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4.6. Henri Maldiney

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Maldiney était professeur de philosophie et d’esthétique à l’université de Lyon. Il a contribué au cours du XXème siècle à la phénoménologie de l’art. Il a porté plus particulièrement ses recherches sur l’esthétique sensible (faire sentir) et artistique. Maldiney est parti de la notion d’existence d’Heidegger puis a porté sa réflexion sur la psychopathologie en se basant sur les concepts de Binswanger et en reprenant des notions clés de Straus.

Maldiney a pris le problème de l’homme psychiquement malade en le conciliant avec le point de vue esthétique. Il ne veut pas faire de différenciation normative ou théorique, entre le normal et le pathologique.

Pour en revenir à Binswanger, il existe selon lui des directions de sens indiquées par les rêves. Ce sont des pistes qui structurent l’être-au-monde, l’être-avec-l’autre et l’être-avec-soi.

Maldiney reprend l’idée pour étayer une phénoménologie de l’analyse de l’existence humaine en prise avec la maladie. Pour nous il s’agit plus des personnes confrontées à l’absence de liberté, ce qui marque une rupture dans la vie quotidienne.

Maldiney s’attèle à comprendre les différentes formes de directions de sens qui peuvent apparaitre dans l’existence et qui montrent pour lui, le « être-à » ou Dasein.

Ces directions de sens sont plutôt pour Maldiney un indice du comment, du style des choses et ne regarde pas le contenu, le quoi des choses. (52)

Ce serait un phénomène non thématique comme la Stimmung (Maldiney parle de présence) d’Heidegger et le « climat pathique » de Straus qui est exprimé de façon instantanée «comme par exemple l’ascension, qui peut exprimer la joie, la tristesse, la chute » (1990).

Ainsi le pathique pour Maldiney serait le registre de l’éprouvé et du sentir, registre fondamental de l’existence, la “forme première du subir” (53). Ainsi « l’espace et le temps sont des dimensions anticipatives de toute chose à paraître » (54).

Maldiney considère les directions de sens comme une mouvance de l’existence. L’existence est toujours une expérience, une sorte de « traversée périlleuse (55)» . Les directions de sens ne sont pas marquées dans un temps et un espace construit auparavant ou préconçus par l’extérieur. Le vécu de chaque personne se créé au fur et à mesure à la fois dans l’ouverture et dans la rupture.

« Le monde s’ouvre à chaque fois à partir de l’événement » et non pas l’existant qui se produit dans un monde déjà construit et indépendant de nous-mêmes.
Il s’est donc attelé à penser l’évènement de l’apparaître du phénomène (Bernier) (56).

Maldiney se retrouve ainsi dans l’accueillir dans « l’Ouvert », le « Réel ».

Le réel est définit par Maldiney par ce que nous n’attendions pas et qui fait surgir quelque chose de nouveau.

La crise est pour lui une rupture d’existence et fait surgir l’inattendu qui peut contrarier et bouleverser les attentes.

«(…) Cet évènement se produit dans un saut qui va engendrer de la subjectivité, ou pas. Car Maldiney ne cache pas le risque et le danger inhérent à la rencontre, dont l’effondrement ou la violence (…) ». (57)

Pour Maldiney, ce sont les émotions qui nous ramènent au « Réel ». Il reprend la dimension pathique de Straus qui « correspond à notre capacité affective à accueillir l’événement, c’est-à-dire ce qui arrive tout à coup et fait voir autrement le monde » . Elle peut montrer le moment d’une rencontre irréductible et touchante. L’émotion nous prend au dépourvu puisqu’elle se produit de manière imprévue. « Elle nous marque par une confrontation à l’inattendu, à l’inanticipable » (58). Quand nous sommes sur le coup de l’émotion, nos convictions établies « fondent comme neige au soleil et les repères rassurants de l’existence se dérobent. ». (59)

Pour nous faire comprendre la rupture, Maldiney utilise comme exemple les œuvres d’art. Avant la contemplation d’une œuvre d’art, elle n’était pas, puis surgit l’étonnement, la surprise dans un partage pathique qui impose à l’homme une dépossession de la centration de lui. Il y a une invention de quelque chose d’autre au contact d’un autre, quelque chose du partage qui va imposer une nouvelle position dans le monde.

« C’est l’événement qui exige après coup d’être intégré dans une nouvelle configuration de possibles et non pas nous qui décidons librement de changer la tournure du monde. » (60)

Pour en revenir aux détenus, nous nous demandons si certains d’entre eux ont fait l’expérience de la perte du monde comme une personne vivant avec une psychose ? C’est-à-dire la rupture de l’enchainement ordinaire de l’expérience.

52 Pittet, M (en cours). Enquête sur le rythme et l’implication dans les pratiques d’accompagnement psychosociale – Implication rythmique dans le partage intersubjectif d’expériences affectives et émergence d’un savoir comme objet de formation en travail social, Genève : HES-SO, Haute école de travail social.
53 Maldiney « Penser l’homme et la folie »
54 Maldiney, H., (1973) Regard, parole, espace, Lausanne, L’Age d’homme p. 96 repris par Dastur, F., Texte publié dans Les Lettres de la Société de Psychanalyse Freudienne, Questions d’espace et de temps, n° 20, 2008, p. 45-55. Temps et espace dans la psychose selon Henri Maldiney. Récupéré le 2.03.2012 de. http://af.bibliotherapie.free.fr/Article%20F.Dastur.htm
55 Cambier, A. Professeur de Philosophie en Khâgne (Douai). Récupéré le 15.09.2009 de http://culture.univ-lille1.fr/fileadmin/lna/lna34.pdf
56 Bernier P., L’anthropologie du pathique, Récupéré le 11.07.2010 de http://www.cahiers-ed.org/ftp/cahiers9/C9_bernier.pdf
57 Bernier (2006) « La dimension pathique dans la prévention de la violence » Récupéré le 30 mars 2012 de http://spirale-edu-revue.fr/IMG/pdf/13_Bernier_Spirale_37.pdf
58 Cambier, A. Professeur de Philosophie en Khâgne (Douai). Récupéré le 15.09.2009 de http://culture.univ-lille1.fr/fileadmin/lna/lna34.pdf
59 Ibid. Cambier A.
60 Dastur, F., Texte publié dans Les Lettres de la Société de Psychanalyse Freudienne, Questions d’espace et de temps, n° 20, 2008, p. 45-55. Temps et espace dans la psychose selon Henri Maldiney. Récupéré le 2.03.2012 de. http://af.bibliotherapie.free.fr/Article%20F.Dastur.htm

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