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4.6.5 Les poursuites judiciaires et la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation

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Dans cette perspective, deux mécanismes ont déjà été activés. Il s‘agit des poursuites judiciaires et la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (DVR), l‘un des instruments du processus des sociétés en transition, sont les plus connus et les plus actionnés à travers le monde. « Les poursuites judiciaires sont au coeur du processus de justice et de surcroît de justice transitionnelle. Il n‟y a pas de réparation, ni de réconciliation sans poursuites des auteurs de graves violations des droits humains. Les poursuites judiciaires sont le minimum pour la guérison des coeurs meurtris par tant de préjudices terribles. C‟est pourquoi elles constituent l‟un des points clés du processus de justice transitionnelle », instruit Mme Victorine Wodié, la présidente de la Commission Nationale des Droits de l‘Homme (CNDHCI).

A ce propos, dans le cadre d`une enquête préliminaire portant sur la crise, née de la contestation du verdict du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010, visant les faits d‘exactions, de concussion, d‘appels à la haine et au meurtre, des personnalités civiles de l‘ancien régime ont été auditionnées par le Procureur du Tribunal de première instance d‘Abidjan-Plateau Simplice Kouadio Koffi. Ces auditions ont débuté à l‘hôtel La Pergola sis à Marcory le mercredi 04 mai 2011 avec le Pr Aké N‘gbo, MM Désiré Dallo et Dogou Alain qui furent respectivement Premier ministre, ministre de l‘Economie et des Finances et ministre de la Défense du gouvernement Gbagbo de l‘après novembre 2010.

Avant de se poursuivre le samedi 07 mai 2011 avec la première audition de l‘ex-président SEM Laurent Gbagbo à Korhogo et la seconde le dimanche 27 mai 2011. Cette fois, en présence de son conseil. Concernant son épouse et son successeur à la tête de son parti politique (le FPI), l‘ex-Première dame a été entendue le dimanche 08 mai 2011 à Odienné dans le nord-ouest ivoirien et l‘ex-Premier ministre avant la crise du 19 septembre 2002, Pascal Affi N‘Guessan, le jeudi 11 mai à Bouna où il vit en résidence surveillée. De son côté, sur requête du Premier ministre Guillaume Soro conformément au code de procédure militaire en ses articles 65 et 78, le Procureur militaire Ange Kessy Kouamé mène une enquête contre des personnalités militaires proches de l‘ancien pouvoir pour les faits de «séquestration, enlèvement et disparition des Français ; tueries des femmes lors d‟une marche à Abobo ; recrutement et entretien de mercenaires, achats d‟armes lourdes, enlèvements et exécutions sommaires… ».

Ainsi, le Commandant Dua Kouassi Norbert, Aide de camp de Laurent Gbagbo, Négblé Dogba César, Commissaire divisionnaire, ex-directeur de la Direction de la surveillance du territoire ( DST), le Général Dogbo Blé Brunot, patron de la Garde républicaine et Yoro Claude, directeur des unités d‘intervention de la police nationale, ont-ils été auditionnés les 29 et 30 mai 2011 à Korhogo. Au titre des auditions du parquet militaire, 24 hommes en armes pro-Gbagbo ont été entendus dont cinq commissaires de police sur les douze policiers. A savoir le commissaire divisionnaire Gnepa Kolo Philippe, les Commissaires principaux Tiagnéré Jean Louis, Robet Gogo Joachim, Yoro Claude et Négblé César.

Ainsi que douze gendarmes dont le General Georges Guiai Bi Poin, patron du CECOS, une force d‘élite du camp Gbagbo. Et dans ce processus de poursuites judiciaires activées, l‘épée de Damoclès plane sur la tête de plusieurs officiers supérieurs de l‘armée ivoirienne dont le Contre-amiral Vagba Faussignaux, patron de la Marine, le Général Detoh Letho, Commandant des Forces terrestres, le commandant Jean-Noël Abehi de la caserne de la gendarmerie d‘Agban et le Colonel Konan Boniface actuellement en exil. Mais aussi sur celles de plusieurs collaborateurs du Sergent/chef Ibrahim Coulibaly dit ‘‘IB‘‘, qui a revendiqué la paternité du Commando invisible d‘Abobo pour les chefs d‘accusation de « viols, exactions sur la population civile d‟Anonkoua-Kouté et détention illégale d‟armes à feu».

Certes, l‘activation du volet poursuites judiciaires était au stade des détentions administratives mais, le Président de la République SEM Alassane Ouattara, se montre intraitable pour aller jusqu‘au bout du processus. Mieux, il entend mettre à contribution la justice internationale. Aussi, dans une lettre datée du 3 mai 2011, a-t-il sollicité de M. Luis Moreno-Ocampo, Procureur de la CPI, une enquête sur les “crimes les plus graves” commis lors des violences qui ont suivi le second tour de l‘élection présidentielle du 28 novembre 2010. Notamment les crimes de guerre et crimes contre l‘humanité.

Ce qui a suscité une inquiétude dans le camp de certaines organisations des droits de l‘Homme qui ont donné de la voix. « Nous saluons l‟engagement des autorités actuelles à vouloir sanctionner les crimes les plus graves commis pendant la crise postélectorale. Mais pour nous, le meilleur moyen de montrer cet engagement, c‟est de ratifier le traité de Rome relatif à la compétence de la CPI. Cela va nous rassurer que le nouveau pouvoir veut une justice pour tous et non une justice qui cible les vaincus pour les frapper et exonère les vainqueurs quoiqu‟il y ait eu des auteurs de violations des droits humains dans ses rangs», a commenté Me Sidiki Kaba, président d‘honneur de la Fédération Internationale des droits de l‘Homme (FIDH), de passage à Abidjan dans le cadre d‘une mission d‘investigations de son organisation.

Pour cet activiste des droits humains au niveau continental, qui s‘est rendu avec ses pairs sur divers sites des violences postélectorales notamment à Duékoué où le rapport de l‘ONU révèle au moins 505 morts sur les 1012 morts recensés dans tout l‘Ouest ivoirien dont 341 Guéré, 159 Burkinabè, 100 Malinké, 30 baoulé, 68 Maliens, 32 Yacouba, 5 Béninois, 3 Libériens, 1 Sénégalais, 1 Nigérien et 1 ghanéen, il y a un péril sur la réconciliation si le ressentiment «d‟une justice des vainqueurs sur les vaincus s‟installe» dans le pays. Et surtout sur les travaux de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation. Second mécanisme à côté des poursuites judiciaires à avoir été activé par le gouvernement, une Commission intitulée Dialogue, Vérité et Réconciliation dont la présidence a été confiée à l‘ancien Premier ministre Charles Konan Banny.

Celle-ci a vu le jour officiellement le 13 mai 2011. Comme en atteste le décret n°2011-85 portant sa création. Une dénomination au centre des débats tout comme le choix de son président, qui est une personnalité politique. Là où les femmes-leaders notamment Dr Marie-Paule Kodjo (COFEMCI-REPC), Nathalie Koné-Traoré (FOSCAO-CI) et Salimata Porquet (RESPFECO) réclament une experte féminine à ce poste, quand d‘autres organisations comme la CSCI de Patrick N‘Gouan exigent une personnalité neutre, issue de la société civile. Qui ne devrait être ni «un militaire, ni un politique».

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