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5.13.6 La responsabilité des institutions africaines

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Nombreux sont ceux qui avouent s‗être un moment trompé lorsqu‘ils ont pensé que le choix du Premier ministre du Kenya Raila Odinga comme médiateur de l’Union Africaine (UA), était un signe fort et un tournant de maturité de cette institution (annonciateur d’un changement profond et positif). L‘on se souvient qu’en décembre 2007, Raila Odinga a été spolié de sa victoire à l’élection présidentielle kényane par le président sortant Mwai Kibaki, ce qui a déclenché une crise grave émaillée de violents affrontements entre les partisans des deux camps. La paix n’est revenue dans le pays qu’à l’issue de longues et pénibles tractations ayant conduit à la formation d’un gouvernement de coalition où le président sortant (perdant des élections) a été maintenu en fonction en cédant une partie de son pouvoir au premier ministre (gagnant de l’élection). Laurent Gbagbo a sans doute espéré réitérer une telle forfaiture, et l‘on peut penser que le choix de Raila Odinga comme médiateur, de par son parcours personnel, signifiait que les instances dirigeantes de l’UA avaient conclu qu’un tel compromis était exclu.

C‘est décevant de constater par la suite que les grandes instances africaines n‘avaient pas pleinement réalisé que les événements de Cote d‘Ivoire pouvaient constituer une vraie opportunité, peut-être une opportunité unique à l‘échelle d‘une génération, pour opérer un tournant historique en fixant d‘autres règles de gouvernance en Afrique, en imposant l‘avènement d‘une nouvelle ère où la volonté du peuple africain, la voix des grandes institutions africaines (UA, CEDEAO, UMOA, CEMAC …) comptent dans les choix, où des dirigeants peuvent être sanctionnés dans les urnes, où les présidents ne s’éternisent plus au pouvoir (tout pouvoir s‘use et se corrompt avec le temps). L‘Afrique du sud s‘est montrée constamment immature quant à la gestion des grands dossiers diplomatiques dont elle s‘est saisie sur le continent, en complet décalage avec sa position de leader économique de la zone. Peut-être est-ce l‘effet d‘un manque d‘expérience et d‘entrainement du fait du long isolement diplomatique auquel le régime défunt de l‘apartheid a été contraint ? Ce pays présente deux facettes dissemblables.

Une facette économique où il tient sans conteste le rang de superpuissance à l‘échelle du continent, et une facette diplomatique où il accumule une incroyable série de maladresses renvoyant plutôt à une maturité encore balbutiante dans ce domaine. La revendication systématique d‘une position médiane dont ce pays a fait son credo en diplomatie, de Thabo Mbeki à Jacob Zuma – on coupe la poire en deux et on distribue à chacune des parties une moitié, même et surtout lorsque l‘une des parties est en position d‘usurpateur – laisse une impression de manque d‘imagination et surtout de manque d‘audace et de courage politique. Cette approche peut n‘avoir aucun sens lorsqu‘on a à faire à des belligérants autistes et jusqu‘auboutistes comme c‘est malheureusement parfois le cas. Il y a des moments où le compromis s‘apparente à de la compromission. A ces moments-là, un gouvernement qui revendique les premiers rôles a le devoir de proposer des réponses courageuses, de prendre le risque de déplaire à une partie si c‘est le prix à payer pour obtenir une plus grande stabilité et la paix à plus long terme. Il est vrai que la CEDEAO sous la houlette du Nigéria a brandi la menace d’un recours à la force armée pour contraindre Laurent Gbagbo à laisser le pouvoir au vainqueur de l’élection.

Si la guerre n’est jamais une bonne option, et on ne peut que déplorer que la crise ivoirienne ait finalement conduit à une telle extrémité, il apparait néanmoins à la lumière de nombreux événements historiques que, dans certaines circonstances, le recours à des moyens de coercition y compris des moyens militaires, peut permettre d’éviter des conséquences encore plus catastrophiques. “Vous avez préféré le déshonneur à la guerre. Vous avez eu et le déshonneur et la guerre”. Par ces mots le dirigeant politique et chef de guerre anglais Winston Churchill, à propos des tergiversations de ses pairs européens face à une Allemagne nazie menaçante, soulignait la nécessité de recourir parfois à la force pour faire triompher des principes plus élevés, plutôt que de rechercher systématiquement un compromis mou qui peut résulter au final à bien plus de dégâts et de souffrances humaines.

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