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4.2.2 Le caractère irrégulier et surréaliste de la décision du conseil constitutionnel

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Tout d‘abord, l‘on s‘était choqué de la précipitation avec laquelle le conseil constitutionnel, qui disposait de sept (7) jours pour dépouiller les 22 000 procès-verbaux et examiner le recours et les moyens invoqués par le candidat Laurent Gbagbo, avait rendu sa décision le 3 décembre 2010 à 15 heures 30. On peut douter et on doute que les membres du conseil constitutionnel aient pu dépouiller tous les procès-verbaux en quelques heures. En effet, tout porte à croire que la décision du conseil constitutionnel, qui s‘étale sur de longues pages, était prête avant même la réception du dossier et qu‘il ne s‘était agi que d‘apporter les adaptations à partir des instructions du candidat Laurent Gbagbo.

En deuxième lieu, les violences et les irrégularités sur la base desquelles le conseil constitutionnel avait invalidé globalement le scrutin dans sept (7) départements du Centre et du Nord n‘étaient pas corroborées par les faits. Les préfets et tous les observateurs, y compris les Nations Unies avaient affirmé, au contraire, que le scrutin s‘était déroulé de façon acceptable. Et puis, comment se fait-il que le conseil constitutionnel, si soucieux de justice, n‘ait pas invalidé le scrutin dans les zones de l‘ouest où des troubles sérieux et des assassinats avaient eu lieu avant et pendant le scrutin ? Voudrait-on susciter de graves divisions de caractère régionaliste avec à la clé des conflits interethniques qu‘on n‘aurait pas procédé autrement ?

Enfin, la violation de la loi portant code électoral : son article 64 nouveau, alinéa 1er, tel que résultant de l‘ordonnance de 2008 portant ajustements au code électoral, énonce : « Dans le cas où le conseil constitutionnel constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d‟ensemble, il prononce l‟annulation de l‟élection et notifie sa décision à la commission électorale indépendante(CEI) qui en informe le représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies et le Représentant spécial du Facilitateur à toutes fins utiles. La date du nouveau scrutin est fixée par décret pris en Conseil des Ministres sur proposition de la CEI. Le scrutin a lieu ou au plus tard 45 jours à compter de la date de la décision du Cours Constitutionnel. »

Comment se fait-il alors, que privant le candidat Alassane Ouattara de plus d‘un demi million de voix sur la base d‘irrégularités graves (article 64 nouveau du code électoral)en inversant ainsi les résultats, le conseil constitutionnel n‘ait pas cru devoir appliquer la loi en annulant toute l‘élection afin qu‘on la reprenne conformément à la loi ?

En imposant une telle obligation au conseil constitutionnel, celle d‘annuler l‘élection en pareil cas, la loi avait voulu restituer au peuple souverain son droit de désigner souverainement ses représentants, ici le Président de la République. Le rappeler, c‘est souligner qu‘il n‘appartient pas au conseil constitutionnel de substituer sa volonté à celle du peuple, seul arbitre en pareille situation.

Voilà qui est bien curieux et qui dénote le parti-pris du conseil constitutionnel qui ne pouvait pas ignorer la loi en la matière. Le conseil constitutionnel achève ainsi de se discréditer et de se disqualifier. La décision du conseil constitutionnel était contraire au droit ; elle était tout aussi contraire à la volonté clairement exprimée du peuple de Côte d‘Ivoire. Le problème avait cessé d‘être juridique ; il était devenu un problème essentiellement politique et moral.

La Côte d‘Ivoire a été proclamée République depuis 1958. La constitution ivoirienne du 3 novembre 1960 et celle du 1er août 2000 avaient repris et reconduit ce principe. Ce qui veut dire que le pouvoir politique appartient au peuple et que, par conséquent, le peuple est la source du pouvoir dans ce régime qui se veut démocratique.

Or, le peuple avait parlé à travers les urnes ; il avait désigné le nouveau président de la République en la personne de M. Alassane Ouattara qui avait remporté de façon claire et nette le scrutin du 28 novembre 2010.

Par conséquent, M. Laurent Gbagbo devait, en toute conscience et responsabilité, céder le pouvoir à M. Alassane Ouattara. L‘attitude qu‘observait M. Gbagbo constituait, en tous points, une usurpation, voire un coup d‘Etat. Elle traduisait un mépris souverain à l‘égard de la République et du peuple dont la volonté était ainsi bafouée.

M. Laurent Gbagbo devait se ressaisir pour que triomphe la volonté du peuple de Côte d‘Ivoire pour que cesse cette situation tragique pour le pays et pour les populations, avec l‘économie qui s‘affaissait, des assassinats çà et là, des enlèvements et disparitions de personnes, des agressions dans des mosquées aux heures de prière. A quoi s‘ajoutaient des pénuries de toutes sortes, exposant les populations à la mort.

La souveraineté de l‘Etat (qui, souvent, ici ne sert que d‘alibi) et la dignité du peuple commandent que nous sachions régler entre nous nos problèmes pour éviter les ingérences extérieures.

Et voilà que M. Gbagbo, après avoir exigé, en vain, le départ des troupes de l‘ONU, faisait appel à un comité international (extérieur) d‘évaluation sur la crise postélectorale en Côte d‘Ivoire dont les conclusions seraient rejetées dès lors qu‘elles ne lui étaient pas favorables.

M. Gbagbo et les « souverainistes » (ceux qui se disent farouchement attachés à la souveraineté nationale) devaient savoir que les problèmes nationaux se règlent en toute souveraineté par la nation ; et la nation avait décidé en élisant M. Ouattara. La question n‘était-elle pas close ?

M. Gbagbo ne devait pas céder à la tentation du pouvoir viager (à vie) ; il y a un temps pour chaque chose, il y a un temps pour chaque homme.

Comment ne pas évoquer et condamner, dans ce contexte, la confiscation des médias d‘Etat et leur utilisation à des fins de propagande, avec tous les risques de violence et de guerre civile ?

Que fait-on des droits et libertés consacrés par la constitution ivoirienne? C‘est le lieu de rappeler aux forces de défense et de sécurité l‘obligation qui leur incombait de protéger les populations dans le respect de la légalité républicaine.

Il était temps que M. Gbagbo qui se proclamait de gauche et se disait « enfant des élections », comprenait qu‘il devait céder le pouvoir au plus tôt en cessant d‘instrumentaliser la jeunesse qui avait besoin de se former et de travailler. Quand le peuple a parlé, nous devons, tous et chacun, savoir nous taire, en nous faisant le devoir de sauver la paix et la patrie en danger.

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