Bien que le terme d’ « urbanisme » ne date que du milieu du XIXème ou début du XXème siècle selon les pays (37), le souci de développer la ville de façon cohérente est à peu près aussi vieux que la ville ; ainsi Roland Martin, dans son ouvrage sur L’urbanisme dans la Grèce antique, définit l’urbanisme comme ce qui a trait aux « aménagements de rues, travaux d’adduction d’eau, constructions de belles fontaines, constructions portuaires, travaux de fortification (38) ». Pour Platon, « le fondateur d’une ville doit se préoccuper du site, du paysage, de la culture et de la production » ; Aristote réfléchit également sur les obligations liées à la fondation et à l’aménagement d’une ville, en y ajoutant le « souci esthétique ». L’urbanisme est la production de la forme urbaine, tant physique que sociale. Ainsi les grands travaux haussmanniens ont reconfiguré le sensible : volumes, surfaces et mouvements de la ville, et par là-même ses dynamiques sociales et économiques. Dans le processus d’ haussmannisation, tout est pris en compte, de l’alignement des immeubles à la création de squares et de l’éclairage publique à la généralisation d’un mobilier urbain homogène.
Thierry Paquot développe une conception ambitieuse et responsable de l’urbanisme dans le Dictionnaire :
Qu’entendons-nous […] par « urbanisme » ? C’est la manière démocratique d’agencer les activités des citadins dans le temps et l’espace. L’urbanisme est l’art des relations, des transitions, des combinaisons. […] L’urbanisme vise un art de vivre qui, sans cesse, s’assure de l’amitié de la Nature et de la Technique. […] L’urbanisme est un problème, pas une solution. L’urbanisme questionne le devenir urbain de l’être et du monde […]. Il sert les humains dans leur quête à habiter, c’est-à-dire à être-présent-au-monde-et-à-autrui. Il est philosophique et surtout pas technique, exclusivement technique (39).
Si l’urbanisme est le devenir de la ville, où et comment commence-t-il ? Pour Daniel Pinson, « l’esthétique de la ville commence […] par son plan, son organisation d’ensemble (40) » : et le premier modèle de ville, symbolisée par un cercle divisé en quatre quartiers par le hiéroglyphe égyptien pour « ville », est une ville close, avec un centre, des artères principales séparant des fonctions de la ville, et une enceinte circulaire de protection. Cependant, cette ville de papier se heurte toujours au « génie du lieu », qui « déforme heureusement le modèle de la ville », en transformant les lignes droites et sévères en ruelles sinueuses et en perchant des châteaux sur les collines.
Avec ou sans urbaniste, la ville moderne est le résultat évolutif du temps, du lieu, du hasard et des initiatives publiques et privées. Elle est faite de pleins, en hauteur ou largeur : tours, palais du pouvoir, de l’art, des médias ou du commerce, symboles puissants et imposants ; et de vides : places, berges, jardins, tout ce que Daniel Pinson appelle l’ « esthétique du quotidien […] du piéton-résident (41)», dont la maintenance est généralement du ressort des autorités publiques. Cependant, tout comme la distinction entre espace public et espace privé devient de plus en plus délicate à saisir en ville, on constate une tendance à la coopération du public et du privé sur la place publique pour des travaux d’aménagement urbain.
37 Dictionnaire, « Urbanisme », p. 292-293 et citations et références suivantes
38 Roland Martin, L’urbanisme dans la Grèce antique, 1956, cité in Dictionnaire, « Urbanisme »
39 Dictionnaire. La ville et l’urbain, « Urbanisme », p. 293
40 Daniel Pinson, Traité sur la ville, p. 516-517, et citations suivantes
41 Daniel Pinson, Traité sur la ville, p. 521
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