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5.4.5 Le parti au pouvoir : une véritable cour royale

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A la tête du parti dominant qu‘il a fondé, qu‘il dirige et qui domine la vie politique du pays, le Président remporte systématiquement l‘élection présidentielle, rarement avec moins de 75% des suffrages, et dispose en moyenne des deux-tiers des sièges à l‘Assemblée Nationale. A l‘avènement du multipartisme, le parti du Président a hérité des moyens de l‘ancien parti unique c‘est-à-dire des moyens de l‘Etat, sans égard pour les partis d‘opposition, aussi nombreux que divisés.

Le parti au pouvoir, véritable Etat dans l‘Etat, dispose : i) d‘une organisation impressionnante dévouée au Président, avec des filiales et ramifications pour jeunes et pour femmes dans le moindre recoin du pays ii) d‘un état-major constitué de notables politiques et économiques dépourvus de parole propre et qui forment le bureau politique et le comité central, où se jouent des intrigues dignes d‘une cour royale iii) de groupuscules satellites de natures politiques, associatives et culturelles de soutien qui rivalisent de dénominations pour attirer les bienveillantes attentions du Président et de la Première Dame, et légitimer leurs propres systèmes de prévarication et de clientélisme. En jouant les griots à chaque sortie du couple présidentiel, ils se doivent de lui donner constamment l‘impression d‘une indéfectible ferveur populaire.

Le parti-Etat domine l‘ensemble des corps constitués et toute l‘administration publique. Les hauts fonctionnaires passent en quelque sorte un examen d‘allégeance au parti et à son fondateur avant leur nomination, la plupart étant d‘ailleurs maires ou responsables au sein du parti dans leurs localités d‘origine. Ils animent des meetings dans leurs villages et rédigent régulièrement au nom de tous les villageois les fameuses Motions de soutien que les médias d‘Etat, respectueux des bons usages, publient bruyamment et sans le moindre scrupule.

Le parti-Etat recrute également dans la quasi-totalité de la classe d‘affaires du pays. Ces hauts dignitaires économiques, élites respectées et craintes dans leurs villages, assurent leur propre survie économique par de généreux dons de toute nature au parti-Etat ainsi qu‘aux pontes du régime. A défaut de quoi, des contrôles fiscaux, en temps normal sobres et routiniers, pourraient spontanément devenir professionnels ; des réglementations et des procédures de dédouanement de marchandises pourraient devenir anormalement complexes, car dans un tel environnement ce n‘est pas bien difficile de trouver la petite bête. Une telle fidélité est de temps en temps récompensée par des sièges municipaux, législatifs ou ministériels pour eux-mêmes ou leurs parentés.

Le parti recrute également parmi les universitaires de renom. Souvent ouvertement soucieux de mettre leurs matières grises à contribution, ils se retrouvent tôt ou tard sans intégrité et sans consistance scientifique, englués dans des intrigues politiciennes, en particulier lorsqu‘il faut inventer des astuces juridiques et discursives adéquates pour rassurer, entretenir et perpétuer le régime. Le pouvoir judiciaire lui aussi joue parfaitement le jeu : les magistrats, jaloux de leurs conforts familiaux et sociaux, redoutent les conséquences professionnelles hautement incertaines d‘une pratique judiciaire par trop orthodoxe. Le pouvoir législatif n‘est pas en reste, les députés savent à quel point ils doivent leurs sièges au parti et à son fondateur.

L‘Assemblée Nationale, loin de représenter le peuple, n‘est dès lors qu‘une chambre d‘enregistrement et d‘exécution des voeux du pouvoir exécutif, véritable maître de l‘agenda et du contenu des sessions. Pas surprenant que les lois proviennent systématiquement de l‘exécutif.

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