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4.7.3 Le point de vue de Human Rights Watch sur le transfèrement de Laurent Gbagbo

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Le transfèrement de l‘ex-Président Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye pour son rôle présumé dans des crimes internationaux perpétrés lors des violences postélectorales qui ont dévasté la Côte d‘Ivoire est un pas important sur la voie de la justice, a déclaré Human Rights Watch juste après son arrestation, appelant le procureur de la CPI à également procéder sans délai à des enquêtes sur les crimes graves commis par les forces alliées au président Alassane Ouattara(221).

Le refus de Gbagbo de se retirer de la présidence lorsque la Commission électorale indépendante et les observateurs internationaux ont proclamé Ouattara vainqueur du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010 a déclenché six mois de violence. Au moins 3 000 personnes ont été tuées et plus de 150 femmes violées pendant cette période de conflit, souvent au cours d‘actes ciblés perpétrés par les deux camps en fonction de critères politiques, ethniques et religieux.

« Il s‟agit d‟un grand jour pour les victimes des effroyables violences postélectorales dont la Côte d‟Ivoire a été le théâtre », a souligné Elise Keppler, juriste senior au programme de Justice internationale de Human Rights Watch. « Le fait que Laurent Gbagbo et plusieurs de ses proches alliés doivent maintenant répondre de leurs actes devant la cour envoie un message fort aux dirigeants politiques et militaires ivoiriens, leur faisant comprendre que personne ne devrait être au-dessus de la loi. »

Selon les informations parues dans divers médias, les autorités judiciaires ivoiriennes auraient notifié Gbagbo du mandat d‘arrêt de la CPI à la date du 29 novembre 2011. Gbagbo est le premier ex-chef d‘État placé en détention par la Cour pénale internationale. Des mandats d‘arrêt ont également été délivrés par la CPI à l‘encontre du Président soudanais Omar el-Béchir et de l‘ex-dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi. Béchir n‘a pas été remis à la CPI, Kadhafi non plus.
« La CPI joue son rôle et montre que même les individus évoluant aux plus hauts niveaux de pouvoir ne peuvent échapper à la justice lorsqu‟ils sont impliqués dans des crimes graves », a souligné Elise Keppler.

Les efforts déployés tant par la CPI que par le gouvernement ivoirien pour traduire en justice les auteurs des crimes postélectoraux sont importants pour la restauration de l‘État de droit en Côte d‘Ivoire, a fait remarquer Human Rights Watch. Néanmoins, il faut sans tarder ouvrir des enquêtes aux fins de poursuites à l‘encontre des personnes ayant combattu au sein des forces alliées au Président Ouattara et impliquées dans des crimes graves.

Depuis l‘arrestation de Gbagbo par les forces pro-Ouattara le 11 avril dernier, les procureurs civils et militaires ivoiriens ont inculpé de crimes postélectoraux plus de 120 personnes liées au camp Gbagbo. Aucun membre des forces pro-Ouattara n‘a été inculpé de crimes postélectoraux. Cela fait naître le sentiment que la justice rendue est celle du vainqueur, ce qui risque d‘alimenter davantage les tensions entre communautés, a expliqué Human Rights Watch.

« Bien que le camp Gbagbo ait attisé la violence en refusant de renoncer au pouvoir et en incitant à la commission d‟exactions, les forces des deux camps ont à plusieurs reprises été impliquées dans des crimes graves », a fait remarquer Elise Keppler. « Les nombreuses victimes des brutalités perpétrées par les forces fidèles au Président Ouattara méritent également que justice leur soit rendue. »

Human Rights Watch a effectué six missions de terrain en Côte d‘Ivoire durant la crise, recueillant des informations sur l‘évolution des violences postélectorales depuis leur déclenchement en novembre 2010 jusqu‘à la fin des combats en mai 2011. Un rapport(222) publié par Human Rights Watch le 5 octobre a décrit les graves crimes internationaux commis par les deux camps et a mis en cause 13 dirigeants militaires et civils. Gbagbo a été désigné nommément(223) pour le rôle qu‘il a joué en tant que commandant en chef des forces armées qui ont perpétré des crimes de guerre et de probables crimes contre l‘humanité. En dépit de preuves évidentes de crimes graves commis par ses soldats et par les milices qui l‘appuyaient, Gbagbo n‘a ni dénoncé les crimes, ni pris de mesures visant à les prévenir ou à ouvrir une enquête à leur propos.

En mai, le Président Ouattara a demandé à la CPI d‘ouvrir une enquête sur les violences postélectorales, indiquant que les tribunaux ivoiriens seraient dans l‘incapacité de mener à bien des poursuites à l‘encontre des personnes aux plus hauts niveaux de l‘État pour les crimes les plus graves qui ont été perpétrés. Les juges de la CPI ont autorisé le procureur à ouvrir une enquête le 3 octobre, évoquant des éléments de preuve relatifs à des crimes de guerre et à de probables crimes contre l‘humanité commis par les forces armées des deux camps et par leurs milices alliées.

Le transfèrement de Gbagbo le 29 novembre après son arrestation est le premier dans l‘enquête ouverte par la CPI en Côte d‘Ivoire. Des informations dignes de foi semblent indiquer que plusieurs alliés de Gbagbo impliqués dans des crimes graves pourraient également être visés par des mandats d‘arrêt imminents émis par la CPI.

Le procureur de la CPI devrait également enquêter sur les affaires concernant les crimes commis lors du conflit armé de 2002-2003(224) et dans sa foulée, a déclaré Human Rights Watch. Les violences de 2010 ont été le point culminant d‘une décennie de violations des droits humains et d‘impunité en Côte d‘Ivoire. L‘absence de poursuites pour les exactions les plus graves perpétrées antérieurement risque de miner les efforts importants déployés pour garantir l‘État de droit, a relevé Human Rights Watch.

À plusieurs reprises, le Président Ouattara a promis que toute personne impliquée dans des crimes commis pendant la période postélectorale serait traduite en justice. Pourtant, au vu des poursuites engagées au niveau national, ces promesses contrastent vivement avec la réalité.

« C‟est précisément en raison de l‟absence d‟efforts fournis au niveau national pour poursuivre les auteurs des crimes perpétrés par les forces alliées au Président Ouattara que le procureur de la CPI devrait procéder sans délai à l‟ouverture d‟enquêtes sur leurs crimes graves et qu‟il devrait encourager le gouvernement ivoirien à engager des poursuites nationales à l‟encontre de tous les responsables de crimes graves, quel que soit le camp auquel ils appartiennent », a conclu Elise Keppler. « La justice pour les crimes commis par les deux camps s‟avère cruciale pour rompre les cycles de violence qui ont frappé la Côte d‟Ivoire au cours de la dernière décennie. »

221 Compile par ConnectionIvoirienne.net au 30/11/11 à partir de http://www.infodabidjan.net/contribution/de-laurent-gbagbo-du-droit-international-et-de-la-cpi/
222 hrw.org.- Ils les ont tués comme si de rien n‘était »Le besoin de justice pour les crimes Postélectoraux en Côte d‘Ivoire.- http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/cdi1011frTest.pdf
223 http://www.hrw.org/fr/node/102153/section/9
224 hrw.org.- Côte d‘Ivoire : Les juges de la CPI donnent leur accord pour l‘ouverture d‘une enquête.- http://www.hrw.org/fr/news/2011/10/03/c-te-d-ivoire-les-juges-de-la-cpi-donnent-leur-accord-pour-l-ouverture-d-une-enqu-te

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