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2.3 Les travaux empiriques

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Après avoir présenté les raisons qui expliquent pourquoi l’entreprise privée est plus efficace théoriquement que son homologue publique, il convient de mettre à l’épreuve des faits observables de cette proposition. Les paragraphes suivants proposent une revue de la littérature consacrée aux travaux empiriques traitant la relation privatisation et performance des entreprises. Ces travaux se groupent en deux catégories. La première concerne des travaux réalisés à partir d’une approche dite historique, tandis que la seconde est une approche synchronique.

2.3.1 Comparaison des performances des entreprises avant et après leur privatisation

Plusieurs travaux ont été menés sur la relation entre la privatisation et la performance des entreprises en adoptant cette approche.

Megginson Nash et Van Randenborgh (1994) ont fait une analyse comparative de la performance financière de 61 entreprises appartenant à 31 industries privatisées partiellement ou entièrement pendant la période 1961 à 1990. L’échantillon des entreprises concerne 18 pays (12 pays industrialisés et 6 pays en voie de développement). Les résultats de leurs travaux montrent que les entreprises privatisées ont amélioré significativement leur ratio d’investissement, d’endettement, d’efficacité et de productivité. En outre, ils ont remarqué que les entreprises étudiées sont devenues plus rentables, que leurs ventes ont augmenté de même que les dividendes payés aux actionnaires. De plus, ces entreprises diminuent sensiblement leur niveau d’endettement. Ils ne remarquent aucun déclin dans le niveau d’emploi après la privatisation (dans 64% des cas le niveau d’emploi s’est accru). Par ailleurs, ils observent des changements importants dans la taille et la composition du conseil d’administration.

Galal, Jones, Tandon et Vogelsang (1994) évaluent les gains et pertes de bien être pour 12 ENP opérant dans quatre pays dont trois en développement (Mexique, Malaisie et Chili) et un développé (Grande-Bretagne). Les auteurs trouvent un gain en bien-être dans 11 cas sur 12. Ces gains sont dus en grande partie à une amélioration de la productivité, une augmentation des investissements et une révision de la politique des prix. La productivité augmente dans neuf cas sur 12 et reste inchangée dans les trois cas restants. Par ailleurs, leur analyse de l’allocation des coûts et bénéfices de l’ajustement pour différents groupes d’agents économiques révèle que les travailleurs n’ont jamais été perdants.

Newberry et Pollitt (1997) ont étudié la privatisation de l’une des grandes compagnies d’électricité en Grande-Bretagne (Central Electric Generating Board). Ils remarquent une amélioration significative de la performance de l’entreprise après sa privatisation, mais nuancent leurs conclusions en observant que les consommateurs et les gouvernements sont les perdants (notamment à cause de la hausse vertigineuse des tarifs), alors que les actionnaires eux jubilent en accumulant des bénéfices financiers gigantesques.

Boubakri et Cosset (1998) ont évalué les résultats de la privatisation pour un échantillon de 79 entreprises, dans 11 pays en voie de développement dans trois catégories de pays. Les auteurs observent des augmentations significatives en moyennes de la rentabilité (6,05%) ; de l’efficience (24,79%) ; des niveaux de production (25,29%) ; de l’emploi (2,65%) ; du taux de distribution de dividendes (14,5%) ; des dépenses d’investissement (13,23%) et des diminutions significatives du levier financier (44,16%) trois années après la privatisation de ces entreprises. Les résultats montrent aussi l’importance de la structure du marché dans lequel œuvrent les entreprises. Plus particulièrement, les entreprises évoluant dans des activités concurrentielles semblent être plus efficientes que celles fonctionnant dans un contexte non concurrentiel. L’analyse des auteurs suggère que la composition du conseil d’administration a subi des changements majeurs à la suite de la privatisation et que l’amélioration dans la performance est d’autant plus grande que ces changements sont importants.

Boardman et al. (2000) ont examiné la performance de 9 sociétés d’Etat canadiennes privatisées entre 1988 et 1995 en comparant leur performance 5 ans avant leur privatisation et 3 ans après. Les auteurs concluent que le retour sur les ventes de même que le retour sur l’investissement de ces entreprises ont pratiquement doublé suite à leur cession au privé et que les entreprises ont également enregistré des performances au-dessus de la moyenne du marché.

Harper (2001) étudie l’impact de la privatisation sur la performance de 178 entreprises publiques tchèques. L’auteur trouve que l’efficacité et la rentabilité diminuent immédiatement après la privatisation. Il aboutit aussi au résultat selon lequel la nature de la préparation de la privatisation influence la performance de la firme une fois que celle-ci est privatisée. Ce qui modifie la performance des sociétés privatisées est en grande partie la manière dont la privatisation est menée. Transparence, rapidité et homogénéité dans les procédures sont des facteurs importants de performance post privatisation.

Dumontier et Laurin (2003) étudient les effets de la stratégie de l’État sur la performance de la firme en France. Les auteurs trouvent que la privatisation a un impact positif sur la performance de la firme. Ils constatent que durant la période de leur nationalisation les entreprises françaises considérées n’ont pas connu une baisse de leur performance financière. La raison se trouve peut-être dans la durée relativement courte de leur période de nationalisation.

Peu d’études ont été réalisées sur des entreprises en Afrique, parmi les travaux dignes de mention sur l’impact des privatisations sur la performance des entreprises. On peut sans doute mentionner celui entrepris par Boubakri et Cosset (1998). Les auteurs ont examiné les performances pré versus post-privatisation de 16 anciennes sociétés d’État privatisées entre 1989 et 1996 et concluent que même si les entreprises semblent avoir accru leurs dépenses d’investissement, celles-ci ont enregistré des améliorations peu significatives en ce qui concerne leur profitabilité, leur efficience, leur productivité ainsi que leur niveau d’endettement.

En Afrique Occidentale, Jones et al. (1999) ont examiné l’impact de la privatisation sur la performance de 81 entreprises publiques ivoiriennes évoluant dans divers secteurs (agriculture, agro-industries, infrastructures, etc.). Les auteurs en sont arrivés aux conclusions ci-après : (i) les sociétés d’État ivoiriennes ont été plus performantes suite à leur privatisation ; (ii) leurs résultats sont supérieurs à ceux qu’elles auraient obtenu si elles restaient sous le giron étatique ; (iii) les privatisations en Côte d’Ivoire ont contribué de façon générale à l’amélioration du mieux-être de la population. Des résultats similaires avaient déjà été obtenus par Campbell et Bhatia (1998) en ce qui a trait aux privatisations en Afrique subsaharienne. Cependant, les recherches menées par Shirley (1998) à la même période dans une douzaine d’entreprises réparties six pays en voie de développement parviennent à des conclusions contradictoires. L’auteur fait remarquer que dans seulement très peu de cas, les firmes privatisées sont parvenues à améliorer leur performance en termes de productivité et de rentabilité.

Jones et al, (1999) et Hailu (2005) observent une augmentation du niveau de l’emploi après la privatisation respectivement en Côte d’ivoire et en Ethiopie. Par contre, Buchs (2003) a recensé des pertes d’emplois dans les entreprises privatisées dans un certain nombre de pays. Ces pertes atteindraient une proportion de 59% au Ghana, 10% dans le secteur minier et 30% dans le secteur non minier respectivement en Zambie entre 1991 et 2001, entre 30% et 50% en Tanzanie, autour de 36% au Bénin entre 1990 et 1996, et une faible proportion de 0,8% dans le secteur manufacturier au Mozambique entre 1991 et 1997. Selon le même auteur, une situation positive est observée en Côte d’Ivoire où l’emploi a augmenté de 3,9% en moyenne par an après la privatisation tandis qu’il baissait de 1% par an avant la privatisation. De même, au Burkina Faso, l’emploi dans les entreprises privatisées a légèrement augmenté entre 1993 et 1999.

Afeikhena Jerome (2008) après avoir évaluer l’impact de la privatisation sur la performance de trois firmes concurrentes privatisées au Nigeria révèle des améliorations significatives des indicateurs de performance tels que la rentabilité, les dépenses d’investissement et l’efficience opérationnelle. L’auteur remarque aussi de modestes pertes d’emplois dans deux des trois entreprises privatisées.

Etogo Nyaga (2012) a examiné l’impact de la privatisation sur la productivité de (9) neuf entreprises publiques camerounaises d’une part et sur le bien être des consommateurs d’autre part. Après avoir effectué une régression économétrique, l’auteur trouve que 4/9 soit 44,44% des entreprises privatisées de l’échantillon ont amélioré significativement leur productivité trois années après la privatisation. Il remarque aussi que les entreprises relevant du secteur primaire d’une part et des secteurs non-concurrentiels d’autre part, sont celles qui ont enregistré l’impact positif le plus marqué de la privatisation sur leur productivité.

2.3.2 Comparaison des performances des entreprises publiques et des entreprises privées

Plusieurs travaux ont tentés d’évaluer, sur le même marché, dans le même environnement et au même instant, les performances des entreprises qui ont des structures de propriété différentes, publiques ou privées.

Davies (1971) a comparé les performances de deux compagnies de transport aérien australiennes en situation de duopole. L’auteur conclut que Les firmes privées sont de 12 % à 100 % plus efficientes.

Petrovic et Jaffee (1977) ont entrepris de comparer les performances des firmes publiques et privés dans le domaine de la collecte des ordures ménagères dans 83 villes du Midwest américain afin de lever le voile sur les controverses entourant l’efficacité des secteurs publics et privés. Leurs travaux concluent que le coût de la collecte des ordures ménagères par les municipalités est 15% plus élevé que celui des firmes privées.

Caves et Christensen (1980) comparent la performance de productivité de deux entreprises concurrentes canadiennes des chemins de fer. Les deux grandes entreprises opèrent sur le même marché, elles ont des tailles semblables et toutes les deux sont soumises à la même compétition dans la période considérée. En utilisant l’indice de la productivité (rendement réel par unité d’input) comme mesure d’efficience technique, leurs résultats montrent l’inexistence d’une preuve en faveur d’une moindre inefficience de l’entreprise publique par rapport à celle privée. Ces résultats contredisent les hypothèses de la littérature sur les droits de propriété. Les auteurs concluent que c’est la concurrence dans le marché et non la propriété, qui est vraiment le facteur explicatif de l’efficacité.

Kim (1981) a entrepris de comparer les performances de 12 firmes publiques et 23 firmes privés en Tanzanie. L’auteur conclut que Les firmes privées sont plus efficientes que les firmes publiques (meilleure productivité de la main d’œuvre et profit net plus élevé).

Boardman et Vining (1989) ont entrepris quelques années plus tard des recherches similaires en comparant la performance de près de 500 entreprises privées, mixtes et publiques de l’industrie facturière et des mines établies hors des États-Unis en 1983. Les conclusions de ces recherches stipulent que les entreprises publiques ou mixtes sont moins profitables et moins efficaces que les entreprises privées anonymes. Ils notent également, que les entreprises mixtes sont moins efficaces que les entreprises publiques. La privatisation serait donc une nécessité parce qu’elle discipline les entreprises et conduit à une meilleure gestion dans la mesure où les marchés financiers soumettent les sociétés privées à une plus grande rigueur de gestion.

C’est du moins le constat que se permet de poser Nellis (1994). L’auteur soutient que les politiciens interfèrent moins dans le fonctionnement des firmes privées qui sont possédées et gérées par des actionnaires attentifs plutôt que par des bureaucrates désintéressés. La propriété selon Nellis (1994) serait donc la meilleure façon d’améliorer l’efficacité d’une entreprise.

Bien que la plupart des études empiriques met en évidence la supériorité des performances des entreprises privées sur leurs homologues publiques, on ne peut passer sous silence les résultats contradictoires obtenus par certains chercheurs. Ces divergences de résultats induites par la privatisation suggèrent si l’on se fie aux travaux de Cuirot et Villalonga (2000), Barberis et al. (1996) qu’il y aurait des variables contextuelles (processus de privatisation, environnement légal, économique et politique, facteurs organisationnels) à prendre en considération dans l’évaluation des incidences de la privatisation sur la performance des entreprises.

En dépit du fait que les privatisations aient été examinées dans un contexte africain de façon générale dans le cadre de divers travaux (Campbell et Bathia, 1998 ; Makalou, 1999 ; Nakoulma, 2000), l’existence de résultats empiriques contradictoires et peu d’études détaillées sur ce phénomène au Cameroun de manière spécifique justifient l’intérêt de l’étude de cas que nous proposons.

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