lié avec le
responsable par le lien de droit était mal traité que le concubin(e) de ce dernier. De plus, suite à
l’affaire Charoy(45), cet article était modifié. Jusqu’à maintenant, toutes personnes peuvent avoir
la qualité de victime, y compris les personnes transportées sauf le conducteur responsable.
Faudrait-il que le droit cambodgien supprimer cette exclusion ? La réponse serait
positive car, s’agissant de l’assurance automobile obligatoire, le but de protéger la victime
prime sur tous. Donc, pour renforcer cet objectif, la qualité de tiers victime devrait être
étendue à toutes personnes, y compris les membres de la famille et les passagers, à l’exception
de responsable.
§II. Distinction de tiers-victime : notion absente en droit cambodgien
En droit français, le tiers victime se distingue entre la victime protégée et super
protégée. Cette dernière se réserve à la personne qui est de moins de 16 ans ou de plus de 70
ans ou lorsqu’elle est munie d’une carte d’invalidité permanente au moins égale à 80%(46). Cette
catégorie de victime est mieux protégée que celle des autres. Mais, cette distinction semble
excessive car toutes personnes subissent le même dommage dans son corps. De plus, compte
tenu de la notion objective de la faute en droit français posée par la jurisprudence(47), les
victimes devront donc bénéficier de la même garantie. La protection plus forte entraîne le
déséquilibre inattendu pour le responsable et surtout pour les assureurs qui sont les
responsables finaux. D’ailleurs, les assureurs sont toujours prêts à indemniser ce genre de
victime même si l’accident a eu lieu par sa faute même exclusive car seule la volonté de se
suicider peut lui opposer.
En droit cambodgien, cette distinction n’existe pas. Toutes victimes sont traitées de
manière égale. Ce qui est une bonne disposition qui doit continuer à s’appliquer.
43 James Landel, lexique des termes d’assurance, 5eme édition, l’Argus de l’assurance, p491.
44 Terme employé par Mme Axelle ASTEGIANO-LA RIZZA dans son ouvrage « L’assurance et les tiers », p39.
45 Cass. Civ 2ème, 17 novembre 1976, JCP., 1977. II. 18550. Concl. Baudoin, Gaz. Pal., 26 juin 1977, note A.
Plancqueel, Argus, 1977. 1337, obs. G. Courtieu, RGAT., 1977. 50, obs. J.B.
46 Article 3 de la loi Badinter du 05 juillet 1985
47 Cass. ass. plén., 9 mai 1984, n°80-93031, Lemaire ; Bull. ass. plén. n°2
