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5.1.9 Comment conduire des élections sans violence en Afrique(231)

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L‘actualité électorale et postélectorale en Côte d‘Ivoire autant que les précédents au Gabon, au Congo, au Cameroun, au Benin, au Mali, et autres doivent interpeler les Africains et les véritables amis de l‘Afrique à réfléchir à la mise en place d‘un document cadre relatif au déroulement des élections présidentielles en Afrique et ayant pour objectif de minimiser les risques d‘incidents dévastateurs tels que vu en Côte d‘Ivoire depuis le 28 novembre 2010.

Ce dernier cas en particulier a plongé les Africains dans un ridicule et une tristesse inédits. De l‘ingérence pour le moins embarrassante de Chefs d‘États étrangers en donneurs de leçons à un État souverain, à la présomption de mauvaise foi des uns et des autres en passant par la mise à l‘écart éhontée des textes constitutifs de la Côte d‘Ivoire quand il s‘agit de faire passer en force les ambitions des uns et des autres, on aura presque vu tout ce qu‘il vaut mieux dorénavant éviter dans des situations comparables en Afrique. On a par ailleurs vu des organismes sous-région aux comme UEMOA sortir de leur rôle pour imposer des sanctions à un de leurs membres.

Au-delà des souffrances que la crise postélectorale a imposé au peuple Ivoirien, à l‘Afrique de l‘Ouest et à toutes les filles et tous les fils de l‘Afrique, amenés à s‘entre-déchirer pour le grand amusement des nations dites civilisées, il importe qu‘elle nous donne des leçons afin qu‘un tel spectacle lamentable ne se reproduise plus en terre Africaine.

Des institutions fortes et respectées : Quand une nation s‘est dotée de lois et autres textes législatifs, il est parfaitement offensant de voir des personnes, fussent-elles Chefs d‘États de nations puissantes, venir à faire croire sur le tard à l‘opinion mondiale que les Africains chargés de faire appliquer ces lois sont incapables d‘élévation au-dessus des affinités sectaires, ethniques, tribales, familiales, religieuses, régionales ou amicales. Je trouve désobligeant que des personnes estiment que les autorités Africains en place ne peuvent qu‘être partisanes, rendant ainsi caduque la nécessité de se doter de textes de lois dans nos pays.

Ainsi, dans le cas de la Côte d‘Ivoire, nos donneurs de leçons affirment que la Commission Électorale Indépendante est faite des amis d‘Ouattara pendant que le Conseil Constitutionnel est un ramassis des amis de Gbagbo. Ce qui ôterait toute crédibilité à l‘impartialité de leurs décisions. Il est urgent que les protagonistes dans les élections présidentielles en Afrique acceptent de se soumettre aux textes convenus à l‘avance et croient les responsables désignés pour les faire appliquer capables d‘intégrité et de loyauté vis-à-vis des textes en vigueur. Étant donné que les oeuvres humaines peuvent manifester des imperfections, des voies de recours sans équivoques doivent aussi être mises en place pour connaître des cas de contentieux.

Le cadre des élections présidentielles :Il va sans dire que les textes législatifs régissant les élections présidentielles sont différents de pays en pays. Mais je me permets ici de soumettre à la sagacité des lecteurs des idées qui à mon sens pourraient amoindrir les risques de crise postélectorale.

• L‘Élection présidentielle à un seul tour de scrutin trouve ma faveur dans la mesure où elle coûte moins cher en termes de temps et de besoins en ressources de tout genre, tout en épargnant au peuple le triste spectacle des alliances de dernière heure contre nature et sans lendemains, parce que les électeurs ne s‘y reconnaissent pas. J‘ai personnellement eu beaucoup de difficultés à saisir ce que M. Bédié et M. Ouattara ont en commun en Côte d‘Ivoire.

• Le Consensus sur les textes et pratiques régissant les élections ainsi que les personnes chargées de les faire appliquer est absolument nécessaire; faute de quoi le lit de la contestation aura été fait dès le départ. Les parties doivent par la suite se garder de soupçonner ces personnes de partialité.

• Les conditions de déroulement du scrutin doivent avoir été acceptées par toutes les parties. Il faut par exemple éviter d‘organiser des élections si une partie du pays est tenue par une rébellion armée. Les bureaux de vote fictifs ou établis dans des domiciles privés doivent être exclus. Je recommande avec insistance la mise en place des outils informatiques afin de faciliter le décompte des voix, éviter des votes multiples et limiter l‘accès au vote uniquement aux personnes inscrites sur les listes électorales. Il n‘est point par ailleurs question que deux institutions différentes promulguent des résultats, fussent-ils d‘abord provisoires. Il y aura forcément contestation si ces deux institutions proclament des résultats différents.

• L‘instance chargée de proclamer les résultats du scrutin devrait avoir l‘obligation de publier en même temps un livre blanc exposant tous les procès-verbaux et justifiant les résultats promulgués à l‘opinion nationale (et accessoirement internationale). Il s‘agit de se garder de balancer des pourcentages aux médias en guise de résultats sans la publication d‘un support qui permettrait au peuple d‘apprécier par lui-même la validité et l‘impartialité de ces résultats.

La question de l’ingérence étrangère : L‘expérience ivoirienne a fini de me convaincre de l‘inopportunité d‘une ingérence étrangère dans la certification des résultats des élections présidentielles en Afrique. Dans la Françafrique à l‘ancienne, ce rôle était implicitement dévolu à la France. Dès lors que le Président Français adressait ses félicitations au gagnant (en fonction), tout en ignorant les contestations (des opposants), la Communauté Internationale suivait mécaniquement la France dans cette reconnaissance de la validité des résultats et, tout de suite, les médias internationaux retiraient leurs micros aux contestataires. Et le tour de prestidigitation était joué. L‘ONU semble avoir prétendu à vouloir jouer ce rôle dorénavant.

Mais l‘échec connu en Côte d‘Ivoire risque fort de mettre fin à cette ambition. La cohésion et la paix sociales interpellent dorénavant les protagonistes Africains à rechercher l‘approbation de leurs institutions et de leurs peuples plutôt que des certifications non dénuées d‘esprit partisan des personnes et institutions qui semblent se plaire à donner de nos États l‘image de républiques bannières dirigées par des personnes incapables de se soumettre aux lois en vigueur et d‘en garantir l‘application non partisane. Au nom de la souveraineté nationale, que les comités des sages dans chaque pays rendent caduques les ingérences étrangères dans le choix des dirigeants africains.

En cas de « hold-up » électoral par le pouvoir possédant les armes légales, il ne restera plus que la contestation du peuple pour les faire plier, étant entendu qu‘aucun dirigeant digne de ce nom ne peut plus de nos jours se permettre de massacrer des civiles non armés sous peine de devoir en répondre devant la Cour Pénal International(CPI).

Pourquoi organiser des élections en Afrique ? Après les crises postélectorales qu‘ont connues la plupart des pays africains en 2010 et en début 2011, certains se demandent pourquoi organiser encore des élections en Afrique. Oasis Kodila Tedika, auteur du texte ci-dessous donne les raisons de l‘organisation des élections et de la culture de la démocratie en général dans un pays(232).

L‘année 2011 constitue, comme 2010, une année électorale majeure sur le continent africain. Selon le calendrier, il y a théoriquement au moins dix élections présidentielles dans des pays différents en 2011. Cependant, après les crises postélectorales au Kenya, au Zimbabwe ou plus fraîchement en Côte d‘Ivoire, certains y voient un échec de la volonté d‘organiser des élections et contestent par suite l‘engouement qui leur est réservé. Ainsi, pourquoi les organiser ? En dépit de ces apparents échecs, n‘y a-t-il pas de bonnes raisons de tenir des élections pour ces pays ?

D‘abord, aucun pays ne se développe ou ne s‘est développé sans ce que les anglophones appellent « accountability » du gouvernement, traduit généralement par la responsabilité accompagnée d‘un feed-back. Même la Chine citée en exemple comme réussite sans démocratie a en son sein cette caractéristique avec son Bureau du Parti communiste qui exerce une pression sur le leader, le poussant en conséquence à plus de responsabilité. Mais, il ne s‘agit pas de défendre des autocraties, loin de là !

Pour revenir au berceau de l‘humanité, les élections constituent un versant de cette responsabilité avec des assises beaucoup plus solides que dans le système autoritaire chinois parce qu‘étant l‘expression de la population. Les autorités sont censées rendre compte de leur gestion de la chose publique, justifier leurs actes et comportements. Pour ainsi dire, les mauvais gestionnaires sont sanctionnés au profit de ceux que le peuple jugera meilleurs. Ce processus permet de faire émerger les aspirations de la population et de réduire les abus. Et les élections permettent justement cet engrenage.

A côté de cette dimension, organiser les élections dans ce continent rime, d‘une part, avec raffermissement de la légitimité du pouvoir. Dans un continent où la légitimité des autorités a été pendant des décennies contestée, les élections constituent un pas important. D‘autre part, c‘est la consolidation de ce que les économistes Torsten Persson et Guido Tabellini appellent, dans leur article Democractic capital : The nexus of political and economic change, « capital démocratique »(233). Plus un pays pose des actes démocratiques, plus la démocratie se raffermit, plus sa crédibilité en la matière se renforce.

C‘est un processus auto-entretenu. Plus ce capital croît, moins il y a possibilité qu‘un pays tombe dans un régime autocratique. Dit autrement, le coût d‘opportunité de l‘intérêt de l‘autocratie baisse largement. Les deux économistes trouvent également un lien de renforcement entre le capital démocratique et le capital physique, ce qui pousse positivement le développement économique, dont une des composantes est l‘investissement. Tertio, dans un continent où la culture du débat n‘a pas trop sa place dans plusieurs pays, les élections se présentent comme une période où celle-ci peut au moins occuper les esprits. En effet, dans un pays sans débat, la projection de l‘avenir n‘existe pas, ou pas assez.

Le bricolage a plus de place, on subit les événements, pour n‘essayer d‘en débattre qu‘après. Au moins avec les élections, d‘une part, les hommes politiques ont la possibilité de projeter l‘avenir de leurs pays respectifs, d‘en débattre, d‘affiner leurs stratégies ou idées et, d‘autre part, les citoyens acquièrent une culture politique. Ce qui n‘est pas mauvais pour le pays ou le continent. Dans un même registre, mais dans le contexte américain, Timothy Besley, Torsten Persson et Daniel Sturm trouvent, dans un article, “Political competition, policy and growth : Theory and evidence from the United States‖(234), que le manque de concurrence ou de compétition politique conduit à des politiques d‘anti-croissance.

Ce manque de concurrence conduit à une situation de « monopole politique » ; or, il est enseigné dans tous les cours d‘introduction à l‘économie qu‘une situation de monopole peut se révéler sous-optimale pour les consommateurs. Transposé dans le monde politique, ce manque de concurrence conduit à une situation de « monopole politique » : sans concurrence, pas de débat, pas d‘innovation, pas d‘incitations du pouvoir à mettre en place de bonnes institutions ; cela peut conduire à l‘extrême à une situation de dictature.

Il existe cependant quelques bémols, notamment dans le cas où la concurrence politique, poussée plus loin, conduit à une instabilité politique, préalable à des mauvais résultats économiques ; ou encore, le fait que l‘activité re-distributive, caractéristique de la compétition électorale, peut aussi conduire à l‘anti-croissance. D‘où, la démocratie a aussi besoin que la « redistribution électoraliste » soit limitée par des règles formelles, pour que la « démocratie » ne se développe pas au détriment de la liberté. Cela suppose, par exemple, que la constitution soit là pour limiter l‘arbitraire du pouvoir politique (au prétexte de « démocratie ») et non pas simplement pour l‘organiser.

Ainsi, les autorités ne devraient pas regarder les élections comme une simple formalité, mais bien davantage : elles doivent les organiser en respectant toutes les normes requises (liberté, transparence, représentativité, etc.). Après les échecs cuisants des régimes autocratiques ou dictatoriaux, la nécessité d‘une vraie démocratie semble évidente, bien davantage qu‘une simple piste intéressante. En revanche, il serait illusoire de tomber dans un réductionnisme du genre « élection = démocratie ». D‘où, au-delà de l‘organisation des élections, qui n‘est pas une finalité en soi, il doit exister un véritable mécanisme transparent de contrôle, une démocratie au sens plein du terme.

231 Camer.be – 12/01/11 par Rév. Guy François Olinga, l’auteur du livre : « La Religion : Le plus grand mensonge » sur le lien http://www.lulu.com/product/paperback/la-religion-le-plus-grand-mensonge—imprim%C3%A9/1291302
232 Le Pays (Côte d‟Ivoire) par Oasis Kodila Tedika- 28/04/11
233 Torsten Persson et Guido Tabellini .- Democractic capital : The nexus of political and economic change, « capital démocratique .-http://www.nuffield.ox.ac.uk/General/Seminars/Papers/450.pdf/
234 Timothy Besley, Torsten Persson et Daniel Sturm .- “Political competition, policy and growth : Theory and evidence from the United States.- http://www.crei.cat/activities/crei_seminar/08-09/sturm.pdf/

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