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2.La majoration du montant de la licence indemnitaire

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En principe, quand le titulaire n’exploitait pas lui-même son droit de propriété intellectuelle, il
ne devait recevoir que le prix de la licence perdue, soit le montant des redevances. Seule cette
solution était réellement conforme au principe de réparation intégrale du préjudice.

Cependant, une jurisprudence bien établie calculait le préjudice subi par le titulaire du droit
victime de contrefaçons sur la base d’une redevance indemnitaire dont le taux était majoré
pour tenir compte du fait que le contrefacteur s’était dispensé d’autorisation. Cette
jurisprudence n’était pas nouvelle puisque déjà en 1985, le Tribunal de Grande Instance de
Paris énonçait que lorsqu’il s’agissait d’une redevance indemnitaire « le taux doit être
nécessairement supérieur au taux librement consenti aux licenciés afin de conserver un
caractère dissuasif à l’égard des contrefacteurs »(40). De même, en 1991, la Cour d’appel de
Paris énonçait « selon les usages en la matière, le taux de la redevance indemnitaire est
déterminé par référence au taux que le breveté peut être amené à pratiquer dans le cadre
d’une licence librement consentie à un tiers exploitant dans des conditions similaires et est
majoré pour tenir compte du fait que le contrefacteur n’est pas un licencié contractuel qui a
débattu librement du taux qui sera appliqué et qu’il n’est pas en position de refuser les
conditions qui lui sont imposées »(41). Ainsi, la majoration de la licence venait punir le
contrefacteur à qui l’on « imposait » des conditions, du fait qu’il avait lui-même au préalable
« imposé » en quelque sorte une exploitation au titulaire de son droit de propriété
intellectuelle.

Plus récemment, le TGI de Paris a même condamné un contrefacteur de brevet à payer une
redevance au taux de 10% alors que son taux habituel pouvait être évalué à 5%. Dans cette
affaire, le Tribunal doublait donc le taux de la redevance et justifiait cela par le fait que « le
contrefacteur s’est placé dans une position ne lui permettant pas de discuter les termes du
contrat »(42).

Une telle majoration des taux des redevances indemnitaires ne semblait même plus faire
figure d’exception en jurisprudence. La Cour de cassation avait même déjà eu l’occasion
d’approuver une telle pratique(43).

En droit d’auteur spécifiquement, les décisions faisaient moins nettement apparaître que la
réparation du préjudice se basait sur une licence indemnitaire même si le même principe
prédominait. Dans ce domaine aussi l’on relevait des cas jurisprudentiels caractérisant l’idée
de peine privée.

Ainsi par exemple dans une affaire de contrefaçon de photographies, le contrefacteur se
prévalait du barème de la société de gestion collective gérant les droits patrimoniaux en cause.

Le Tribunal de Grande Instance de Paris avait énoncé que la société d’éditions contrefactrice
ne pouvait se prévaloir de ce barème puisque les reproductions n’avaient pas été autorisées(44).

C’était donc clairement énoncer ici aussi que le contrefacteur devait payer plus que le tarif
habituel, en raison de l’absence d’autorisation préalable d’exploiter les photos.

Dans un autre arrêt concernant à nouveau une contrefaçon de photographies, la Cour d’appel
de Versailles avait relevé que si le photographe avait consenti à la reproduction de ses oeuvres,
il aurait pu percevoir la somme de 4 000 francs dans l’hypothèse d’une diffusion de 5 000
exemplaires et la somme de 6 000 francs dans celle d’une diffusion n’excédant pas 10 000
exemplaires. Mais la Cour relevait qu’il convenait « de prendre en compte le caractère fautif
d’une reproduction sans autorisation » et évaluait finalement le préjudice patrimonial en son
entier à la somme de 20 000 francs(45). Dans cette espèce, la Cour faisait donc plus que tripler
la redevance au titre du caractère fautif de l’exploitation sans accord de l’auteur.

Ces exemples démontrent que le principe de la réparation intégrale était mal adapté pour
réparer les préjudices causés par la contrefaçon car ne prenant pas en compte l’aspect
dissuasif, bien que la nature spéciale de l’action en contrefaçon pouvait le justifier.

Les juges étaient donc souvent conscients de la nécessité d’accorder plus que la stricte réparation
du préjudice, certains franchissant le pas, d’autre non. Mais, avec un auteur, l’on pouvait
douter de l’effet véritablement dissuasif de ces peines privées officieuses : « L’effet préventif
n’a pas lieu car le contrefacteur qui espère déjà ne pas être pris, espère ensuite, s’il est pris,
que le juge ne le sanctionnera que faiblement. Il faut donc rendre le système prévisible, pour
rendre la sanction plus effective »(46).

40 TGI Paris, 30 janv. 1985, « Voegtlin c./ G.I.E APPA », D. 1986, I.R, p. 136, obs Mousseron.
41 Paris, 12 nov. 1991 : PIBD 1992, 519, III, 194.
42 TGI Paris, 9 févr. 2006, « Neopost Industrie et autres c./ Pfe International et autre », PIBD 2006, 830-III-350
43 Cass. com, 19 fév. 1991, J.-L Piotraut et P-J Dechristé, Jugements et arrêts fondamentaux de la propriété
intellectuelle, Tec et Toc, 2002.
44 TGI Paris, 11 oct. 2000, « ADAGP c./ Sté Editions Alternatives » : RIDA, avr. 2001, p. 386.
45 Versailles, 5 nov. 1998, « Sté Arkadia c./ Jean-Pierre Leloir » : RIDA, avr. 1999, p. 367.
46 M. Béhar-Touchais, « Comment indemniser la victime de la contrefaçon de façon satisfaisante » ?, préc.

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