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3-4 De nouvelles méthodologies de travail

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3-4-1 Un changement de coeur de métier

C’est par un décret du 21 septembre 1993 qu’est créée l’appellation Conseiller d’Insertion et de Probation. La loi pénitentiaire n°87-432, relative au service public pénitentiaire de 1987 dispose à l’Art 1er : «Le service public pénitentiaire participe à l’exécution des décisions et sentences pénales et au maintien de la sécurité publique. Il favorise la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire. Il est organisé de manière à assurer l’individualisation des peines.»

Dans une décision du 20 janvier 1994, le Conseil constitutionnel a précisé que l’exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, « non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l’amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion ».

Dans cette perspective, il était écrit, dans cette circulaire du 11 novembre 2000 (22) «Le travail social à l’administration pénitentiaire présente une spécificité qui se caractérise essentiellement par : – le cadre légal dans lequel interviennent les travailleurs sociaux : l’exécution des décisions judiciaires pénales restrictives ou privatives de liberté ; – une action particulière à mettre en oeuvre : celle d’aider les personnes à surmonter les difficultés auxquelles elles sont confrontées, de favoriser leur insertion ou leur réinsertion sans récidive dans la vie sociale, en prenant en compte leur réalité sociale, économique ainsi que leurs difficultés personnelles, familiales.»

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 modifie clairement le métier de CIP en disposant art 713 : « Le service public pénitentiaire participe à la préparation et à l’exécution des décisions privatives de liberté et de certaines décisions restrictives de liberté. Il contribue à la réinsertion des personnes placées sous main de justice, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique». L’item prévention de la récidive fait ici son apparition au même niveau que la réinsertion et la mission de garde et de contrôle.

Cette notion de prévention de la récidive, qui vient se substituer à l’aide à la réinsertion sociale des personnes placées sous main de justice, a fait son apparition dès la création d’une hiérarchie par le décret n° 2005-445 du 6 mai 2005 relatif au statut particulier du personnel d’insertion et de probation de l’Administration Pénitentiaire, disposant que les personnels d’insertion et de probation « concourent, compte tenu de leurs connaissances en criminologie et de leurs compétences en matière d’exécution des peines, à la préparation des décisions de justice à caractère pénal et en assurent le suivi et le contrôle ».

Une priorité est de surcroît donnée aux aménagements de peine fortement développés depuis 2004, en détachant progressivement ceux-ci de leur finalité d’insertion pour les Personnes Placées Sous Main de Justice. « Dans le cadre de leur mission de prévention de la récidive, les personnels d’insertion et de probation jouent, par leur savoir-faire en matière de prise en charge des PPSMJ et d’évaluation des problématiques individuelles, un rôle essentiel en matière d’aide à la décision judiciaire.

Ils réalisent des enquêtes relatives à la situation matérielle, familiale et sociale des PPSMJ afin d’individualiser les mesures et les peines chaque fois que cela est possible.

Les personnels d’insertion et de probation doivent ainsi étudier, avec les PPSMJ, les modalités de déroulement de leur peine afin de proposer aux autorités judiciaires les aménagements appropriés au regard de leur situation pénale et sociale. »

3-4-2 Les programmes de prévention de la récidive

Le Ministère de la Justice a décidé, en mars 2008, de redéfinir les missions des SPIP en les centrant sur la prévention de la récidive.
La circulaire de mars 2008(23) accentue ainsi le recentrage des missions des CIP vers la prévention de la récidive en instituant les Programmes de Prévention de la Récidive comme nouvelle modalité de prise en charge des personnes placées sous main de justice :

« Concernant l’aspect criminologique, la prise en charge doit être fortement orientée sur le passage à l’acte, le repérage et le traitement des facteurs de risque de récidive et les intérêts de la victime ».

Elle vise à définir la prévention de la récidive comme principale finalité de l’action des SPIP. Elle précise que cette finalité nécessite la mise en oeuvre de méthodes d’intervention centrées sur la personne placée sous main de justice. Elle indique que la prise en charge des PPSMJ repose dorénavant sur une prise en charge aussi bien collective qu’individuelle.

Ainsi, la prise en charge doit être fortement orientée vers le passage à l’acte, le repérage et le traitement des facteurs de risque de récidive et les intérêts de la victime.

Les personnels d’insertion et de probation construisent, développent et animent des programmes sous forme de groupes de paroles qui s’inscrivent dans le parcours d’exécution des peines, tant en milieu fermé qu’en milieu ouvert.

L’Administration Pénitentiaire suit ainsi textuellement la préconisation REC(2000) 22 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe concernant l’amélioration de la mise en oeuvre des règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté et qui préconise l’instauration de « programmes d’intervention qui consistent à apprendre aux délinquants à réfléchir aux conséquences de leur conduite criminelle, à les amener à mieux se connaître et à mieux se contrôler, à reconnaître et à éviter les situations qui précèdent le passage à l’acte et à leur donner la possibilité de mettre en pratique des comportements pro sociaux. »

Ces programmes ont été expérimentés à partir de juillet 2007. Ils consistent à réunir, pendant plusieurs séances, un groupe de condamnés présentant une problématique commune, liée au type de délit commis, pour les faire réfléchir sur les conséquences de leur conduite, les amener à mieux se connaître et leur donner ainsi les moyens d’éviter la réitération des faits.

Les thématiques portent sur les infractions de nature sexuelle, les violences conjugales et familiales, la délinquance routière et le passage à l’acte lié à une addiction. Ces PPR sont inspirés des programmes mis en place au Canada dans les années 1990. Ils ont été expérimentés en juillet 2007 et en 2008, et 50 projets ont été lancés [COUR DES COMPTES 2010 p112]. Des sessions de formation continue sont proposées à l’ÉNAP depuis janvier 2009.

3-4-3 Le diagnostic à visée criminologique

Le diagnostic à visée criminologique devient le coeur de métier des CPIP. Il est « rédigé exclusivement par les personnels d’insertion et de probation et correspond à la définition la plus exacte possible de la situation et de la personnalité de l’intéressé à un moment donné.

Le diagnostic se met en oeuvre dès le premier entretien (accueil arrivant, début de prise en charge) et il est actualisé durant le parcours d’exécution de peine ou de mesure. » [Mémo SPIP n°14, 18 mai 2010].

Le métier de CPIP, fondé sur la prévention de récidive, doit désormais s’exercer dans le champ pénal et criminologique, permettant une évaluation criminologique des PPSMJ dans l’objectif d’une meilleure individualisation de la prise en charge des profils.

La DAP a initié, à partir de 2010, dans un chantier devant aboutir à la mise en place d’une méthodologie commune et homogène, le « diagnostic à visée criminologique (DAVC) ».

Cet outil, module de l’application APPI(24), permettra d’établir un diagnostic répondant à des items précis appréhendant le parcours et la situation des PPSMJ sous tous les angles, démarche au cours de laquelle il s’en déduira la nature de sa prise en charge.

Ce vaste chantier est en phase d’expérimentation dans onze sites pilotes depuis avril 2010 avec l’objectif d’assurer une meilleure continuité de suivi, notamment s’agissant de personnes condamnées à des peines mixtes. Le suivi individuel des personnes placées sous main de justice devra s’appuyer dorénavant sur l’analyse du profil criminologique des personnes concernées et sur des pratiques professionnelles tenant compte des personnalités rencontrées. Une nouvelle organisation des SPIP(25), fondée sur la mise en place d’équipes pluridisciplinaires et sur une adaptation des modalités de prise en charge, selon une typologie précise, est souhaitée par l’Administration Centrale.

A ce jour, ces évolutions ne sont pas encore à l’oeuvre sur l’ensemble des SPIP mais évaluées dans des sites pilotes.

Ainsi, le groupe professionnel des CPIP, majoritairement féminin et diplômé en droit est appelé à exercer de nouvelles missions qui l’éloignent du travail social pénitentiaire, tel que défini à la création des SPIP en 1999.

22 Circulaire relative aux méthodes d’intervention des travailleurs sociaux des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation AP 2000-07 PMJ2/21-11-2000 NOR/: JUSE0040086C
23 Circulaire de la DAP n° 113/PMJ1 du 19 mars 2008 relative aux missions et aux méthodes d’intervention des services pénitentiaires d’insertion et de probation NOR JUSK0840001C
24 Le logiciel APPI (Application des Peines Probation Insertion) est un outil informatique commun au service de l’application des peines et au service pénitentiaire d’insertion et de probation, qui permet la gestion des mesures dont ils ont la charge. Son utilisation donne accès à une information sur la mise à exécution des sanctions prononcées. Circulaire relative aux aménagements de peine et aux alternatives a l’incarcération CRIM 2006-09 E3/27-04-2006 NOR : JUSD0630051C Alternative à l’incarcération Aménagement de peine Application des peines Exécution des peines Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 Loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 Décret n° 2004-1364 du 13 décembre 2004.
25 Voir en Annexe 3 p 160

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