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9.3. Doe

Non classé

Doe, dès le départ, mesure ses paroles. Les phénomènes ne sont pas clairement énoncés par lui.

Souvent Doe semble avoir eu besoin de moments de calme, peut-être qu’il cherchait des moments de solitude comme par exemple lors des repas, en effet, il a fait le choix de manger dans la cellule. Il raconte : « (…) sinon, pour les repas dans le couloir, disons que moi, j’m’en foutais complètement d’avoir les repas dans le couloir. Moi, j’voulais manger au calme et les couloirs, c’est pas calme. On est une centaine à gueuler comme des gorets,…Pfff, non, moi, j’veux manger au tranquille au calme, la télé et basta. ».

Il semble aussi que Doe a vécu une certaine solitude car il fait confiance qu’à lui-même. Il dit : « (…) La seule personne en qui on a confiance, c’est moi-même. En tout cas, moi, j’ai confiance qu’en moi. Donc, jamais j’aurais fait cent pour cent confiance à qui que ce soit d’autre. Mais y’a une sorte, entre guillemets de confiance, sûrement. On sait qu’on peut compter dessus, on va dire, plutôt. ». Plus loin, il nomme cela une « protection ».

Il parle également des relations de violence entre « mecs », mais que lui n’a pas souhaité entrer dans ce schéma car cela lui semblait des « broutilles ». Par son récit, nous pouvons supposer que cette violence a été vécue régulièrement par Doe.

Doe pense qu’il y a une certaine solidarité, par exemple quand un nouveau arrive à l’atelier, ils lui donnent des conseils et répondent à ses questions. Il dit « (…) On est dans le même navire, si on veut, donc, ouais, y’a une sorte de solidarité entre certains.».

Doe pour parler de sa colère emploie plutôt le terme de « rage », mot qui est encore plus fort que colère.

Ainsi, il a de la rage contre l’administration pénitentiaire. En décrivant les conditions de détention nous pouvons sentir de la colère quand il dit : « J’veux dire, on est quand même des êtres humains, on est à trois dans 12 m2 à trois. Trois hommes dans 12 m2. C’est…, je sais pas…, à la longue, c’est… ».
Il raconte son impatience de sortir, il compte les jours puis les années. Il ajoute que les visites de sa famille lui permettent d’être plus calme après.
Il parle beaucoup de son besoin de calme, de son besoin de s’isoler. Il dit qu’il a construit une bulle dans sa tête et raconte : «Faut savoir s’isoler, se mettre au calme tout seul (…). C’est ce que je faisais, moi, d’ailleurs. J’me couchais en dernier comme ça j’avais le calme le soir (…) ».

Quand Doe parle de solitude, il fait référence à sa vie, à sa famille et à l’extérieur. Il raconte : « On est toujours un peu seul parce qu’on vit loin, on est loin de sa vie, si on veut. De sa vie d’avant, ben on est loin, ouais. D’un côté, on est toujours un peu seul parce que c’est les siens et encore même pas tous les siens parce qu’on les voit une fois de temps en temps. C’est une fois par semaine, grand max. (…) Parce qu’on est complètement à…, pas à l’opposé, disons qu’c’est pas notre vie, c’est un passage de notre vie mais pas notre vie. ».

Ce sentiment de solitude l’amène à ne plus vouloir penser à l’extérieur peut-être pouvons-nous penser qu’à ce moment il Est mais il n’Existe pas. D’ailleurs, il dit : « (…) A un moment donné, faut savoir couper et se dire, ben, je suis là, je reste ici, l’extérieur, je l’oublie un peu. Si on pense trop, moi, si je pensais trop à l’extérieur, j’devenais dingue à un moment. ». Il explique également que s’il pensait trop, cela lui faisait « péter les plombs ».

Le fait de ne plus penser à sa vie en dehors de la prison, lui permet peut-être de vivre cette détention au mieux de son sensible et de ne pas se laisser aller.
Tout au long de la ren
contre, Doe dit toujours qu’il ne souhaitait pas y penser, qu’il n’y pensait pas.

Lorsque nous abordons le thème de la masturbation Doe se dévoile un petit peu en disant que c’était la seule chose qu’il avait à disposition : « (…) ça allait pour le moment que j’étais dedans. ».

Si nous avons abordé ce sujet, c’est parce que lors du repas passé avec ces quatre personnes, le sujet de la masturbation a été amené par l’une d’entre elle.
Ce qui est intéressant à retenir pour nous ce n’est pas l’acte en lui-même, mais l’effet d’apaisement pour les uns, de calme pour les autres.

Cependant pour Doe, c’est le besoin de faire du sport qui ressort et qui lui permet de se libérer des tensions et de calmer ses nerfs. Ceci est peut-être un moyen de calmer ses frustrations ainsi que la colère et la violence qu’il vit quotidiennement mais qu’il exprime très peu.

Nous rejoignons également peut-être Vannotti et Gennart (chapitre 4.7, page 39) quand Doe dit qu’il trouvait tous les moyens pour faire du sport en cellule. Le sport était peut-être une manière de ne pas trop penser à cette partie du corps qui fait souffrir.

Comme nous l’avons évoqué à de nombreuses reprises Doe fait tout pour être au calme, pour ne pas s’impliquer dans des relations conflictuelles. Car il dit : « (…) Quand on me prend trop, quand on me cherche trop, ah ouais, j’rentre dans le tas. Mais là, c’était pour des broutilles et je me suis dit ça sert à rien que je finisse au cachot pour des connards pareils. Après, c’est casses-toi de là et puis, fous-moi la paix. J’avais pas envie d’aller au cachot pour des imbéciles pareils, ça en valait vraiment pas la peine, quoi. Donc, bah, j’ai calmé le jeu, je l’ai laissé s’enflammer de son côté et moi, je suis resté calme ».

Peut-être que Doe tout de même n’avait pas envie d’être isolé.

En général, malgré qu’il nous ait transmis des événements essentiels, nous pouvons constater que Doe reste discret sur ses expériences sensibles. Est-ce de la pudeur ? Nous a-t-il dévoilé ses moments de vie en prison, comme il a vécu en prison ? En restant sur « ses gardes » !

Ou est-ce que nous avons trop appuyé sur les aspects intimes de sa vie en prison ? Est-ce notre manière de l’accueillir qui ne lui a pas permis de se découvrir ? En effet, il nous a été facile d’être dans l’empathie pourtant les questions de relance n’ont pas été aisées à formuler.

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