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5.13.9 La main invisible de l’occident.

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Nombreux ont été les Africains qui ont vu dans ce conflit une occasion de s‘émanciper de l‘influence de la communauté internationale. Cette communauté internationale, perçue comme prédatrice et exploitant les richesses de l‘Afrique à son seul profit, regroupe indistinctement l‘ancienne puissance coloniale de la Cote d‘Ivoire, la France, dont les ingérences politique et économique sont de moins en moins tolérées par les Africains, l‘ONU dont l‘action par le passé a montré qu‘elle pouvait se faire le complice ou même le bras armé des intérêts mercantiles des grandes puissances occidentales – le cas du Congo est emblématique de ce point de vue, comme le montre le magnifique texte de l‘immense écrivain Frantz Fanon “La mort de Lumumba : pouvions-nous faire autrement ?” , les Etats-Unis dont la puissance impériale donne le sentiment qu‘ils ont les moyens d‘imposer leur volonté partout dans le monde à tout moment. Aussi puissants qu’ils soient, même les Américains ne sont pas des faiseurs de miracle.

Dénoncer indistinctement et systématiquement l’ingérence de la communauté internationale en Afrique peut paraître un peu hypocrite, les mêmes qui aujourd’hui crient à l’ingérence de cette communauté internationale n’hésitant pas le lendemain à courir tous les forums internationaux à la recherche de soutiens aux causes qu’ils défendent. Parfois même, ils fondent toute leur stratégie de défense sur cette seule espérance de la précieuse pression de cette même communauté internationale (Reporters sans frontières a oeuvré avec quelques succès pour la défense de journalistes persécutés dans leurs pays en raison de leur activité de journaliste, de même Amnesty international pour la défense des prisonniers politiques, …). Qu’on le veuille ou non, avec la poussée inexorable de la mondialisation, de plus en plus de causes deviennent planétaires, et il est illusoire de penser qu’en quel qu’endroit que ce soit dans le monde, il est possible de s’isoler durablement dans une bulle à l’abris de toute contamination étrangère, ou même simplement en choisissant les combats qu’on doit mener ainsi que les alliés et les ennemis qui vont s’affronter.

Si les intérêts de cette communauté internationale n‘ont aucune raison d‘être strictement alignés sur ceux de l‘Afrique, prendre prétexte que la France a des intérêts à défendre en Côte d‘Ivoire pour adopter systématiquement une position opposée à celle de la France, même lorsque ce faisant on va à l‘encontre de ses propres intérêt, ne parait pas acceptable. Quel Africain n’a pas intérêt à ce que plus aucune élection en Afrique ne soit détournée et confisquée par des pouvoirs corrompus et incompétents? Le hold-up électoral de Laurent Gbagbo, s’il avait réussi, aurait brouillé l‘intangibilité d‘une telle position de principe. Bien sûr que la France a des intérêts à défendre, et il serait bien naïf de penser qu‘en Afrique, comme partout ailleurs dans le monde, il peut être possible de n‘avoir à faire qu‘à des interlocuteurs désintéressés et sans arrière-pensées. Ce monde-là n’existe pas ! La compétition est permanente et perpétuelle, il faut donc s’y faire et apprendre à défendre ses intérêts au milieu d’autres intérêts qui ne sont pas forcément amicaux.

Oui, il y aura toujours des interférences, des conflits d’intérêt, et il faudra bien que l‘Afrique trouve au milieu de cette lutte permanente pour la survie le moyen de tirer son épingle du jeu, à l‘instar des autres peuples qui y parviennent. L‘anathème de la naïveté est souvent, trop facilement en Afrique, avancé pour disqualifier définitivement toute position qui ne marque pas une opposition de principe à l‘occident. Une telle attitude est dogmatique et rigide, en ce sens que l‘Afrique peut parfaitement envisager de manière réaliste une alliance avec l‘adversaire et même l‘ennemi d‘hier, dans la mesure du respect de ses propres intérêts : ceux-ci ne sont forcément et de manière irréductible exclusifs des intérêts de l‘occident. Cela n‘est pas nécessairement faire preuve de faiblesse que d‘accepter dans certaines circonstances un accord de ses positions avec celles de l‘occident.

L‘Afrique peut et doit apprendre à exister par elle-même. Pour cela les Africains doivent d‘abord s‘affranchir d‘archaïsmes politiques d‘un autre temps, certains restant figés dans le schéma d’une répartition de rôles qui n‘est plus aujourd’hui d‘actualité avec la fin de la guerre froide et l‘effondrement du bloc de l‘Est, comportant un “pré carré français” qu‘une entente entre puissances aurait concédé à la gestion discrétionnaire de la France.

Une des manifestations flagrantes de ces réflexes hérités du passé se traduit par le sentiment éprouvé par de nombreux Africains, qu‘une carrière politique ne peut se faire en Afrique qu‘à travers le destin que l‘ancien colonisateur veut bien façonner à l‘homme qu‘elle a choisi pour l‘incarner (du moins dans les anciennes colonies françaises). D‘où la tentation fréquente chez ceux des Africains francophones nourrissant des ambitions politiques d‘aller chercher des appuis auprès des autorités françaises, avant même d‘avoir élaboré un programme politique, avant même d‘avoir une idée des choses à mettre en place si le destin les portait au pouvoir. Cette tendance aux rapports infantilisants entre la France et l‘Afrique francophone doit cesser. La classe politique et les milieux économiques en France ont aujourd‘hui conscience que la France n‘a sans doute plus les moyens de maintenir une telle dépendance.

Ils prennent également de plus en plus conscience que cette dépendance est dangereuse à long terme pour les intérêts de la France. Le moment est sans doute venu pour les Africains, de se défaire de certains liens incestueux et stériles liant l‘Afrique et l‘ancien colonisateur, afin de reconstruire une alliance basée sur des rapports équilibrés et profitables aux peuples des deux parties. L‘Afrique seul a le pouvoir de faire ce pas décisif de l‘indignation vers la reconstruction, de la consommation frénétique et passive de tout ce qui est importé de l‘extérieur vers la production, la consommation, l‘exportation de biens culturels et économiques de l‘Afrique vers le reste du monde.

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