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2.4. REVUE DE LA LITTERATURE

Non classé

Afin de mieux cerner les contours de cette étude, il a été jugé judicieux d’entrer dans la littérature existante et disponible pour mieux appréhender : (i) la microfinance au Cameroun, (ii) l’accès aux services financiers en milieu rural, (iii) la microfinance et le genre ainsi que (iv) le débat entre welpharistes et institutionnalistes en microfinance.

2.4.1. La microfinance au Cameroun

Au Cameroun, la microfinance sous sa forme traditionnelle (tontine) date de plus d’un siècle. Cependant, elle a démarré de manière formelle en 1963 avec la création de la première coopérative d’épargne et de crédit (dite « credit union » ou caisse populaire) dans la zone anglophone du pays sous l’impulsion de missionnaires hollandais (Elouna, 2007).Le même auteur continue en disant que la microfinance n’a cependant connu un essor remarquable et ne s’est diversifiée qu’à partir du début des années 90 à la faveur de la loi N°92/2006 du 14 Aout 1992 relative aux Sociétés Coopératives et aux Groupes d’Initiatives Communes ainsi que le décret N°92/455/PM du 23 novembre 1992 fixant les modalités d’application de la loi précitée annulant pratiquement la vieille loi N°73/15 du 7 décembre 1973 portant sur le statut des sociétés coopératives au Cameroun et son décret d’application N°74/874 du 29 octobre 1974 . Ce qui va conduire à de nombreuses innovations et diversifications dans le secteur de la Microfinance.

Ainsi, d’autres types d’institutions apparurent telles que :

– les institutions développées de manière endogène comme les MC² (Mutuelles Communautaires de Croissance) avec l’assistance technique de l’ONG Appropriate
Development for Africa Foundation (ADAF) sous le parrainage d’Afriland First Bank ;

– les Caisses Villageoises d’Epargne et de Crédit Autogérées (CVECA) et les Caisses d’Epargne et de Crédit Autogérées(CECA) qui ont formé le réseau A3C appuyées par l’ONG Microfinance et Développement (MIFED) à travers le Projet Crédit Rural Décentralisé du Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural, la BICEC et deux institutions françaises : le Centre International pour le Développement et la Recherche et l’Agence Française de Développement ;

– les Coopec (Coopératives d’Epargnes et de Crédits) exclusivement pour femmes notamment : les Coopératives d’Epargne et de Crédit pour Promotrices (CEC Prom) avec l’appui de l’Agence Canadienne pour le Développement International (ACDI) et la Mutuelle Financière de Femmes Africaines (MUFFA) qui est appuyée par Afriland First Bank et l’ONG ADAF ;

– les institutions qui n’offrent que du crédit, cas d’ACEP Cameroun (aujourd’hui transformé en Etablissement de Microfinance de deuxième catégorie), Cameroon Gatsby Foundation (CGF) et Advans Cameroun qui a été créé en août 2006 avec la Société Générale de Banques au Cameroun(SGBC) comme actionnaire ;

– de nombreux projets de développement ou agro-industriels avec un volet crédit. C’est le cas de la Société de Développement du Coton (SODECOTON), de la South-West Développement Authority (SOWEDA), PREPAFEN, etc…

Au regard de tout cela Ongolo (2011) affirme que la microfinance a connu un essor prodigieux au cours de ces dernières années. Il continue dans cette lancée en disant qu’elle se restructure lentement en consolidant les acquis du passé. Néanmoins, le secteur de la Microfinance reste exposé principalement à l’exercice illégal de l’activité de Microfinance.

En effet, certaines structures évoluent sans agrément et d’autres agréées pour l’exercice des activités de Microfinance de 1ère catégorie se risquent à la réalisation des opérations dévolues aux EMF de 2ème catégorie. Cette situation est préjudiciable à l’image du secteur et a souvent conduit à la fermeture de nombreux EMF. Par conséquent, l’évolution des activités en ressort quelque peu timorée (Ongolo, 2011).

Au 31 décembre 2010, le secteur de la microfinance compte 440 EMF repartis en 186 EMF indépendants et 254 EMF affiliés à un réseau. Le secteur dispose de cinq (5) réseaux agréés : CAMCCUL (177 EMF), CVECA Centre (33 EMF) et CVECA Grand Nord (8 EMF), CMEC Ouest (19 EMF), CMEC Nord-Ouest (8 EMF). Le secteur est dominé par les EMF de première catégorie qui représentent 94 % des établissements agréés au Cameroun. Un réseau CMEC Grand-Nord (9 EMF) ayant eu l’avis conforme de la COBAC n’est encore agréé (Ongolo, 2011).

Parlant de couverture géographique, le Ministère des Finances à travers sa direction chargée du trésor estime que les EMF déploient leurs activités à travers 998 agences dont 525 sont installées en zone urbaine et 473 en zone rurale. Les implantations urbaines se retrouvent principalement à Douala (169) et à Yaoundé (155 agences). Ces points de vente sont généralement ouverts par les EMF de 1ère catégorie (718 agences), en particulier par ceux évoluant en réseau qui recensent 389 agences dont 230 pour le réseau CAMCCUL.

L’extension des activités a été, en partie, freinée par la baisse du nombre de guichets. Celui-ci est passé de 1 111 à fin septembre 2007 à 983 à fin 2008. L’augmentation de la clientèle constatée lors de la dernière enquête se poursuit en 2008, malgré la réduction du nombre de guichets. En dépit d’un recul passager constaté entre la dernière enquête et le 31 décembre 2007 (54 828 clients), la clientèle du secteur enregistre une croissance de 18% en variation annuelle au 31 décembre 2008, pour s’établir à 1 073 621 clients (Ongolo, 2011).

2.4.2. L’accès aux services financiers en milieu rural

La mise à disposition de services financiers sûrs (épargne, crédit, transfert d’argent et assurance) en milieu rural peut jouer un rôle primordial dans le développement rural. A cet effet, Schlaufer et al (2008) présentent 7 rôles que peuvent jouer ces services financiers de proximité dans l’arrière-pays :

1. Des systèmes d’épargne et d’assurance aident les populations rurales à réduire leur vulnérabilité face aux risques, à mieux planifier l’avenir, à épargner en vue d’investissements, à atténuer ainsi l’irrégularité des revenus et à faire face aux dépenses imprévues. Ce dernier point est tout particulièrement important dans les régions rurales où les revenus dépendent des cycles agricoles.

2. Des prêts pour investir et disposer d’un capital humain : les prêts sont un moyen essentiel pour permettre aux entrepreneurs ruraux d’investir, de saisir des opportunités économiques et d’acquérir des intrants agricoles et du capital humain. Utilisés pour la consommation à court terme et en cas d’urgence, ces prêts permettent aux ménages d’éviter des situations difficiles pouvant conduire à la vente des biens. Toutefois, s’endetter a son revers. En effet, des débiteurs pauvres ont parfois de la peine à rembourser leurs dettes en raison de circonstances indépendantes de leur volonté (maladie, vol, catastrophes naturelles) ou d’un manque de connaissances et d’investissements inadéquats.

3. Les services de transfert d’argent permettent aux gens qui quittent les régions rurales pour aller travailler en ville ou à l’étranger d’envoyer de l’argent à leur famille par exemple en toute sécurité et à un prix abordable.

4. Les prêts entre parents, amis et voisins : les entrepreneurs puisent généralement dans les économies de la famille ou empruntent à des amis pour financer leurs petits investissements et, dans l’urgence, les gens ont tendance à emprunter à des connaissances. Le remboursement se fait le plus souvent sans intérêts.

5. Les prêteurs (sur gage) : en l’absence d’institutions financières formelles, les gens s’adressent à des prêteurs. Ceux-ci demandent souvent des taux d’intérêt usuriers, et ont même parfois recours à la violence pour obtenir le remboursement. D’un autre côté, les prêteurs peuvent fournir de l’argent rapidement en cas d’urgence et ne demandent pas de garantie.

6. Les systèmes d’entraide communautaire : les groupes d’entraide, les associations de crédit/épargne rotatif ou les mécanismes d’épargne et de crédit basés sur la communauté sont des instruments efficaces pour encourager l’épargne, offrir des assurances à petite échelle et éviter l’endettement à des taux d’intérêt exorbitants.

7. À défaut de banques et d’agences financières officielles, le transfert d’argent est souvent effectué par des chauffeurs de bus ou des tenanciers de petits magasins qui collaborent avec les réseaux de migrants étrangers. Ces services sont de meilleurs marchés que ceux des opérateurs officiels, mais ils ne sont pas toujours aussi sûrs et fiables.

2.4.3. Microfinance et genre

La fourniture de comptes d’épargne, des prêts, des produits d’assurance, des transferts d’argent (de services financiers) pour les femmes et les hommes pauvres par le biais d’initiatives de microcrédit a considérablement bénéficié à ceux qui ne sont pas desservis par les systèmes bancaires ordinaires (FAO, 1998). La FAO continue dans le même sens en notant que les barrières culturelles, le manque d’accès à l’instruction et les problèmes juridiques (par exemple titres de propriété et droits de transmission limités, faible reconnaissance des femmes, analphabétisme etc.) empêchent souvent les personnes pauvres d’obtenir des financements de la part des banques. Le même auteur pense également que les agriculteurs sans terre et les femmes sont en particulier exclus des services financiers officiels par manque de garanties.

En outre, les faits démontrent que pour les pauvres, une augmentation de revenus leur permet d’investir dans une vaste gamme de ressources comme une meilleure nutrition, l’amélioration de la santé, l’accès à l’éducation, un meilleur toit pour leurs maisons et le développement de leur petite entreprise (Quisumbing et Maluccio, 1999).

– Pourquoi l’attention à la problématique de genre dans la microfinance ?

Traditionnellement les femmes ont bien moins de choix que les hommes en ce qui concerne l’accès au crédit et aux autres services financiers. En effet, Daley-Harris (2004) dans un rapport affirme que depuis que les services de microcrédit ont débuté, les femmes ont un meilleur taux de remboursement que les hommes pour les prêts de microcrédit. Par conséquent, elles ont été spécifiquement ciblées par les pourvoyeurs de services de microcrédit. En 2005, 3 133 institutions de microcrédits ont atteint 113 261 390 clients, dont 81 949 036 étaient parmi les plus pauvres lorsqu’ils ont contracté leur premier prêt. De ces clients les plus pauvres, 84.2 % ou encore 68 993 027 sont des femmes. En supposant cinq personnes par famille, les 81.9 millions de clients les plus pauvres atteints à la fin de l’année 2005 cela fait 410 millions de membres de familles (Daley-Harris, 2004).

Le microcrédit a été largement investi, depuis 20 ans, par les acteurs de la mondialisation, au point d’être promu comme un “remède miracle”(Hofmann et Kamala, 2003) pour les femmes pauvres ou “vrais pauvres” comme les appelle Brunel (2000) et leurs familles.

Toutefois, la microfinance n’a pas que des effets en matière de lutte contre la pauvreté au sens strict. En fait, elle permettrait également d’impulser un “empowerment” – sorte “d’attribution de pouvoir”.

C’est ainsi que les inégalités liées au genre doivent être ciblées dans chaque intervention de lutte contre la pauvreté.

C’est sans doute la raison pour laquelle le Cameroun dans son Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE), en matière de genre, stipule en ses points 267 et 268 de la page76 :« Pour la promotion du genre, le Gouvernement va poursuivre la sensibilisation des parents et de la communauté notamment dans les zones rurales à fortes pesanteurs des coutumes traditionnelles pour permettre à la jeune fille de bénéficier des mêmes conditions d’accès à l’éducation. Dans le même souci, l’Etat et la communauté veilleront à une représentativité équitable des filles, tous secteurs confondus pour ce qui est de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur ou de l’accès à l’emploi.

Un accent particulier sera mis sur les conditions favorables à l’épanouissement de la femme et sa meilleure contribution au développement socio-économique, ainsi que sur l’encadrement des enfants, des jeunes et des femmes par la création et la réhabilitation des structures d’encadrement. L’Etat favorisera l’initiation et la formation des femmes aux techniques culturales appropriées capables de réduire la pénibilité de leurs tâches et d’améliorer leur rendement et leur aptitude à commercialiser leur production. Par ailleurs, un soutien social sera apporté aux femmes et aux enfants en situation difficile ».

– Accès et contrôle des femmes aux ressources productives, gages de crédits

La terre est un moyen de production important dans les activités économiques et une source principale de revenus en milieu rural. Fon (2011) dans une étude faite dans la région du Nord-ouest Cameroun, constate que la majorité (75.7%) des femmes de cette localité ne contrôle pas les terres arables. Le même auteur relève que les femmes rurales ont accès à des terres arables à travers leurs familles, mais ne contrôlent pas ces terres, il n’existe pas de corrélation entre l’accès et le contrôle des terres arables.

Comme la terre, le capital financier est aussi un moyen de production et de gage de crédits (épargne préalable). Or, la représentation des femmes est bien plus importante que celle des hommes parmi les personnes les plus pauvres dans le monde. Dans son Rapport sur le Développement Humain de 1995, le PNUD (1999) rapportait que 70% des 1,3 milliards de personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour étaient des femmes. Selon le Rapport sur l’état de la Campagne du Sommet du Microcrédit en 2001, 14,2 million des femmes les plus pauvres ont maintenant accès à des services financiers ou encore au capital à travers des institutions spécialisées de microfinance (IMF), des banques, des ONG, et autres institutions financières non bancaires (Reed, 2001).

2.4.4. Débat entre welpharistes et institutionnalistes en microfinance

La microfinance et plus particulièrement le microcrédit, tel que pratiqué depuis les années 1970, a révolutionné notre façon de voir les pauvres, les causes de leur état et les remèdes à appliquer afin de les extraire (Dugas-Iregui, 2007). Malgré les innombrables difficultés méthodologiques qu’implique toute étude d’impact (Morduch, 1999), il existe aujourd’hui un consensus plus ou moins établi sur le potentiel ou l’efficacité général du microcrédit en terme de réduction de la pauvreté et de la vulnérabilité des populations participantes (Otero,1999) mais aussi de profonds désaccords sur la façon de faire évoluer le mouvement.

Le débat entourant la meilleure façon d’alléger la pauvreté à travers les institutions de microcrédit semble particulièrement important aux vues de ce contexte à l’intérieur duquel il s’inscrivent. Deux camps et deux visions : la vision welphariste et la vision institutionnaliste s’affrontent sur ce terrain, chacune défendant leur vision de ce que devrait être les priorités et le rôle des institutions de microfinance bien qu’elles partagent le même objectif de base : celui de réduire la pauvreté.

Par ailleurs, les tenants de ces deux approches s’entendent sur l’objectif suscité mais s’opposent néanmoins sur un nombre important d’enjeux s’y rattachant. Cette opposition est si vive qu’elle a été désignée comme le « schisme de la Microfinance » (Morduch, 2000).

L’approche institutionnaliste vise en fait à la création d’institutions financières vouées à servir des clients qui ne sont pas servis ou qui le sont insuffisamment par le système financier formel (Woller et al, 1999). Elle prône la création d’un système parallèle d’intermédiaires financiers viable qui servirait les pauvres. La thèse des institutionnalistes repose donc sur l’idée que le microcrédit, aussi efficace soit-il, ne fera jamais de véritable différence sur le niveau général de pauvreté dans le monde si ses opérations dépendent du financement des donneurs (Dugas-Iregui, 2007). Dans la même logique, les institutionnalistes pensent qu’une Institution de Microfinance viable « motivée par la rentabilité » (Woller et al, 1999) et opérant à grande échelle servira plus de clients très pauvres qu’une IMF dont l’objectif est le ciblage et la provision de service à cette même clientèle. Pour cette approche, toute forme de subvention n’est justifiée que pour couvrir les coûts de départ d’une IMF et doit être clairement circonscrite dans le temps. Les mêmes auteurs indiquent que les frais d’intérêts liés aux prêts consentis aux pauvres doivent refléter les coûts d’opérations pour l’institution. En somme, l’approche institutionnaliste considère que la pérennité institutionnelle des Institutions de Microfinance nécessite l’autosuffisance financière, qui est la mesure du succès d’une IMF (Woller et al, 1999).

C’est vers 1998 que la réplique de ceux qui s’appelleront dorénavant les welpharistes s’organise. Leur position s’articule en fait autour des écrits de Jonathan Morduch (2000) et de Woller et al(1999), tous disent que la viabilité d’une IMF serait plutôt la conséquence de la « capacité d’un programme à produire un résultat suffisamment valorisé par ses bénéficiaires et ses commanditaires de telle façon qu’il reçoive assez de ressources et d’intrants pour continuer leur production ». Ces auteurs soutiennent que, dans la mesure où la survie de l’institution dépend de sa capacité à dégager des profits afin d’attirer le capital privé, la mission social risque d’être reléguée au second plan. Ils dénoncent également la logique selon laquelle l’autosuffisance financière équivaut à l’amélioration du bien-être des populations.

L’approche welphariste est mise en pratique par les IMF de type « familial » (celle faisant du poverty lending). Elle ne vise pas à proprement parler d’éfficacité économique, mais opère plutôt d’un point de vue d’équité sociale et tente de « soulager immédiatement le fardeau quotidien de la pauvreté, comme premier pas aidant les gens à échapper à la pauvreté à long terme » (Dunford, 1998). Les IMF répondant à ces impératifs visent une clientèle composée des plus pauvres, des pauvres économiquement actifs et le but visé est l’autoemploi (Dugas-Iregui, 2007).

Dugas-Iregui (2007) continue en disant que les prêts sont souvent réservés aux femmes car, non seulement elles démontrent de meilleurs taux de remboursements mais aussi le contrôle des revenus et de l’épargne du ménage par ces dernières aurait un effet d’ « empowerment » leur permettant d’améliorer leur condition ainsi que celle de leurs enfants.

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