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3.2.15 La sécurité publique

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L’un des défis majeurs qui se posaient au président ivoirien à sa prise effective du pouvoir le 11 avril 2011, c’était le rétablissement de la sécurité. Déjà avant ce 11 avril, précisément le 16 mars 2011, le président Ouattara avait pris une ordonnance instituant les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI)(144). Une fusion des deux forces ex-belligérantes, à savoir les Forces de défense et de sécurité (FDS) proches de l’ancien régime, et les Forces armées des Forces nouvelles (FAFN), l’ex-rébellion proche d’Alassane Ouattara, en une seule entité militaire, qui constituait ainsi la nouvelle armée ivoirienne. Cette réunification des deux forces devrait constituer le creuset de la réconciliation sur le front militaire et également un levier solide contre l’insécurité. Mais l’exécution de l’ordonnance de la mi-mars pris par le chef de l’Etat aurait connu quelques difficultés sur le terrain.

Après la guerre postélectorale, la rencontre entre les frères d’armes qui se sont livré une bataille féroce, ne s’était pas faite comme celle de deux amoureux. Conséquence : la méfiance et la crainte n’avaient pas facilité la collaboration entre militaires et patrouilles mixtes, visant à combattre l’insécurité. Il faut ajouter à cela le pillage et l’incendie des commissariats de police et brigades de gendarmerie qui avaient porté un coup à l’action des forces de sécurité. Mais aussi la chasse aux pro-Gbagbo, les exactions et autres violations des droits de l’Homme qui étaient déplorées quotidiennement.

Jusqu‘au 31 décembre 2011, on avait constaté une nette amélioration de la situation sécuritaire. Le gouvernement dirigé par le Premier ministre Guillaume Soro, également ministre de la Défense, et le ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko affichaient une réelle volonté de combattre l’insécurité et de mettre fin au désordre installé pendant la guerre. En témoigne la réhabilitation et la rétrocession des commissariats et brigades aux policiers et gendarmes, la dotation de ces forces de sécurité en moyen de mobilité pour être plus efficaces dans leur travail. Ces efforts sont à saluer.

Cependant, le chantier resterait encore vaste et nécessiterait que le gouvernement bande davantage les muscles. Et l’un des problèmes majeurs qui reste à résoudre, serait celui des éléments identifiés comme des membres des FRCI qui continueraient de commettre des exactions et autres tueries au sein des populations civiles. Des experts en sécurité estiment que si ces éléments ne sont pas absorbés dans l’Armée ou insérés convenablement dans le tissu socio-économique, ils pourraient se transformer en coupeurs de route, voleurs, braqueurs, ou alors constitueraient une main d’oeuvre moins chère pour mener des actions de déstabilisation. De la gestion de leur cas dépend donc la sécurité des Ivoiriens. « Faire libérer les différentes localités qu’occupaient les FRCI, interdire et réprimer toutes patrouilles isolées se réclamant des FRCI, procéder au regroupement de toutes les troupes sur des sites appropriés, rétrocéder les infrastructures occupées par les FRCI, faire appliquer la discipline militaire aux soldats(145). ».

Ce sont, entre autres, les missions confiées aux ex-commandants de zones (Com-zones) par leurs chefs hiérarchiques. Le 28 décembre 2011, le haut commandement militaire avait donc mis en route ses collaborateurs en direction de leurs zones respectives, à l’effet de faire appliquer les mesures prises par le Chef de l’Etat Alassane Ouattara. Cela, suite à l’exaspération du Président de la République, devant le désarroi semé par son Armée dans certaines localités. Force était de reconnaître que cette mission confiée à ces chefs militaires restait assurément herculéenne. Surtout qu’elle se déterminait dans un temps bien précis: deux semaines maximum.

Mission difficile, parce qu’il s’agissait d’inculper un autre mode de vie, une autre conduite, un autre comportement beaucoup plus républicain, à des individus, qui avaient acquis d’autres habitudes hors des casernes. Des personnes qui s‘étaient frottées à la vie civile et qui en avaient gouté aux délices, pendant de longs mois, qu’il faudrait ramener dans des « enclos ». Ces soldats parmi lesquels, de nombreux, même de plus petits, se seraient enrichis aux mamelles de canaux peu vertueux. Des individus qui en un rien de temps, avaient changé de vie de façon « argentée », qui roulaient carrosse et qui étaient les seigneurs dans les rues. Des soldats qui se permettaient tout et qui ne savaient même plus ce que c’est que la vie dans une caserne. En l’espace de deux semaines seulement, les chefs militaires devraient réussir l’exploit de ramener leurs hommes sur terre. Ils devraient les nourrir à la discipline militaire qui rime, on le sait, avec rigueur et souvent galère.

C’est là, que se situait la hardiesse de la tâche des Chefs militaires. Mais avaient-ils le choix? Redorer le blason terni, même au-delà des frontières, de l‘armée qui n’était plus citée en exemple. Une Armée crainte, non pas pour sa parfaite maîtrise de sa mission régalienne, mais pour son indiscipline caractérisée animée par des moblots incontrôlables. Une Armée plus souvent citée pour ses exactions à l’encontre des populations, au sein desquelles elle n’avait de cesse de semer émoi et désarroi.

Des événements salissant pour l’image du pays et qui avaient fini, par ne plus être du tout amusants, pour le chef suprême des armées. Alors, aux chefs militaires de mettre tout en oeuvre, pour rendre sociables leurs troupes. Et puis eux non plus, ne devraient pas oublier qu’ils jouent là, leur crédibilité avec le jaugeage de leur capacité réelle, à maîtriser leurs hommes. Leur emprise sur ces derniers.

Alors que le Conseil de sécurité des Nations Unies avait reconduit le 28/04/2011 l‘embargo sur les armes et le régime de sanctions pour la Côte d‘Ivoire, l‘insécurité persistante dans le pays empêchait l‘aide humanitaire d‘être acheminée notamment à l‘ouest du pays et dans certains quartiers d‘Abidjan, s‘était inquiété le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA)(146). « Malgré notre engagement à soutenir les populations et le gouvernement, l‘insécurité limite notre capacité à fournir de l‘assistance dans les quartiers de Yopougon et d‘Abobo à Abidjan ainsi que dans la zone de Zouan Hounien, Toulepleu et Bloléquin où l‘instabilité persiste », avait déclaré le Coordonnateur humanitaire de l‘ONU en Côte d‘Ivoire, Ndolamb Ngokwey, dans un communiqué.

Plus de 210 000 personnes avaient fui la Côte d‘Ivoire et la plupart s‘étaient réfugiées au Libéria. Jusqu‘à un million d‘autres avaient été déplacées à l‘intérieur des frontières ivoiriennes ; et des milliers de ressortissants de pays voisins qui se trouvaient en Côte d‘Ivoire avaient aussi fui la violence. La situation s‘améliorait mais les quelques troubles qui se poursuivaient créaient de nouveaux réfugiés et inspiraient de la crainte chez la majorité des autres qui voudraient rentrer. On estimait qu‘il y avait encore 500.000 déplacés internes en Côte d‘Ivoire tel que illustre la carte ci-après :

Carte XII : L’illustration des violences postélectorales et les mouvements de déplacement interne de la population en Côte d’Ivoire, situation de mars, 2011

Carte Les enjeux de la transition politique et humanitaire le cas de la crise politico-militaire et postélectorale en Côte d’Ivoire 12

Source : OCHA, Bureau Régional pour l‘Afrique de l‘Ouest et Central, Dakar, Mai, 2011

Au lendemain de la crise postélectorale, la reprise économique tant souhaitée par les nouvelles autorités de l’État ivoirien était lente pour des raisons sécuritaires(147).Aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public, l’insécurité alourdissait la reprise de la chaîne de l’économie nationale après l’arrestation de l’ancien chef de l’État Laurent Gbagbo, depuis le 11 avril 2011. En effet, malgré la bonne volonté affichée par le gouvernement ivoirien après cet évènement, la sécurité, pierre angulaire de tout développement, n’était pas encore effective.

Or, sachant qu’elle présente mieux l’image du pays à l’extérieur, le nouveau pouvoir d’Abidjan devait agir avec célérité au risque de voir l’économie nationale plonger dans une récession chronique. En effet, le voeu des populations, salariées ou non, était la quiétude et la sécurité non seulement dans leurs lieux d’habitation mais aussi au niveau de leurs milieux professionnels. Et ce sentiment était partagé par les financiers et autres potentiels investisseurs ivoiriens. Avec la circulation et la détention d’armes légères (et parfois lourdes) à Abidjan et à l’intérieur du pays, une psychose régnait à tous les niveaux.

Plus qu’avant, sortir simplement dans les rues pour vaquer à ses occupations quotidiennes était source d’inquiétude du fait de personnes armées souvent non connues des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). Dans plusieurs communes à Abidjan, des salariés, responsables de famille, étaient obligés de créer un budget sécurité pour souscrire à des cotisations afin de faire assurer la sécurité des leurs et de leur biens par des éléments se réclamant des FRCI. Les cotisations étaient différentes d’un quartier à un autre et allaient de 5000 francs Cfa à 18 000 francs la semaine.

Et les enchères pouvaient monter, selon des considérations ignorées des souscripteurs. Une retraitée habitant un quartier de Cocody avait témoigne que suite aux pillages de plusieurs maisons dans sa zone, les riverains se cotisaient 6000 francs par jour pour assurer la pitance de nouveaux gardiens armés et en treillis. Le phénomène avait été constaté dans plusieurs communes d’Abidjan, notamment dans le nord. Les chefs d’entreprise n’y échappaient pas. Plusieurs d‘entre eux avaient dû intégrer un réseau sécurisé pour réduire leur psychose.

Selon des témoignages qui avaient certainement dépassé les frontières ivoiriennes, ces patrons de société étaient tenus, pour certains de bien négocier la sécurité de leur patrimoine et pour d’autres de sauvegarder ce qui restait de leur société après la razzia des pillards pendant les évènements postélectoraux. C’était traumatisant quand on ajoute à cela tous les risques d’enlèvements de patrons de société ou chefs de service. Les cas d’enlèvement du président de SIFCA et son assistant, du directeur général de SANIA ainsi que du directeur général de NOVOTEL par des personnes armées au Plateau étaient toujours sans réponse.

Au regard de ce qui précède, il apparaît qu’un tel environnement n’était pas propice aux activités socio-économiques. Du coup, même si les patrons d’entreprise étaient conscients des efforts des gouvernants du pays, ils n‘étaient pas pressés pour redémarrer leur machine tant que la situation sécuritaire restait confuse.Pour ceux qui avaient été pillés, le temps était mis à profit pour faire l’état des lieux, discuter avec les salariés (pour la plupart en chômage technique) de leur situation et des difficultés de l’entreprise. Au regard de ce qui précède, il était donc évident que les premiers responsables des FRCI avaient du pain sur la planche. Car ils devaient absolument mettre fin à l’insécurité pour mieux rassurer les populations et les opérateurs économiques.
Vu que l’image du pays en pâtissait sur le plan international et que cela n’était pas fait pour arranger le Président Alassane Ouattara et son Premier ministre Soro Guillaume ; les bailleurs de fonds observaient. Parlant de la Côte d’Ivoire, Dominique Strauss-Kahn (lors Directeur général du Fonds monétaire international) avait dit : « J’espère que la paix et l‟ordre pourront être rétablis rapidement ». Le retour effectif de la sécurité serait un grand ouf de soulagement pour tout le monde.

A commencer par les populations ivoiriennes. Cela passait par le retour effectif de professionnels de la sécurité d’État et du maintien de l’ordre dans les commissariats de police et dans les brigades de gendarmerie ainsi que sur les grandes artères des villes. Il fallait aussi mettre fin au non fonctionnement de certains bureaux de justice et de mairie qui constituaient une source d’insécurité. Cette évolution faciliterait non seulement les opérations civiles à ces endroits mais aussi favoriserait les activités du secteur privé. C’était ce type de mécanismes qu’il fallait, selon des observateurs avertis, pour véritablement tout redémarrer sur le plan économique.

144 L’Inter – 29/12/11 par Hamadou Ziao
145 Soir Info – 30/12/11 par Kikie Ahou Nazaire
146 Connectionivoirienne.net – 29/04/11
147 Soir Info (Côte d‟Ivoire) par Hermance K.N – 04/05/11

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