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§ 5. Mise en oeuvre de la responsabilité

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Qui est titulaire du droit d’invoquer la responsabilité, en cas de la violation de la souveraineté permanente ? Dans la très grande majorité des cas, seul l’État lésé, celui qui a subi un préjudice, immédiat ou médiat, est en droit d’invoquer la responsabilité de l’auteur de la violation de la souveraineté permanente.

La Société internationale est marquée par un degré poussé de décentralisation ; contrairement à ce qui se passe dans l’État, il n’y existe pas d’autorité centrale pouvant déclencher des poursuites contre un État ou une Organisation internationale auquel un fait internationalement illicite peut être attribué.

Sans doute, les Nations Unies sont–elles dotées de pouvoirs coercitifs qui, en dernière analyse, peuvent être utilisés pour obliger un État à exécuter les obligations qui lui incombent en matière de responsabilité ; et certaines organisations régionales (O.E.A.,Union Africaine) peuvent contribuer à cette mission(213). Mais celle-ci ne s’inscrit pas dans le cadre du droit de la responsabilité : il s’agit de maintenir la paix et la sécurité internationales, même si à cette occasion, la cessation d’un fait internationalement illicite ou la réparation de ses conséquences dommageables peuvent être exigées, notamment par le conseil de sécurité agissant dans le cadre du chapitre VII de la charte. L’article 48 du projet de la C.D.I. va plus loin encore en admettant que “ tout État autre qu’un État lésé est en droit d’invoquer la responsabilité d’un autre État si … (b) l’obligation violée est due à la communauté…’’.

I.Les modalités d’invocation de la responsabilité

Les procédures de mise en oeuvre(214) de la responsabilité internationale d’un État ou d’une organisation internationale, en cas de violation de la souveraineté permanente ne présentent aucune particularité par rapport aux mécanismes usuels des relations entre États. Elles passent en général par le canal des missions diplomatiques des États concernés et le règlement des divergences qui peuvent opposer l’État responsable et celui ou ceux qui invoquent sa responsabilité doivent être résolues par des moyens pacifiques (règlement pacifique de différends dont les négociations diplomatiques sont les plus usuels), si le négociations échouent, le différends peut être soumis à un organe juridictionnel ou arbitral.

II. Règlement pacifique des différends internationaux

Le règlement de différend(215) dû à la violation du principe de la souveraineté permanente est complexe et fait intervenir à la fois les deux grandes catégories de modes de règlement de différends, en combinant le critère de la portée juridique de la solution et son fondement, en opportunité ou en droit.

Cela parce que tout conflit international est à la fois politique et juridique, seule la pondération des aspects politiques et juridiques varie. D’où on a successivement :

II.1. Le règlement non juridictionnel

Il s’agit de :

1°. procédés inter étatiques : négociations diplomatiques ; intervention des tiers (bons offices, médiation, enquête internationale, conciliation internationale) ;
2°. règlement non juridictionnel dans le cadre des O.I.

II.2. Le règlement juridictionnel

L’alinéa 4 de la résolution 1803 (XVII )sur la souveraineté permanente prévoit expressément ce mode de règlement en ces termes : “…dans tout cas où la question de l’indemnisation donnerait lieu à une controverse, les voies de recours nationales devront être épuisées … Toutes fois, sur accord des États souverains, et autres parties intéressées, le différend devrait être soumis à l’arbitrage ou à un règlement judiciaire international”. Voilà donc les deux procédés de règlement prévus par la résolution 1803. Selon le mot d’un délégué à la conférence de la Haye de 1907, l’arbitrage est la confiance, le règlement juridictionnel l’obéissance. Cela étant, le mode de règlement juridictionnel est constitué de deux procédés que sont le recours à l’arbitrage et le règlement par une juridiction permanente. Examinons d’abord l’arbitrage et le règlement judiciaire ensuite.

2.1. Le règlement arbitral

‘‘L’arbitrage international à pour objet les règlements des litiges entre les états par les juges de leurs choix et sur base du respect du droit’’(216) comme tout acte juridictionnel, la sentence arbitrale est dotée de l’autorité de la chose jugée dont le fondement est à recherché soit dans la souveraineté étatique, soit dans le fait d’être rendue sur base du droit.

Le recours à l’arbitrage(217) implique l’engagement de se soumettre de bonne foi à la sentence. La résolution 1803 (XVII) sur la souveraineté permanente, litera 4, reconnaît expressément l’arbitrage comme mode de règlement de litige en ces termes : “…Dans tous les cas où la question de l’indemnisation sera soulevé, le différend devrait être soumis à l’arbitrage ou à un règlement judiciaire international”. Rappelons aussi que le recours à l’arbitrage implique le droit de refuser d’être attrait devant un tiers. Elle implique tout autant le droit de faire exception à ce refus par un engagement conventionnel. Ce consentement à l’arbitrage doit être suffisamment clair et précis pour constituer une véritable obligation juridique internationale. D’où il est tantôt facultatif, tantôt obligatoire.

2.2. Le Règlement par une juridiction permanente

La Cour Internationale de Justice (C.I.J.) constitue l’organe judiciaire principal des Nations Unies. Compte tenue de la nature juridique(218) du principe de la souveraineté permanente, qui est un jus cogens, les litiges en cas de sa violation sont portés devant la Cour Internationale de Justice, comme cela est bien prévue par la résolution 1803(XVII) en son litera 4.

On se rappellera aussi que cette même résolution stipule que la violation de ce sacré principe entraîne la violation de la charte de l’O.N.U. et gêne la coopération et le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Le conseil de sécurité joue donc à son tour un rôle important en cas de violation de ce sacré principe. C’est à lui que revient la tache de constater que cette violation de la souveraineté permanente constitue ou non un cas de rupture ou de menace contre la paix, de le qualifier et de prendre des mesures qu’il juge nécessaire pour rétablir la paix dans la zone troublée.

III. Cas pratique : Affaire des activités militaires et paramilitaires opposant la RDC à l’Uganda

III.1. Prétention de la partie demanderesse

La R.D.C. soutient que l’exploitation illégale et le pillage de ses ressources naturelles constituent des violations par l’Ouganda, de “ la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la R.D.C., et plus particulièrement de la souveraineté de la R.D.C. sur ses ressources naturelles ”. A cet égard, la R.D.C. se réclame du droit des États sur leurs ressources naturelles et mentionne la résolution 1803(XVII) relative à la souveraineté permanente sur les ressources naturelles adoptée par l’A.G. des Nations Unies le 14/12/19622, la déclaration sur l’établissement d’un nouvel ordre économique international contenue dans la résolution 3201(S.VI) adoptée par l’A.G. le 1er mai 1974, et la charte des droits et devoirs économiques des États adoptés par l’A.G. des Nations Unies dans sa résolution 3281(XXIX) du 12/12/1974.

La R.D.C. affirme que l’Ouganda est en tout état de cause responsable des actes de pillage(219) et d’exploitation illégale de ses ressources commis par des officiers et soldats des UPDF, qui ont qualité d’organe(220) de la République Ougandaise. D’après elle, il importe peu que les membres de l’armée Ougandaise se soient ou non conformés à des ordres officiels de leur gouvernement, ou qu’ils aient agi à titre officiel ou privé.

S’agissant du devoir de vigilance, la R.D.C. prétend que l’obligation de respecter la souveraineté des États sur leurs ressources naturelles implique que tout État prenne les mesures appropriées221 pour que ses forces armées, ses ressortissants ou les groupes qu’il contrôle ne se livrent pas à l’exploitation illégale des ressources sur le territoire d’un autre État. La RDC, affirme que toutes les activités d’exploitation de ressources naturelles menées par des entreprises et ressortissants Ougandais ou des mouvements rebelles soutenus par l’Ouganda constituent des actes d’exploitation illégale de ses ressources naturelles par des membres des forces armées ougandaises, par des entreprises privées et des ressortissants ougandais, ou par les mouvements rebelles congolais qu’il contrôlait et soutenait, manquant ainsi à son devoir de vigilance.

La RDC fait valoir que, en se livrant à l’exploitation illégale et au pillage des ressources naturelles congolaises, l’Ouganda a également violé les obligations qui s’imposaient à lui, en tant que puissance occupante, en vertu du jus in bello(222). Selon la RDC, “ le détail des règles du droit des conflits armés relatives à l’exploitation des ressources naturelles doit être examiné au regard du principe fondamental de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles ”, lequel, de l’avis de la RDC, reste d’application en toutes circonstances, notamment en temps de conflit armé et d’occupation.

III.2. Prétention de la partie défenderesse

L’Ouganda nie pour sa part d’avoir violé le principe de la souveraineté permanente du peuple congolais sur ses ressources naturelles. Il soutient que ce principe “ façonné dans un cadre historique précis (notamment celui de la décolonisation) et ayant une finalité bien précise ”, ne saurait être applicable dans le contexte de la présente affaire. L’Ouganda affirme que des actes individuels commis à titre privé par des membres de ses forces armées et au mépris d’ordres et d’instructions ne permettent pas de lui imputer une violation de la souveraineté permanente du peuple congolais sur ses ressources naturelles.

III.3. Décision de la Cour

La Cour considère qu’elle ne peut retenir l’affirmation du demandeur selon laquelle l’Ouganda aurait violé le principe de la souveraineté permanente (de la RDC) sur ses ressources naturelles. La Cour rappelle que, le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles a été énoncé dans les résolutions 1803(XVII) adoptée par l’A.G. des Nations Unies le 14/12/1962, puis a été développé dans la déclaration concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international contenue(223) dans la résolution 3201 (S.VI) adoptée par l’A.G. le 1er mai 1974, et la charte des droits et devoirs économiques des États adoptés par l’A.G. des Nations Unies dans sa résolution 3281 (XXIX) du 12/12/1974.

Tout en reconnaissant l’importance(224) de ce principe, qui revêt le caractère d’un principe de droit international coutumier, la Cour relève que rien dans ces résolutions de l’A.G. ne laisse entendre qu’elles soient applicables au cas particulier du pillage et de l’exploitation de certaines ressources naturelles par des membres de l’armée d’un État intervenant militairement sur le territoire d’un autre État, ce qui est l’objet du troisième chef de conclusions de la RDC. La Cour n’estime pas que ce principe s’applique à ce type(225) de situation.

La Cour conclut qu’elle dispose de suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour considérer que l’Ouganda a engagé sa responsabilité internationale à raison des actes de pillages et d’exploitation des ressources naturelles de la RDC commis par des membres des UPDF(226) sur le territoire de la RDC, de la violation de son devoir(227) de vigilance s’agissant de ces actes et du manquement des obligations lui incombant, en tant que puissance occupante de l’Ituri, en vertu de l’article 43 de du règlement de la Haye de 1907, quant à l’ensemble des actes de pillage et d’exploitation des ressources naturelles commis dans le territoire occupé.

III.4. Bref commentaire sur ce cas

Pour notre part, nous pensons que l’adage ‘’curria non novit jus’’ s’applique dans ce cas précis. Le juge ne sait pas appliquer la loi, car il n’a pas tenu compte de l’évolution du principe de la souveraineté permanente pour se rendre compte que son objet s’est étendu.

En effet, il ne s’agit plus seulement d’un principe de la décolonisation, mais bien plus son objet s’est étendu, incluant : 1° un pouvoir de contrôle sur les intérêts économiques étrangers, 2° un pouvoir de réglementer l’investissement, de réglementer et de surveiller les activités des sociétés transnationales dans les limites de sa juridiction nationale l’investissement, 3° un droit de nationaliser, d’exproprier ou de transférer la propriété des biens étrangers, …

213 Joe VERHOEVEN, op.cit., p.769.
214 Joe VERHOEVEN, op.cit., p.769.
215 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, Op. Cit. p.830-935.
216 Patrick DAILLIER et Alain PELLET, op. cit. p.867 – 885.
217 Voir l’alinéa 4 de la résolution 1803, où l’arbitrage est proposé parmi les modes de règlement de différend institués par cette résolution.
218 Synthèse de l’additif au mémoire N°S/221/1156 du gouvernement sur le pillage en R.D.C.
219 Voir rapport panel
220 Ibidem
221 Rapport des commissions ‘’porter’’ et ‘’panels’’
222 Cour Internationale de Justice, Rôle général N°16 du 19/12/2005, 100p.publié par www.cij-icj.org
223 Arrêt rendue sur l’Affaire des activités militaires et para militaire être RDC c Uganda, pp. 48 à 57, publié par www.cij-icj.org.
224 Arrêt rendue sur l’Affaire des activités militaires et para militaire être RDC c Uganda, pp. 48 à 57, publié par www.cij-icj.org.
225 Ibidem.
226 Arrêt rendue sur l’Affaire des activités militaires et para militaire être RDC c Uganda, pp. 48 à 57, publié par www.cij-icj.org.
227 Voir le Rapport commission Lutundula, secrétariat général de l’Assemblée Nationale congolaise, Kinshasa.

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