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3.2.5 La cohésion sociale

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La crise avait aussi mis profondément à mal la cohésion sociale et la sécurité. En effet, de nombreux conflits intercommunautaires s‘étaient succédés dans plusieurs régions du pays en général et à l‘Ouest en particulier(126). En outre, on assistait à la circulation illicite et à la prolifération des armes légères favorisant ainsi l‘insécurité en milieu rural et urbain. Cette insécurité accentuait la vulnérabilité des populations notamment des jeunes et des femmes exposés à la criminalité, aux vols et aux violences de tout genre.

Alassane Ouattara réussira-t-il à relever la Côte d`Ivoire ?

À peine installé dans ses fonctions de président de Côte d’Ivoire après la chute de Laurent Gbagbo le 11 avril 2011, Alassane Ouattara savait qu’il ne bénéficierait d’aucun répit. Ses urgences : redresser l’économie et, surtout, réconcilier un pays meurtri et divisé(127).Alassane Ouattara avait annoncé son intention de prendre rapidement ses fonctions au palais présidentiel d’Abidjan. Il devrait attendre plusieurs semaines, pour des raisons de sécurité. Dans un ultime geste de défi, les derniers fidèles de son rival, Laurent Gbagbo, avaient miné le bâtiment. Le nouveau président ne bénéficierait pas, non plus, d’un état de grâce, cette période de cent jours durant laquelle l’opinion faisait généralement preuve d’indulgence envers ses nouveaux dirigeants.

Les patrouilles mixtes : Selon les ONG présentes en Côte d’Ivoire, la guerre aurait déjà fait près de mille morts, dont la moitié à Abidjan. Chaque jour, on découvrait des cadavres aux quatre coins de la ville. Pour arrêter l’hémorragie, Alassane Ouattara et Guillaume Soro, son premier ministre, menaçaient de punir tous les auteurs de « crimes ». Ils travaillaient aussi à la sécurisation du pays avec les principales figures de l’armée – dont Philippe Mangou, le chef d’état-major, qui, le 12 avril, 2011 avaient fait allégeance au nouveau président devant les caméras de la télévision nationale.

Ce dernier ne leur avait pas laissé de répit : il leur avait demandé de faire des propositions dès le lendemain matin. L’objectif était d’obtenir le redéploiement rapide des forces de police et de gendarmerie et d’organiser des patrouilles mixtes avec des forces impartiales. « Le maintien de l’ordre est une priorité pour remettre le pays en marche, réparer les routes, faire fonctionner l’électricité, rouvrir les banques », avait expliqué le chef de l’État.
En attendant, les équipes de la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) et de la Société de distribution d’eau de la Côte d’Ivoire (SODECI) faisaient appel à l’ONUCI et à la force française Licorne pour faire le diagnostic des installations et remettre les réseaux en service. « Tous nos agents vont reprendre progressivement leur poste », avait indiqué Eugène Zadi, directeur général adjoint à la CIE.

Le tissu fraternel et les plaies ethno-religieuses : Mais le plus grand défi auquel le nouveau président était confronté n’était pas tant le redressement de l’économie que celui de la réconciliation. Si le Nord et le Centre lui étaient acquis, le Sud et l’Ouest avaient voté majoritairement pour Laurent Gbagbo. « Il faut recréer un tissu fraternel entre les Ivoiriens, panser les plaies ethnico-religieuses », avait Alassane Ouattara à son ami et ancien patron au FMI, le français Michel Camdessus.

Dans la foulée de l’arrestation des époux Gbagbo, il avait demandé à Jacob Zuma, son homologue sud-africain, de l’aider à mettre en place une « commission vérité et réconciliation » s’inspirant de celle qui, sous la présidence de l’archevêque Desmond Tutu, avait été chargée d’enquêter sur les crimes commis durant l’apartheid. À qui la confier ? « Les leaders religieux n’avaient pas réussi à faire taire leurs divergences pendant la crise », avait expliqué l’un de ses proches. « Il serait mieux inspiré de trouver une personnalité consensuelle, comme Seydou Elimane Diarra, l’ancien premier ministre qui avait mené les travaux du Forum de réconciliation en 2000. »

Le chantier était immense et très difficile à mener, Ouattara s’étant de surcroît engagé à ce que la justice soit saisie et rendue. Depuis la partition du pays, en septembre 2002, les deux camps s’accusaient mutuellement d’avoir perpétré des crimes contre les populations civiles. Dernièrement, de nombreuses exactions avaient été commises dans l’Ouest, en particulier dans la ville de Duékoué, et à Abidjan. Certes, le président Obama et ses pairs européens avaient demandé que toute la lumière soit faite sur ces tueries, mais il y avait fort à parier que les forces restées longtemps fidèles à Gbagbo comme les FRCI demanderaient des garanties d’impunité. Ouattara prendra-t-il le risque de sanctionner ceux qui l’ont fait roi ?

Le nouveau chef de l’État devrait également veiller à la refonte de l’armée, déjà prévue dans les accords d‘Ouagadougou. En théorie, ce dossier était du ressort du Premier ministre, qui était aussi titulaire du poste de la Défense. Mais est-il encore l’homme de la situation ? « Guillaume Soro vient de mener une guerre et reste le père de la rébellion », avait assure un proche de l’ancien président Henri Konan Bédié. « Il a perdu son crédit de réconciliateur. » Certains verraient bien le général Gaston Ouassenan Koné, un cacique du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), mener cette réforme.

L’union nationale : Désarmer ou intégrer les hommes du commando invisible dirigé par Ibrahim Coulibaly (alias « IB ») était pris comme urgence. Le retour sur la scène de l’ex-sergent putschiste aurait déplu fortement à Guillaume Soro, même si IB assurait vouloir se réconcilier avec ses anciens frères d’armes avant d‘être tué le 28 avril 2011.

Dès la sécurité rétablie, Ouattara devrait s’atteler à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale qu’il avait promis avant les élections. Il ne devrait pas avoir de difficultés à trouver les candidats dans ses rangs comme dans ceux de ses alliés, et continuerait de bénéficier des conseils de son grand frère Bédié, le leader naturel des Baoulés. Mais qui prendrait-il au Front populaire ivoirien, dont le président et les vice-présidents sont aux arrêts ou en exil ?

126 Voir en annexe le Tableau des localités à risque au point de vue de la Cohésion sociale à l‘Ouest de la Cote d‘Ivoire, OCHA-Guiglo, Mai 2009
127 Le Patriote (Côte d‟Ivoire) – 26/04/11

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