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3.2.2.2 Des systèmes de productions traditionnels

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L’arrivée des éleveurs a entraîné des modifications importantes dans l’organisation spatiale des populations traditionnelles. En effet, ils se sont approprié une grande partie des terres le long des berges, ce qui a entrainé la réduction des propriétés de « dehors » (près des berges). Le conseil de la communauté a alors attribué à chaque famille des lots de terre plus en amont au bord des cours d’eau (« au centre »). L’expansion de terre cultivée a alors été limitée par la forêt nationale, qui sera crée dans la même période (figure 17).

Ainsi, les éleveurs ont occupé les espaces les plus accessibles et parfois ont mis en place des prairies à des endroits où la terre aurait pu être beaucoup mieux valorisée: certains sols appelés « terra preta », issus des résidus laissés par les anciens campements indigènes, connus pour leur haute qualité agronomique et en général proches des actuelles habitations, sont utilisés comme prairies, alors qu’ils pourraient permettre une bonne production agricole. De la même manière, les forêts de carrasco, sols sableux à végétation naturelle basse et de faible densité, permettant de très bonnes productions de miel, sont actuellement brûlées pour mettre en place des prairies très peu productives.

Il est important de signaler en outre, l’existence de groupes d’entraides. Ces groupes d’entraides ou « puxirões » sont des groupes d’agriculteurs qui mettent en commun leur force de travail pour la réalisation d’opérations culturales ou pour d’autres chantiers particuliers. Le temps réservé aux travaux de groupe est variable, mais dans les cas rencontrés, il peut être de deux jours par semaine ou d’une semaine par mois. Un calendrier est tenu pour organiser les tours de travail. Pour chaque tour, chaque agriculteur bénéficie le même temps du groupe d’entraide.

Les puxirões sont plus ou moins officialisés, mais sont composés en général d’un coordinateur, d’un trésorier et d’un secrétaire, et dans les cas rencontrés, ils rassemblent de trois à vingt personnes. Parfois, ils peuvent être enregistrés comme groupe de travail et reçoivent des aides, par exemple de la préfecture. Certains de ces groupes mutualisent les outils de production. Cette entraide permet de réaliser des opérations culturales et travaux importants impossibles à réaliser sans l’aide de plusieurs personnes. Ces puxirões s’inscrivent dans un contexte où l’autoconsommation prédomine et où les échanges marchands sont limités, ce qui rend difficile le paiement des travailleurs. Ces groupes sont aussi un lieu d’échange, d’apprentissage et d’innovation.

Plusieurs types de systèmes de production peuvent être identifiés dans la communauté Tapixaua (figure 18).

Il existe les « éleveurs familiaux » dont l’objectif est d’augmenter la surface en herbe de leur propriété pour pouvoir augmenter leur troupeau. Ils défrichent la forêt vierge et plantent du manioc et du maïs sur des surfaces assez importantes (jusqu’à 5 ha), puis implantent des prairies une fois le manioc récolté.

Figure 16 Le développement territorial en Amazonie Brésilienne  Les défis de la mise en oeuvre d’une gouvernance et de stratégies de développement dans le territoire Baixo Amazonas de l’État du ParáFigure 16: Filière de l’Açaï (source : auteur)

Figure 17 Le développement territorial en Amazonie Brésilienne  Les défis de la mise en oeuvre d’une gouvernance et de stratégies de développement dans le territoire Baixo Amazonas de l’État du Pará

Figure 17: Usages et types de terres (source : auteur)

Figure 18 Le développement territorial en Amazonie Brésilienne  Les défis de la mise en oeuvre d’une gouvernance et de stratégies de développement dans le territoire Baixo Amazonas de l’État du Pará

Figure 18: Typologie des petits producteurs familiaux (source : auteur)

Figure 19 Le développement territorial en Amazonie Brésilienne  Les défis de la mise en oeuvre d’une gouvernance et de stratégies de développement dans le territoire Baixo Amazonas de l’État du ParáFigure 19: Localisation de l’APL Fruiticulture d’Oriximiná (source : auteur)

Ces éleveurs possèdent des prairies « en dehors » et « au centre ». Certaines prairies sont en friche et nécessitent d’être replantées. Les bords du cours d’eau sont laissés en forêt, depuis la promulgation de la loi sur les aires protégées permanentes (APP). Ce texte oblige les producteurs à laisser une zone tampon non cultivée le long des cours d’eau. En général, ces producteurs n’ont pas d’activités d’extraction. Les éleveurs emmènent leur troupeau aux varzeas de Cachoeiri pendant l’été, période pendant laquelle l’eau de l’amazone baisse et laisse apparaître de grandes surfaces de prairies naturelles. Ce système concerne une dizaine de producteurs qui ont des propriétés de 50-60ha.

Les systèmes de production, de type « diversifié », sont développés par d’anciens éleveurs qui ont diversifié leur système et conservé une activité de cueillette des fruits de la forêt, de chasse et de pêche. Ainsi, les champs sont mis en place, suivant une rotation, après défriche de forêts secondaires jeunes (6-7 ans). Les berges du cours d’eau sont enrichies en fruitiers comme l’Açai, le Muruci ou le Cupuaçu. Aussi, certaines prairies sont enrichies de différents arbres (fruitier, à noix, ou pour l’exploitation du bois) en vue de la mise en place de systèmes sylvo-pastoraux ou avec des agrumes menant souvent à l’abandon complet de la prairie comme pâturage. Ces agriculteurs ne possèdent que de petits troupeaux (une dizaine de têtes) qu’ils font pâturer quelque mois sur les prairies naturelles qui apparaissent à la confluence des cours d’eau avec le Trombetas. Cependant, ces systèmes de production engendrent souvent des difficultés d’alimentation des troupeaux au début de l’été (avant que l’eau ne baisse). Ce type de système est adopté aussi par une dizaine de producteurs qui ont des propriétés de 40-50ha.

Enfin un troisième type, le système « traditionnel » existe. Il dispose en général de moins de terre, soit parce qu’il n’était pas présent dans la communauté lors la répartition des terres, soit parce qu’il a hérité d’un lot déjà divisé. Le producteur ne dispose pas de troupeau et a une activité concentrée sur de la production de manioc et la transformation en farine, destinée à l’autoconsommation et à la vente. Parfois ces producteurs enrichissent le bord du cours d’eau (une dizaine de producteurs) avec de l’Açai, du Muruci ou du Cupuaçu. Ils pratiquent également une activité de pêche et, lorsque leur réserve forestière le leur permet, une activité de cueillette et de chasse ainsi. Ce type concerne la majorité des systèmes de production avec des tailles de propriétés qui peuvent être de 15 ha à 50 ha.

Ces deux derniers types participent souvent à des groupes d’entraide appelés puxirão.

Dans les autres communautés (Axipica et Camicha), les exploitations les plus rencontrées sont ceux de type « riberinhos », proches du type « traditionnel ». La majeure partie de la propriété est en réserve. Les producteurs n’ont pas de bovins et mettent en place un système d’abattis brûlis, avec une rotation de 5-6 ans, pour planter 1 ha tous les ans, en général de manioc. L’activité d’extraction est relativement importante pour les fruits de la forêt, mais les revenus issus de cette activité sont bien plus faibles que ceux de la farine de manioc (la farine demande en revanche beaucoup de travail !). La pêche est une activité journalière plutôt destinée à l’autoconsommation. Les efforts de diversification ont plutôt porté sur la production, proches de l’habitation, de fruits de la passion ou d’ananas. Certains conservent une activité familiale traditionnelle de construction artisanale de bateau avec leur ressource propre.

Dans ces communautés, il y a également des éleveurs familiaux. Ceux qui n’ont pas accès aux varzeas ont de grandes difficultés pour nourrir leurs bêtes au début de l’été.

Dans les trois communautés, des systèmes de production « fazendeiro » sont présents. Ceux-ci mettent en place de grands pâturages directement après brûlis. Les bovins sont systématiquement conduits à la varzea pendant l’été et, pendant l’hiver, le troupeau est réparti sur plusieurs propriétés de terre ferme. Certains conflits existent et portent sur la pollution des eaux (non-respect de zones tampon autour des cours d’eau), la dégradation des cultures et l’appropriation de la terre.

Ainsi, la production de fruits se présente comme une diversification des sources de revenus, essentiellement basées sur la production et la transformation du manioc et sur l’élevage. Des plantes telles que l’Açai ont besoin d’un apport en eau important et doivent être introduites sur la berge des cours d’eau. Les autres arbres tel que le Cupuaçu ou le Muruci, nécessitent un arrosage pendant la saison sèche, en particulier les premières années, ce qui oblige à planter les arbres fruitiers près d’une source d’eau ou près des cours d’eau. Ces espèces constituent généralement un enrichissement de la forêt secondaire du bord des cours d’eau. Des arbres sont retirés pour laisser de la place aux plants. Les plantations en lignes sont plus courantes lorsqu’il s’agit de planter dans une praire.

Un certain nombre de producteurs restent dans une logique d’extractivisme et ne valorisent pas nécessairement l’ensemble de la production des arbres fruitiers plantés.

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