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3. Tentative de définition de la notion d’indissociabilité

ADIAL

Il s’agit ici de tenter de trouver une définition de la notion d’indissociabilité pour l’appliquer au couple crédit / assurance emprunteur.

a) Définition générale

De façon générale, on peut trouver dans n’importe quel dictionnaire, qu’est indissociable ce qu’on ne peut dissocier, séparer.
L’indissociabilité, qui n’est pas une notion juridique en tant que telle, peut être rapprochée de l’indivisibilité au sens de l’article 1217 du Code civil.
Ainsi, il semble que, comme pour l’indivisibilité, l’indissociabilité peut résulter d’une donnée matérielle ou d’une donnée immatérielle c’est-à-dire intellectuelle.
L’indissociabilité matérielle parait peut vraisemblable en matière de prestations fournies par des établissements de crédit.
En revanche, l’indissociabilité intellectuelle peut résulter en pratique soit de clauses contractuelles, soit de contraintes légales ou réglementaires pesant sur la banque.

Cette définition généraliste ne semble pas facilement applicable aux assurances contenues dans les packages proposés par les banques à leurs clients en raison du caractère subjectif de la notion.
Ainsi son appréciation doit être opérée au cas par cas et pourrait fluctuer d’une juridiction à l’autre ce serait source d’une grande insécurité juridique. Mais il ne fait aucun doute de l’intervention de la Cour de cassation dans une optique de régulation.
Cependant on aurait pu craindre qu’une protection à outrance des consommateurs pousse les magistrats chargés d’apprécier l’indissociabilité à qualifier les services composant les ventes groupées de services dissociables et à conclure à l’illicéité des contrats. Tel n’a pas été le cas.

Selon Monsieur B. SAINT-ALARY , l’indissociabilité pourrait revêtir trois caractères : juridique, technique ou économique.

– L’indissociabilité juridique peut être contractuelle ou légale.
Elle serait contractuelle pour des produits ou services associés répondant à des standards internationaux qui rendent difficiles les modifications.
Ce caractère est illustré par certaines cartes de paiement remises à leurs clients par les banques mais qui sont élises par des réseaux internationaux. Le contenu de ces cartes est prédéterminé par les distributeurs internationaux et répond à des accords de distribution formellement conclus. Les banques françaises distributrices n’ont donc pas le droit de séparer les différents services inclus dans ces cartes, sous peine de trahir les clauses conventionnelles.
L’indissociabilité serait légale lorsque la vente groupée est autorisée par un texte de loi comme en témoigne le droit pour le prêteur de lier la conclusion du prêt à la souscription d’une assurance emprunteur au titre de l’article L. 312-9 du Code de la consommation.

– Les critères de l’indissociabilité technique seraient fondés sur le traitement des promoteurs du produit qui nécessite une architecture spécifique.

Le démantèlement de ce produit conduirait à le rendre peu attractif dans ses fonctionnalités, dans ses objectifs ou performances.

– L’indissociabilité économique serait plutôt due à des orientations commerciales des promoteurs du produit qui voient dans sa commercialisation une manière de proposer ou de rémunérer les produits associés.

Aussi, les agents commerciaux chargés de commercialiser le produit jouent-ils sur l’effet de gamme en soulignant que les produits groupés sont soit sans fonctionnalité pris à l’unité, soit objectivement complémentaires.

b) Application de la notion d’indissociabilité au couple crédit / assurance emprunteur

Pour mieux appréhender les difficultés inhérentes à la notion de service indissociable, il convient de l’appliquer aux différentes opérations pour lesquelles les banques recourent aux ventes groupées, en l’occurrence l’octroi de crédit et l’assurance emprunteur qui est l’objet de notre propos.
En effet, même si en pratique, la vente groupée est très largement utilisée par les banques pour d’autres opérations dont notamment la remise de cartes bancaires, ce qui nous intéresse dans le cadre de notre développement, c’est la licéité des offres groupées prêts / assurances emprunteurs .

Le caractère indissociable des assurances emprunteurs a été particulièrement discuté au cours des débats parlementaires relatifs à la loi Murcef.
Les représentants de la profession bancaire souhaitaient que les assurances adossées aux crédits immobiliers soient jugées indissociables du prêt dans le texte de la loi afin que les acquis économiques et juridiques de ces opérations ne soient pas remis en cause.

L’assurance est une garantie au sens générique du terme.
Elle contribue à la maitrise du risque du prêteur au même titre que l’hypothèque ou le cautionnement.
A ce titre, le prêteur doit bénéficier d’une totale liberté dans le choix de l’assureur, la définition des risques garantis et des modalités d’exécution du contrat selon A. GOURIO .
L’assurance de groupe emprunteur permet à l’établissement de crédit de contracter avec un assureur qui présente des critères professionnels et financiers minimum.
Elle permet également d’adapter les garanties à la spécificité des crédits proposés par chaque prêteur.
Enfin, elle offre les moyens de contrôler la bonne exécution du contrat, dont la couverture effective des risques, par la perception des primes par le prêteur pour le compte de l’assureur et, dans beaucoup de cas, la délégation au premier de la gestion des sinistres.
Au plan juridique, cette imbrication se traduit pour les crédits immobiliers par un lien d’interdépendance qui assujettit le prêt à la condition résolutoire du refus d’agrément par l’assureur de l’emprunteur en application de l’article L. 312-9 du Code de la consommation.

L’indissociabilité de l’assurance de groupe emprunteur existerait donc « par nature ».
Des amendements déposés devant l’Assemblée Nationale (comme nous l’avons vu plus haut) visant à le préciser n’ont pas été adoptés parce que jugés comme étant inutiles.
Mais ils traduisent l’opinion commune selon laquelle « une assurance de groupe liée à l’octroi d’un prêt est logiquement considérée comme indissociable de celui-ci ».
Pour le rapporteur du projet de loi, Madame Nicole BRICQ, il n’était pas opportun de mentionner le caractère indissociable de ces assurances dans le projet de loi d’autant plus que l’article L. 312-9 du Code de la consommation permet au prêteur de subordonner l’octroi du crédit à l’adhésion à une assurance de groupe. Or cette disposition ne concerne que le crédit immobilier à la consommation et pour lesquels la souscription d’une assurance emprunteur est obligatoire.

En ce qui concerne tous les crédits, de façon générale, et pas seulement les crédits immobiliers soumis au droit de la consommation, chacun des deux services inclus dans l’offre ne pourra pas être acheté individuellement.
Le crédit pourra l’être bien évidemment mais pas l’assurance puisqu’aussi bien son coût que le niveau des garanties sont fixés en fonction des caractéristiques du crédit.
Les primes sont exprimées en pourcentage du capital emprunté ou du capital restant dû, et les prestations dues par l’assureur dans leur durée et leur montant, dérivent directement du plan de remboursement du crédit.
Dès lors une offre groupée d’assurance et de crédit dont chacune des composantes ne peut être obtenue individuellement, est soumise à la prohibition des ventes groupées.
En revanche, on peut affirmer que, pour ces mêmes raisons, l’assurance ainsi proposée est indissociable du crédit puisque sa conception, son fonctionnement et sa finalité son indubitablement liés au crédit.

En effet, l’assurance généralement proposée avec le crédit l’est dans un cadre collectif d’assurance dont les adhérents doivent avoir un lien de même nature avec le souscripteur selon les termes de l’article L. 141-1 du Code des assurances.
En matière d’assurance emprunteur, le lien de même nature réside dans la qualité d’emprunteur de sorte que si celle-ci fait défaut, l’adhésion à l’assurance ne peut pas être acceptée.
La tarification de l’assurance est faite en fonction des caractéristiques de la clientèle de l’établissement de crédit et de la nature des prêts auxquels l’assurance est associée.
Les prestations garanties par l’assureur en cas de réalisation des risques assurés (décès, invalidité, incapacité de travail ou perte d’emploi) sont stipulées au profit de l’établissement de crédit et viennent éteindre, à due concurrence des montants garantis, la dette de l’emprunteur.
Et lorsque ce dernier n’est plus débiteur de l’établissement de crédit, l’assurance n’a plus d’objet et prend fin.

Ainsi, l’existence, l’exécution et le terme de l’assurance sont sous la dépendance directe de l’opération de crédit, ce qui rend indiscutablement les deux opérations d’assurance et de crédit indissociables.
Elles doivent alors pouvoir se situer en dehors du champ d’application de la prohibition des offres groupées.

Il semble donc indéniable que les assurances adossées à des crédits immobiliers soumis au Code de la consommation constituent des prestations indissociables. En revanche, pour ce qui est des assurances liées aux autres crédits, la solution ne pas certaine au regard de l’article L. 312-1-2 du Code Monétaire et Financier même s’il semble que tout laisse à croire que ces offres groupées sont licites en raison de l’indissociabilité des services les composants.
Cette position est d’ailleurs confortée par un autre principe interdit par le droit de la consommation : celui du refus de vente qui n’est pas applicable aux établissements de crédit.

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