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4.4. Impacts sécuritaires

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« La véritable liberté publique ne peut avoir lieu que lorsque la sécurité des personnes est assurée. » Montesquieu

Au rythme où se déroulent les conflits, l’Afrique croule sous le poids des violences, des atrocités, de l’insécurité. Les armes utilisées pour mener les combats sont des armes de petit calibre dont la grande majorité provient de l’extérieur du continent. Aujourd’hui on estime à plus de 500 millions, le nombre d’armes légères et de petit calibre(ALPC) qui circulent à travers le monde dont plus de 100 millions se trouveraient en Afrique(157).

De l’estimation globale, le trafic d’armes illégales représente 200 à 300 millions de dollars US, l’équivalent de 20% du commerce licite. Du fait de la multiplicité des conflits, l’Afrique est « le marché le plus rentable pour la contrebande d’armes.»(158)

Des témoignages pertinents font état des réserves d’armes de l’ex URSS qui participent au déroulement des conflits en Afrique. Le trafic d’armes étant considéré comme une pandémie supplémentaire qui menace l’Afrique depuis le début des années 90, il occupe une place importante dans les conflits que vivent certains pays du continent.

Les différents rapports de l’ONU révèlent que les trafics d’armes légères qui contribuent à entretenir les conflits en Afrique, ont fait entre sept à huit millions de morts entre 1955 et 1995(159) et que, la guerre de la République Démocratique du Congo compterait le nombre le plus élevé des victimes(160). Ces armes constituent une source de criminalité et aiguisent l’appétit des groupes prédisposés à faire acte de violence, pour régler des comptes avec leurs adversaires politiques. Au lieu d’être un moyen de défenses et de protection contre l’agresseur extérieur, les armes se transforment en outils pour régler des contentieux internes.

En Afrique subsaharienne, les besoins en armes de guerre sont permanents. Au nom de la légitime défense inscrite dans la Charte des Nations Unies, établissant le droit de chaque nation à se protéger de toute agression extérieure soit individuellement ou collectivement(161), les pays africains, en dépit de leur faibles ressources, s’empressent à se doter de tous types d’armes. Les mouvements rebelles de leur part, espérant gagner leur lutte, s’en dotent de manière illégale pour mener leurs opérations. Du coup, l’Afrique se transforme en théâtre d’une multitude de conflits, consommateurs d’armes de petits calibres. En exprimant leur « besoin énorme » en armes, Etats et rebellions font venir leurs armes de l’extérieur, faisant de l’Afrique un site privilégié aux commerces illicites d’armes. « Les faibles capacités nationales et régionales, la porosité des frontières et la propagation des conflits dans la région entravent la régulation efficace des armes légères. » (162)

Là où les armes circulent de manière illicite, se trouve une criminalité excessive. Une criminalité en bande organisée étouffe la distinction entre les violences d’ordre politique et d’origine criminelle. La facilité d’accès aux armes ravit la violence intrinsèque de l’homme africain. De l’avis des sociologues et anthropologues, la persistance et la flambée de la violence en Afrique, sont entretenues par la nature exclusive d’affrontements ancestraux du peuple africain ; un acquis historique qui se penche sur la violence physique à résoudre un problème, les exercices initiatiques en témoignent long.

Au moyen des armes, les rebelles confisquent la liberté de paisibles citoyens et commettent des actes de viols, de sévices corporels. Ils développent des circuits de pillages des ressources naturelles au profit des bandes de mafia internationales. La population elle, reste calfeutrée dans un environnement d’insécurité au lendemain incertain. Profitant de la confusion qui règne dans les territoires à conflits, et avec l’accès facile aux armes, des bandits de grand chemin font parler d’eux sur les grands axes reliant les villes ; Ils dépouillent, rackettent les opérateurs économiques, les éleveurs et autres passants dans le but de se faire de l’argent ou de s’approvisionner en vivres. De telles pratiques, réduisent les activités au sein de la population et entretient une hantise permanente, fragilise la stabilité sociale, perturbe le circuit économique et contribue au ralentissement de la vie socioéconomique du pays.

Pour se prémunir d’une éventuelle attaque des bandes armées, il se développe de plus en plus au sein de la population, l’idée de se doter en arme. Les peulhs, éleveurs transhumants ne se contentent plus de leur bâton pour accompagner les troupeaux. Sur des marchés illicites, ils se procurent d’armes et n’hésitent pas en faire usage dans une situation de malentendu avec les agriculteurs, ou les paysans qui se seraient plaints des dégâts causés par les bœufs en transhumance.

Même si les données sur les crimes consécutifs aux conflits armés en Afrique sont peu nombreuses, les indications informelles, démontrent que ceux-ci sont en perpétuelle augmentation dans un certain nombre de pays. Les rapports des ONG de droit de l’homme, des agences humanitaires en disent long sur cette question, lorsqu’elles qualifient ces pays d’Afrique d’ « Etat anarchique, fantôme, territoire de la jungle… » Les rapports des forces de défense et de sécurité, confirment ces faits qui se traduisent par la multiplication des vols à mains armées, des homicides par arme à feu, des violences en bandes organisées sans oublier la prolifération des « sectes » armées.

Avec la pollution des armes et l’insécurité grandissante, les habitants des villages s’organisent en groupe d’auto défense pour assurer la protection de leurs communes. Souvent, ils ont recours à des armes de fabrication artisanale ; mais au bout de quelque temps ils sont sollicités par un dignitaire pour rallier sa cause, lequel à son tour fournit des armes à feu, modernes que les paysans vont troquer contre les outils aratoires.

Que l’acquisition se fasse par des moyens propres ou par l’intermédiaire des rebellions, la distribution des armes en période de conflit reste hors norme. Aucune comptabilité matière ne se tient ; l’improvisation et le mode informel qui caractérisent cette action, sans compter le circuit créé pour assurer la diffusion massive des armes(163), concourent à ne provoquer qu’un climat d’insécurité qui entraine à son tour de la confusion au détriment du peuple. Si les armes conventionnelles sont souvent plus dangereuses, cependant, les armes non conventionnelles (machettes, flèches, armes de fabrication artisanale, kalachnikov, mines anti-personnelles…. qui entretiennent les conflits armés internes, provoquent plus de victimes(164).

157- 1- ALPC désigne toute arme à feu portable par un individu ou un véhicule léger, et dont le calibre est inférieur à 100 millimètres. Aussi la famille des armes légères ne manque-t-elle pas d’être vaste, incluant revolvers et pistolets à chargement automatique, fusils et carabines, mitraillettes, fusils d’assaut, mitrailleuses légères ou lourdes, lance-grenades et canon antiaériens portatifs, canons anti-char portatifs, lance missiles et lance roquettes portatifs, mortiers…. Cf. Benjamin Valverde, trafic illicite d’armes légères, septembre 2004.
2- armes de petits calibres et accessoires spécialement conçus pour un usage militaire (mitrailleuses, mitraillettes, fusils automatiques et semi-automatiques) ; les armes légères portables individuelles ou collectives (canons, obusiers et mortiers d’un calibre inférieur à 100mm, lance-grenades, armes antichars légères, armes sans recul de type lance-roquette) ; et les missiles antichars et antiaériens (missiles antichars et lanceurs, missiles antiaériens/systèmes de défense aérienne portables de type Manpads) Source : Union Européenne, Action commune européenne du 12 juillet 2002.
158- Antonio Maria Costa, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Conseil de sécurité des Nations Unies sur le trafic illicite des armes, Centre d’actualités de l’ONU, mars 2010
159- Luc REYCHLER : Les conflits en Afrique : comment les gérer ou les prévenir ? In Conflits en Afrique : Analyse des crises et pistes pour une prévention, op.cit. p.17
160- Adam HIGAZI : Les dilemmes de la réhabilitation post-conflit in LE COURRIER N° 198, p.29
161- Charte des Nations Unies, Article 51 : « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations-Unies est l’objet d’une agression armée »
162- Mme Asha Rose Migiro Vice Secrétaire Générale de l’ONU, Conseil de Sécurité des Nations Unies sur le trafic illicite des armes, Centre d’actualités de l’ONU, mars 2010
163- France diplomatie, lutte contre la dissémination des armes légères (ALPC) et leurs munitions, février 2010. www.diplomatie.gouv.fr/enjeux-internationaux/desarmement.
164- Philippe HUGON, l’économie des conflits, Armand Colin, 2001/3 –n°13, p.152-169

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