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2.2.1. Vers une approche collective des représentations individuelles

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C’est dans le domaine de la psychologie cognitive que nous allons extraire la signification première de la notion théorique de représentation. Dans son ouvrage « Image et cognition », Michel Denis souligne la complexité de cette notion à travers la polysémie du terme « représentation » auquel il convient de relever des acceptions (Denis, 1989 : 15). Nous allons n’en retenir ici que les plus pertinentes pour notre travail. Commençons par la définition générale qu’il en donne :

« Par représentation, nous désignons cette forme de l’activité humaine qui consiste à produire des symboles(33) ayant pour caractéristique de tenir lieu d’autres entités ». (Denis, 1989 : 1)

Continuons en dégageant les caractéristiques principales de ces représentations mentales. Remarquons d’abord que cette définition met l’emphase sur un processus (activité humaine), mais l’auteur ajoute plus loin qu’il s’agit aussi également du produit de ce processus(34) (Ibid : 16). Ensuite, « toute représentation est représentation de quelque chose » (Ibid : 19) sans en être pour autant une reproduction parfaite : la notion de représentation implique celles de transformation, de perte d’information, de réduction (Ibid : 22). « Il y a codage » (Ibid : 1). Enfin, retenons cette distinction importante : représentations-types et représentations-occurentes. Les premières concernent la mémoire à long terme et les informations que nous conservons d’un objet, comme l’exemple de Michel Denis avec la Tour Eiffel : c’est une image mentale durable à partir des informations que nous en avons (Ibid : 17). Les représentations-occurentes sont quant à elles des actualisations auxquelles l’individu va procéder à partir des représentations-types : une Tour Eiffel rouge par exemple. Celles-ci nous intéressent particulièrement, car elles sont sensibles à notre environnement comme nous l’explique Pierre Mannoni :

« … il y a lieu d’envisager la production des représentations mentales dans l’échange que chaque individu entretient avec son milieu, puisqu’aussi bien ce sont les caractéristiques du milieu qui, à travers les situations vécues, mettent en jeu la production de telle ou telle représentation mentale. Classiquement, on appelle ces représentations les représentations-occurentes. » (Mannoni, 1998 : 12)

Cette forme de représentations émerge donc obligatoirement d’un contexte. La prise en compte de l’environnement social d’un individu nous permet de comprendre comment ses représentations individuelles vont être partagées avec ses paires pour devenir des représentations collectives.

Pour expliquer cette modulation de concept, de représentation individuelle à représentation collective, Émile Durkeim prouve la nature indépendante des faits sociaux.

Pour ce faire, il procède à une analogie entre le système cérébral et le système social :

« Le rapport qui, dans la conception, unit le substrat social à la vie sociale est de tous points analogues à celui qu’on doit admettre entre le substrat physiologique et la vie psychique des individus. » (Durkheim, 1898 : 19)

Faits sociaux et faits psychiques sont donc de même nature. Jean Marie Seca résume parfaitement le raisonnement de Durkeim :

« Les représentations individuelles ayant une vie interdépendante du substrat matériel et neurophysiologique, le même raisonnement est alors tenu sur l’indépendance et l’extériorité des faits sociaux par rapport aux consciences individuelles. » (Seca, 2010 : p. 25)

« La même loi se retrouve donc dans les deux règnes » (Émile Durkheim, 1898 : 19). Ainsi, les représentations collectives sont le résultat d’une participation sociale : « les sentiments privés ne deviennent sociaux qu’en se combinant sous l’action des forces sui generis que développe l’association » (Durkheim, 1898 : 20). Les représentations collectives, une fois constituées dans la vie sociale d’un groupe dont elles dépendent dans un premier temps, deviennent des « réalités partiellement autonomes qui vivent d’une vie propre » dans un deuxième (Ibid : 23). Il y a donc activité de production de représentations issue de sa vie sociale : des représentations collectives. E. Durkeim militera ainsi pour une sociologie des représentations collectives qui étudie leur élaboration. Il distingue ainsi la sociologie qu’il considère comme étant la psychologie collective, et la psychologie individuelle, science de la mentalité chez l’individu, dont il s’oppose à son représentant contemporain, le précurseur de la psychiatrie britannique : Henry Maudsley. Cette différentiation marquera les prémices de la sociologie européenne en générale et francophone en particulier.

La notion de représentation collective chère à Durkeim passera pourtant aux oubliettes de la recherche en sociologie pendant plusieurs dizaines d’années. Il faudra attendre les années 60 pour que cette notion soit réinvestie et mise à jour par les chercheurs en sociologie, à commencer par le psychosociologue Serge Moscovici qui développera la théorie des représentations sociales (1961).

33 En italique dans le texte.
34 Même s’il note que ces deux acceptions sont source de « malentendus majeurs » (Denis, 1989 : 16), nous verrons plus loin qu’elles participent à la compréhension des représentations sociales.

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