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3. Méthodologie

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L’observation sur le terrain a été pour nous le principal outil de recueil de données. Nous avons donc tenu un journal de bord, qui, d’après Stéphane BEAUD et Florence WEBER, « permet d’effectuer un travail sur vous-même et un premier travail de déchiffrage sur le terrain. Dans un premier temps, vous avez forcément des idées préconçues sur ce que vous allez trouver sur le terrain. Mais ces idées restent en général confuses et plus ou moins inconscientes. Votre premier travail consiste donc non à évacuer d’emblée ces « prénotions », qui sont inévitables et même indispensables, mais à les expliciter, première étape vers une véritable « rupture », c’est-à-dire à vous obliger à les noter. » [42] Cet outil nous a donc permis d’aller plus loin, d’observer d’autres choses, de nous détacher de nos préjugés, de nos propres intérêts personnels à savoir les questions ergonomiques, esthétiques autour des objets.

De plus, « la description des lieux, des évènements, des personnes et des choses (…) requiert la précision, le sens du détail, l’honnêteté scrupuleuse du « garçon de laboratoire » qui consigne les conditions dans lesquelles s’est produit tel phénomène et la nature exacte de ce phénomène dans un « journal de bord » qui n’a, on le devine, aucun rapport avec son journal intime, sinon la présence des indications de date et de lieu. » [44] Retenons donc que cette méthode demande de la précision, de l’honnêteté, de la curiosité, de la minutie.

François LAPLANTINE met l’accent sur le souci du détail, une certaine vigilance que doit avoir le chercheur. Selon lui, « la description ethnographique en tant qu’écriture du visible, met non seulement en jeu l’attention du chercheur (…) mais un souci tout particulier de vigilance à l’égard du langage, puisqu’il s’agit de faire voir avec des mots, lesquels ne peuvent être interchangeables, tout particulièrement lorsque l’on se fixe pour objectif de rendre compte de la manière la plus minutieuse de la spécificité des situations, chaque fois inédites, à laquelle on est confronté. » [45]

La description des comportements semble, pour l’anthropologue, l’une des plus importante dans le travail d’ethnographe ; « c’est une activité résolument perceptive, fondée sur l’éveil du regard et la surprise que provoque la vision, cherchant, dans une approche délibérément microscopique, à observer le plus attentivement possible tout ce que l’on rencontre, y compris et peut être même surtout les comportements en apparence les plus anodins, « les aspects accessoires du comportement », « certains petits incidents » (Malinowski, 1993, p.77), les gestes, les expressions corporelles, (..), les soupirs, les sourires, les grimaces (…). » [46]

Afin de trouver un terrain qui soit favorable à notre premier questionnement autour de la déficience motrice, nous avons choisi d’effectuer un premier stage au sein de l’ULIS d’un collège lyonnais spécialisée en TFM (Troubles des Fonctions Motrices). Comme évoqué en introduction, nous nous attendions à y rencontrer des élèves en fauteuil roulant, se déplaçant à l’aide de déambulateurs, de béquilles, etc … Cependant, les déficiences étaient toutes autres, presque invisibles au premier regard : dyslexie, dyspraxie, dysphasie, maladie invalidante et quelques autres troubles associés purent être identifiés. Les questions ergonomiques, esthétiques autour des objets sont donc passées au deuxième plan, car peu pertinentes : en effet, d’autres interrogations s’avérèrent plus intéressantes, notamment au travers de la pédagogie mise en place par l’enseignante spécialisée.

Ce premier statut de « stagiaire » nous a permis de pouvoir observer à distance, d’une part, tout en étant directement impliquée d’autre part : se mettre à la place d’une AVS (auxiliaire de vie scolaire) par exemple. Ainsi nous sommes passée de l’observation participante à la participation observante.

Bronisław Malinowski, anthropologue britannique, définit sa méthode : « l’observation participante réclame une expédition sur le terrain qui est une expérience personnelle, scientifique et affective. Elle suppose que le chercheur bannisse tout préjugé lié à son ethnocentrisme, bien qu’il doive conserver une charpente théorique qui lui fasse pressentir les problèmes. Pour que s’instaure un dialogue ethnographique direct et concret, une intégration au moins partielle à la communauté autochtone est nécessaire, que facilitent l’acquisition de la langue du pays et l’expression d’une chaleur humaine. Partager la vie quotidienne de l’observé, ses travaux, ses bavardages, ses fêtes s’impose à qui veut appréhender sa vision de l’univers, saisir les motivations de ses actes et comprendre son système de valeurs. » [47]

La notion de participation observante est plus récente et « apparaît fréquemment comme une sorte de figure de style, ayant vocation à souligner un investissement important, ou particulièrement prolongé, au sein d’un groupe, d’une communauté ou d’une organisation. La participation entraîne inévitablement des relations de proximité, voire une intimité avec les acteurs d’un terrain. L’observation constitue pour sa part une activité « naturelle » de tout participant. Mais dans son acception académique la plus rigoureuse, elle est supposée s’appuyer sur une mise à distance objectivée de ces mêmes relations humaines. » [48]

Durant les premiers mois, nous avons mené une observation d’ensemble sur la classe, avec cependant quelques situations individuelles qui nous ont paru remarquables : complicité entre élèves et coordonnatrice, co-construction, ambiance, humour, solidarité, mais aussi des moments de solitude, de culpabilité, de stress, d’incompréhension. Il fut important pour nous de saisir les moindres gestes, manières, paroles et expressions faciales pour retranscrire de manière la plus juste ces situations uniques. Pour ce faire, nous avons tenu un journal de bord dans lequel ont été retranscrits de nombreux dialogues, répétitions de gestuelles, etc …

[42] BEAUD, Stéphane. WEBER, Florence. 2012 (quatrième édition augmentée). Guide de l’enquête de terrain. Paris, La Découverte, p.78
[43] BEAUD, Stéphane. WEBER, Florence. 2012 (quatrième édition augmentée). Guide de l’enquête de terrain. Op.cit, p.78
[44] LAPLANTINE, François. 2011. La description ethnographique. Ville inconnue, Armand Colin, p.10
[45] LAPLANTINE, François. 2011. La description ethnographique. op.cit, p.10
[46] LAPLANTINE, François. 2011. La description ethnographique. Ville inconnue, Armand Colin, p.15
[47] http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Malinowski/131349
[48] SOULIE, Bastien. Université de Caen Basse-Normandie. Observation participante ou participation observante ? Usages et justifications de la notion de participation observante en sciences sociales http://www.recherche-qualitative.qc.ca/numero27%281%29/soule.pdf

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