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5.4 Effets dynamiques de la privatisation sur la productivité des entreprises

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L’estimation du modèle PERFit = αi + β1i Tit + β2iPit + β3iTPit + β4 tailleit+ β5 cycleit +εit donne les résultats exposés au tableau 20 ci-dessous.

Tableau 20 : Analyse de l’effet dynamique de la privatisation sur la productivité commerciale

Analyse de l’effet dynamique de la privatisation sur la productivité commerciale

Source : l’auteur à partir des données de l’ARSEL, la CTR, l’INS et la SNI

Au préalable, il faut mentionner que la variable taille à un effet positif et significatif au seuil de 5% sur la productivité alors que le cycle a un effet positif et significatif sur la productivité. Cet effet positif est conforme aux anticipations habituelles.

L’effet exercé par le temps (T) sur la productivité est positif et significatif pour une (1) seule entreprise (SEPBC) et négatif et significatif pour quatre (4) entreprises (AES-SONEL, CDC, CHOCOCAM et HEVECAM).

L’effet seuil de la privatisation est positif et significatif pour deux (2) entreprises (CAMRAIL et SOCAMAC) sur les huit (8) de l’échantillon. Inversement, il est négatif et significatif pour (3) trois entreprises (AES-SONEL, CDC et HEVECAM).

Toutefois, pour mieux saisir l’effet dynamique de la privatisation sur la productivité, il faut aller au-delà de la variable P et considérer plutôt TP. Les coefficients de cette dernière variable sont positifs et significatifs pour trois (3) entreprises (CAMRAIL, CDC et CHOCOCAM). Inversement, ils sont négatifs et significatifs pour deux (2) entreprises (AES-SONEL et HEVECAM). En somme, environ 37,5% des entreprises de notre échantillon ont subi l’effet positif de la privatisation (effet seuil et effet dynamique). Les tests de l’effet dynamique effectués sur l’autre indicateur (13) montrent plutôt que 6/8 soit 75% des entreprises privatisées de notre échantillon ont améliorés significativement leur bénéfice par employé.

On peut donc conclure qu’en termes d’effets dynamiques sur la productivité, le gain imputé à la privatisation n’est pas confirmé de façon absolue pour les entreprises camerounaises sur l’horizon pris en compte. Cette interprétation est plausible au vu des résultats de Villalonga ([2000], p. 62, tableau 7), selon lesquels l’effet positif ne se manifeste que de façon significative, sept ans après la privatisation tout au moins pour ce qui est des entreprises espagnoles car les grandes entreprises sont des systèmes relativement rigides, à forte inertie ; il faut du temps pour que les nouvelles orientations stratégiques, les modifications de structure ou les aménagements de la structure de gouvernance, qui font suite à une privatisation produisent des effets.

Issaoui Fakhri (2009) confirme que le redressement de la performance dynamique des entreprises en Afrique est loin d’être faisable en trois ans. Autrement dit, l’efficacité des entreprises privatisées ne s’établit pas immédiatement lors de la privatisation mais elle demande du temps pour se concrétiser. A priori autant l’entreprise s’éloigne de la date de privatisation autant sa performance s’améliore. Ceci s’explique par le fait que l’effet des nouvelles stratégies appliquées par les nouveaux managers privés nécessite du temps pour aboutir à leurs objectifs.

En revenant sur le tableau ci-dessus, si l’on considère le cas de certaines entreprises comme l’AES-SONEL, le coefficient de TP est en effet négatif et significatif à un seuil de 5%. Ce résultat traduit une baisse de la productivité de l’entreprise après sa privatisation. En effet, l’entreprise connait une détérioration de ses performances dynamiques durant la période post-privatisation se traduisant par un déficit d’énergie électrique qui a conduit à la pratique des délestages, à une dégradation de la qualité de l’électricité du fait des harmoniques ainsi qu’a des insuffisances tant sur le plan managériale que sur le plan technique.

Sur le plan managérial, il s’agit de l’absence des prévisions et des investissements pour faire face à l’augmentation de la demande d’électricité du fait de la démographie et de la croissance économique (Pineau, 2005).

Sur le plan technique, il est question principalement de la faible production d’électricité par rapport à la puissance installée, des pertes électriques élevées et de la mauvaise qualité de l’électricité du fait de la pollution des réseaux électriques. Les prix de l’électricité ont connu des hausses importantes, ce qui est contraire au principe de réduction des coûts qui est à la base de toute privatisation. Selon le Réseau Associatif des Consommateurs d’Energie (RACE), « seuls 2 Camerounais sur 10 ont accès à une électricité de plus en plus chère, alors que le pays possède le 2ème potentiel hydroélectrique d’Afrique après la R.D-Congo ».

Les besoins en énergies électriques des entreprises industrielles au Cameroun croissent en moyenne de 6% par an depuis 2001 tandis que l’offre d’électricité ne cesse de se dégrader (Schule, 2008). Les dépenses relatives à l’électricité dans entreprises industrielles au Cameroun ont quintuplées du fait des délestages et interruptions involontaires de l’énergie électrique. Les pertes de production ont été estimées à 91,5 millions d’Euros/an dans les entreprises industrielles à cause des difficultés d’approvisionnement en électricité (Tamo et al. 2008). Il est à noter que la production d’électricité était d’origine hydroélectrique en 2004 (Nouwou, 2004).

La puissance électrique installée d’AES-SONEL correspond à une mise à disposition théorique d’électricité de 8000 Wh par an, mais l’énergie réellement émise dans le réseau électrique ne représente qu’a peine 42% du productible. Un déficit de production d’électricité en 2006 de 57% par rapport à la capacité installée est une première indication forte des contre performances d’AES-SONEL.

La Banque Mondiale reconnaît dans un rapport que les performances post-privatisation de la Société Nationale d’électricité (SONEL) ont été médiocres, AES-SONEL n’ayant pas pu délivrer l’énergie électrique en qualité et en quantité suffisante (World Bank, 2004). Ces résultats devraient donc conduire les pouvoirs publics et la société en charge de l’électricité à prendre des décisions visant à l’amélioration des performances du secteur électrique notamment la réduction des pertes et des pollutions dans le réseau électrique.

Les investissements nécessaires pour la réalisation des infrastructures électriques afin de mettre le Cameroun a l’abri d’une crise énergétique a court terme et surtout permettre au secteur électrique d’impulser le développement économique sont divers et coûteux, ils sont estimés à 1,37 milliards d’Euros pour la période 2005 à 2015 (Ngnikam, 2006).

Selon les autorités en charge du secteur, le Cameroun devrait être définitivement à l’abri des délestages causés par le déficit d’offre en énergie électrique en 2016. L’offre en énergie électrique sera d’au moins 200 MW de plus supérieure à la demande. Selon un document présenté par la compagnie de fourniture de l’énergie électrique au Cameroun, AES-SONEL, la demande en énergie électrique se situe en ce moment autour de 1000 MW et l’offre, autour de 1100 MW grâce notamment au programme d’urgence hydraulique de 100 MW qui a été réalisé en 2012 et la centrale de Kribi de 216 MW qui a été réalisé en 2013. La compagnie AES-SONEL projette l’évolution de la demande au-cours des trois prochaines années à environ 1200 MW en 2016. La bonne nouvelle, c’est qu’à cette période, L’AES-SONEL avise que l’offre dépassera les 1400 MW et sera donc largement supérieure à la demande. Ce qui signifie que si délestage il y a, ce sera surtout le fait de pannes techniques. En effet, pour parvenir à la fourniture de 1400 MW d’énergie électrique, les autorités comptent sur la réalisation de plusieurs projets : le barrage de Lom Pangar de 73,6 MW en 2014, celui de Mekin en 2015 avec un potentiel de 45 MW et celui de Mem’vele de 200 MW en 2016. Il ne reste à espérer que la réalisation des divers projets va renverser la tendance.

Pour ce qui est de la CAMRAIL, il y a eu une amélioration de l’indice de productivité depuis la privatisation, si l’on se base sur le coefficient de TP qui est positif et significatif à 5%. Toutefois, il faudrait tenir compte du fait que ce résultat a été fortement influencé par des facteurs tels que la coïncidence entre la privatisation et le début des travaux de construction du pipeline TCHAD – CAMEROUN dont le transport des matériaux a en majeure partie été assuré par la CAMRAIL. La privatisation des chemins de fer du Cameroun a occasionné des suppressions d’emplois surtout commencés durant la gestion publique. En effet, l’effectif salarié passe de 6754 au cours de l’exercice 1984/85 à 3400 en 1997/98 et enfin à 2620 au cours de l’exercice 2002/03 soit 4 fois plus de pertes d’emplois avant la privatisation et 780 après. Il y’a donc eu une perte de 3354 emplois avant la privatisation L’investissement ne suit pas ces bons résultats dans le domaine de la productivité, comme en témoigne la formation d’une commission parlementaire en 2003 pour étudier avec la société les modalités d’une aide de l’Etat pour l’investissement.

En l’occurrence, l’on a observé une augmentation de la production de CAMRAIL en termes de chiffre d’affaires des trafics voyageurs et marchandises, lequel chiffre est respectivement passé de 3,514 milliards de FCFA en 1999 à 6,486 milliards en 2007 pour le premier de ces trafics, et de 18,439 milliards en 1999 à 43,041 milliards en 2007 pour le second. Seulement, cette amélioration masque une triste réalité à savoir, le défaut de maintenance des équipements et le manque d’investissement qui ont conduit l’Etat à consentir à une intervention. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’est survenue la signature, le 05 novembre 2008, d’un second avenant à la convention ferroviaire entre l’Etat et le repreneur. Dans cet accord, dans l’optique d’assurer une régularité soutenue des trains et un meilleur confort pour les voyageurs. Les deux parties ont convenu d’investir entre 2009 et 2020 une somme de 230 milliards de FCFA dont 72 milliards à la charge de l’Etat (14).

C’est ainsi que, CAMRAIL a procédé le 26 février 2013 dans sa principale gare de Yaoundé à la mise en service des six nouvelles locomotives qu’elle a récemment réceptionné au port de Douala. Avec l’arrivée de ces six nouvelles locomotives, son parc compte 58 locomotives et propulse CAMRAIL à la tête des meilleures compagnies ferroviaires d’Afrique selon Hamadou Sali, le Président du conseil d’administration de l’entreprise. Cependant, les responsables n’ont pas indiqué comment la mise en service de ces six nouvelles locomotives améliorera d’avantage le rapport qualité prix pour les voyageurs.

En ce qui concerne CHOCOCAM, le coefficient de TP est positif et significatif à un seuil de 5%. Ce résultat traduit une hausse de la productivité de l’entreprise après sa privatisation. En effet, la société a connu une augmentation de son chiffre d’affaire moyen qui est passé de 14 milliards avant sa privatisation à 19 milliards après la privatisation ainsi que le capital qui est passé de 1 000 000 000 FCFA avant sa privatisation à 4 000 000 000 FCFA après sa privatisation (source : données fournies par SNI).

Apres la privatisation, l’entreprise a connu des changements substantiels dans la gestion et la stratégie. Les améliorations entraînées par la mise en œuvre du système de management de la qualité ont été identifiées dans un nombre réduit de non-conformités et ruptures de stock, l’optimisation des coûts d’achats, un traitement plus rapide des pièces de rechange, et une amélioration du taux d’achèvement des actions correctives. Cependant, La société a été cédé en 2008 à Tiger Brands (une entreprise dynamique de marque des biens de consommation emballés, et qui opère principalement en Afrique du Sud et sur certains marchés émergents). C’est ainsi que deux ans après, le nombre de cas de non-conformité enregistré est passé de 10 en 2010 à 7 en 2011, soit une amélioration de 30 %. Entre 2010 et 2011, le nombre de non-conformités dues à la contamination est passé de 68 cas à 29 cas, une réduction de 57 %. Le coût de recyclage dû à un cas de non-conformité est évalué à XAF 5 millions. La création de la valeur liée à cette réduction est donc de XAF 195 millions.

Le nombre de ruptures de stock en matières premières est passé de 14 en 2010 à 8 en 2011, soit une amélioration de 42 %.

Au niveau de la satisfaction des clients internes, on relève que le taux de réalisation des actions correctives et préventives du système de management de la qualité est passé de 60 % en 2010 à 85 % en 2011.

En 2010, le coût d’une tonne de production valait XAF 200 000. Grâce à une gestion efficiente de la main d’œuvre, il est passé à XAF185 000 en 2011. Comme l’entreprise produit en moyenne 15 050 tonnes par an, la création de la valeur due à cette réduction de coût vaut XAF 225 750 000 (Medem, 2010).

Les meilleurs techniques de maintenance ont permis de faire passer les coûts d’entretien de XAF 360 millions pour une production de 10 000 tonnes en 2010 à XAF 276 millions pour une production de 15 000 tonnes en 2011. La création de la valeur due à la réduction des coûts de maintenance est donc de XAF 84 millions.

En 2011, les ventes CHOCOCAM ont augmenté de 5 % par rapport à 2010 et dans une certaine mesure, elles ont été influencées par la mise en œuvre du système de management de la qualité.

13 Les résultats sont les suivants pour l’indicateur IPE: le coefficient de TP est positif et significatif pour 6 entreprises. D’où 75% des entreprises privatisées ont améliorés leur bénéfice par employé
14 Le messager n0 2734 du 6 novembre 2008

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