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4.4. Viktor Von Weizsäcker

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Commençons par le neurologue Von Weizsäcker qui a critiqué la pensée causaliste du 17ème et du 18ème siècle. Pour lui, certaines dimensions fondamentales de l’humain et du sens n’étaient pas prises en considération.

Von Weizsäcker et Schotte (32), en tant que médecins, voulaient « situer l’homme malade dans la mise à l’épreuve qui est la vie » (33) et comprendre, clarifier la relation du médecin avec son patient comme nous l’avons vu avec Binswanger.

Von Weizsäcker s’est inspiré du néokantisme, du freudisme et de la phénoménologie de Max Scheler pour pouvoir distinguer la rencontre de la relation (34).

Pour lui, «(…) la rencontre implique une dualité des partenaires, objectivés et séparés alors que la « rencontre » se situe au niveau d’un entre-deux, à partir duquel se différencieront les pôles d’un dialogue. Von Weizsäcker définit donc la relation comme objectivation et réification (…). (35)»

Ainsi il pense que d’une part lors d’échanges les personnes s’appuient sur des catégories de connaissances spécifiques comme les interactions, l’espace, la causalité, etc. et, d’autre part, sur une improvisation dynamique.

Von Weizsäcker désigne la mise à l’épreuve, « l’éprouvé » : le pathique engendre la souffrance, l’endurance, le subir et la passion et ce n’est pas seulement un processus biologique. Dans son livre « Le Cercle de la structure », il voit le vivant comme un être perpétuellement en crise, inlassablement mis en demeure de se modifier ou de se détruire et pour lequel la santé est toujours à chaque moment à conquérir et à reconquérir (36)

De ce fait, il est important d’aborder le « sentir » et le « mouvoir » dans le vivant.

Venons-en maintenant au mot pathique, du grec pathos, qui exprime les verbes ressentir, éprouver, souffrir, subir, endurer, pâtir. C’est « l’exister » de l’homme.

Von Weizsäcker a été le premier à utiliser la théorie du pathique (le pentagramme pathique). Pour lui « on n’est pas mais on peut, (permission ou capacité), on veut ou on doit (obligation morale ou nécessité psychologique)».

De la sorte, c’est de « l’ordre du subir et du personnel. La personne n’existe que dans la personnalisation de la passion exprimée dans les cinq verbes modaux des catégories pathiques : oser (dürfen), vouloir (wollen), devoir (contrainte et éthique, müssen et sollen), pouvoir (können) » (37).

Ce sont des verbes dynamiques qui se rapportent à l’action par rapport au présent. Ainsi le pathique est pour Von Weizsäcker personnel et non ontique, objectif ou représentatif. C’est l’homme qui fait mouvoir l’espace et le temps mais pas l’homme qui évolue dans un espace et un temps donné (1958).

Pour nous éclairer encore plus sur le terme de pathique, nous avons lu Jean Oury (38) qui s’appuie sur la pensée de Von Weizsäcker.

Pour lui, afin d’être dans le pathique, il faut « être-là », nous rejoignons le Dasein d’Heidegger. C’est de l’ordre des sentiments, de la rencontre. Quand il existe un moment pathique, il s’exprime par des verbes pathiques qui comprennent toujours un mouvement.

Oury écrit qu’en français il n’y a que trois verbes de mouvement vouloir, devoir, pouvoir. Ces verbes confèrent la qualité même de l’échange affectif. Le verbe können (pouvoir) en allemand est également traduit par être-capable de cela nous renvoie au pouvoir-être.

En ce qui concerne Schotte, le verbe dürfen signifie oser, se permettre de. Un verbe important lorsque nous avons un échange avec quelqu’un.

En résumé, même si ces concepts sortent la plupart du temps du champ de la santé, de la psychiatrie et de la psychologie, il semble que la manière de voir de Von Weizsäcker permet au personnel pénitencier et à nous, d’aborder les personnes vivant en détention sur leur mode d’existence et non pas de voir qu’une pathologie ou un problème dont il faut rechercher la cause, le pourquoi d’un acte délictueux par exemple.

Nous pouvons également concevoir que dans un moment d’échange affectif en prison notamment, cela relève de la capacité d’être-là et d’oser se permettre d’être-là-dans-le-moment-présent. Ces verbes relatent un mode d’existence : la situation du vivant, la manière d’exister avec et dans le monde.

Ainsi afin de poursuivre notre compréhension du vécu des détenus lors de moments affectifs, nous voulons comprendre ce que Straus a voulu transmettre en plus des autres penseurs cités plus haut. Il critique notamment le réflexe conditionné de Pavlov et la vision dualiste de Descartes (division corps-esprit).

32 Schotte, a dirigé plusieurs séminaires sur les concepts de Von Weizsäcker : de 1969 – 1970, intitulés « questions de psychologie différentielle – se mouvoir et sentir : le cycle de la forme du fonctionnement vivant » ainsi que celui de 1984 – 1985 intitulé « une pensée du clinique, l’œuvre de V. von Weizsäcker »).
33 Ledoux, M., Récupéré le 10 mars 2009 de, http://home.scarlet.be/cep/CAHIERS/Une%20rencontre%20Schotte%20VvWeizsaecker.pdf
34 Bernier P., L’anthropologie du pathique Récupéré le 11.07.2010 de
http://www.cahiers-ed.org/ftp/cahiers9/C9_bernier.pdf
35 Ibid. Bernier P.
36 Dastur, F., Texte publié dans Les Lettres de la Société de Psychanalyse Freudienne, Questions d’espace et de temps, n° 20, 2008, p. 45-55. Temps et espace dans la psychose selon Henri Maldiney. Récupéré le 2.03.2012 de http://af.bibliotherapie.free.fr/Article%20F.Dastur.htm
37 Ledoux, M., Récupéré le 10 mars 2009 de, http://home.scarlet.be/cep/CAHIERS/Une%20rencontre%20Schotte%20VvWeizsaecker.pdf
38 Médecin-chef de la clinique la Borde, théoricien principal du courant psychothérapeutique Oury J. Les enjeux du sensible. N° 40, automne 2000. Récupéré le 10 mars 2009, de http://ouvrir.le.cinema.free.fr/pages/reperes/constel/pathique.html

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