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2) Présentation de la scène punk/hardcore

Non classé

Cette étude de cas ne s’intéresse donc ni à une zone géographique, à une classe sociale ou à une
classe d’âge mais à un mouvement culturel international et nécessite comme les autres un rappel
historique. Nous allons donc tenter de résumer 35 ans de punk.

La musique punk est née à Londres en 1976 avec des groupes aujourd’hui entrés dans l’histoire du
rock comme the Clash, the Sex Pistols, The Damned ou The Buzzcocks. Pour beaucoup, le
mouvement s’est éteint aussi vite qu’il avait surgi, en 1978, avec la mort du bassiste des Sex Pistols
Sid Vicious. D’ailleurs, l’un des ouvrages les plus complets sur cette période (« Punk. » de Stephen
Colegrave et Chris Sullivan) affirme que « L’ironie du punk, c’est qu’à peine baptisé et défini, il
cessa d’exister. »

« You can kill the protester
But you can’t kill the protest »
(Anti-Flag)

Alors, si les groupes précurseurs de Londres n’étaient effectivement plus d’actualité dans les années
80, la révolte et la musique punk avaient toutefois eu le temps de se propager, notamment aux Etats-
Unis, chez une jeunesse tout aussi révoltée. Après Thatcher en Angleterre, l’Amérique connaissait
l’ultra-conservatisme de Reagan. Les punks de Londres avaient montré que l’on pouvait former un
groupe de rock sans être un virtuose de la musique, mais étaient gérés par des managers qui
s’occupaient de la distribution, de la production, du merchandising des groupes. Les jeunes
américains du début des années 80 prouveront qu’en plus de faire soi-même de la musique qui nous
ressemble, on peut aussi créer des réseaux de production de disques et d’organisation de concerts :

c’est la naissance du Do It Yourself, ou DIY, Fais-le toi même, avec des groupes comme Dead
Kennedys (et le label Alternative Tentacles), Bad Religion (dont le guitariste Brett Gurewitz créera
vite Epitaph records, aujourd’hui l’un des plus gros labels indépendants du monde) ou encore Black
Flag. En 1981, le groupe canadien DOA sort un album intitulé « Hardcore 81 », et le terme noyau
dur, « hardcore » perdurera pour désigner ce mouvement musical alternatif.

Dans le même temps, au Royaume-Uni, naît (déjà !) le mouvement « punk’s not dead » avec les
groupes Exploited et GBH qui poussent la provocation encore un peu plus loin avec des looks
toujours plus extrêmes (crêtes colorées, blousons cloutés) et surtout une musique plus brutale et
rapide avec des paroles simples au slogans sans ambiguïté (« I believe in anarchy », « I hate cop
cars »). Parallèlement, des groupes comme Crass ou Discharge à Londres créent le mouvement
« Anarko-punk », plus politique que musical, et prônant un rejet total de la société telle que nous la
connaissons : c’est le début des squatts, du mouvement « vegan » (végétalien) et de la musique
crust.

La France voit quant à elle naître le « rock alternatif » (voir chapitre « punk en France »).
Depuis, avec des hauts et des bas, le mouvement punk/hardcore est actif sur la quasi-totalité de la
planète, de l’Argentine au Canada, de l’Espagne jusqu’au Japon, même l’Indonésie ou la Malaisie
produisent des groupes. Diverses branches musicales se sont créées (post-punk, crust, pop-punk,
psychobilly, grindcore, emocore, garage, et pléthore d’autres sous-sous-genres), et par souci de
simplification, nous utiliserons les termes punk ou hardcore suivant les groupes, et punk/hardcore
pour désigner la scène dans sa globalité. Aussi, de nouvelles structures ont vu le jour, de nouveaux
groupes ont pris le relais. Quand on parle de la culture punk (incluant donc non seulement la
musique mais également des films, livres, magazines ou sites internet ainsi que d’un certain
positionnement politique) on ne s’arrête donc pas à un pays ni même à un continent, et on ne
désigne pas non plus une classe sociale (comment pourrait-on confondre la classe ouvrière anglaise
et la classe ouvrière colombienne ?). Il s’agit d’une « supra-culture », liant des gens du monde entier
autour d’un mouvement culturel.

Cette idée de DIY a fait des émules, et aujourd’hui la scène fonctionne en circuit fermé,
indépendamment des salles de concerts et de l’industrie (déclinante) du disque. Il est donc facile de
trouver un café concert, de faire quelques affiches, de contacter quelques groupes et d’organiser soimême
un concert, sans subvention et sans sponsor. En général, conscients de cette situation et eux-
mêmes habitués à ce style de fonctionnement, les artistes ne demandent pas beaucoup d’argent pour
se produire et fournissent une partie du matériel de son.

Cela permet au mouvement de rester en dehors du système de subventions et la baisse ou la hausse
des aides publics en matière de spectacle vivant n’a guère d’incidence sur la fréquence des concerts
punks, là où les grosses structures vivent sous perfusion des collectivités. Ainsi François
Benhamou, dans « L’économie de la culture » en 2011 nous apprend que «L’Etat verse environ le
tiers des aides publiques aux grandes structures de création et de production (centres dramatiques
nationaux et régionaux, orchestres, opéras) et les collectivités locales les deux tiers. Les recettes
propres excèdent rarement 30% du budget (15% pour les orchestres permanents) ». Pour mon
concert les recettes propres ont représenté 230€ d’entrées + 30€ du bar soit 260€ sur un total de
360€ (même si le budget initialement prévu était de 450€), soit 72% du budget.

Pour de plus amples informations sur la situation économique du spectacle vivant en France,
consulter le rapport au ministre de la culture de Bernard Latarjet, « Pour un débat sur l’avenir du
spectacle vivant », Paris, 2004.

Ce fonctionnement basé sur l’initiative privée (et donc très souvent sur l’amateurisme) comporte
également son lot d’inconvénients : qualité souvent très moyenne du son (Brigitte Bop : « En
concert, on présente souvent les morceaux, mais c’est surtout prétexte à une blague ou à la
présentation du refrain, pour pallier la faible qualité sonore »), la promotion est parfois mal assurée
par les organisateurs s’ils ne sont pas habitués ou si les groupes ne les intéressent pas (et dans ce cas
là ce sont ces derniers qui sont lésés), non-reconnaissance par les professionnels du spectacle
vivant, beaucoup de difficultés pour les musiciens à devenir intermittents, et en ce qui me concerne
accès impossible à des données chiffrées officielles.

On arrive quand même à trouver bon nombre de formations, de productions et d’évènements
amateurs de grande qualité, ainsi : « Le développement des pratiques amateurs met parfois à mal la
frontière qui sépare le monde des amateurs de celui des professionnels. […] Cette particularité du
mode de socialisation professionnelle des artistes se manifeste notamment dans les musiques
populaires, du rock au rap, en passant par les musiques électroniques. Le brouillage des frontières
est redoublé par les progrès de l’informatique musicale, qui offrent à l’ensemble des musiciens
amateurs des possibilités techniques naguère seulement réservées aux professionnels […]. »
(Philippe Coulangeon, « Sociologie des pratiques culturelles », 2005).

« La première fois que je croise la route du punk, c’est quand on me met une affiche dans mon salon
de coiffure, Rock Hair, rue de la Ferronerie : une affiche qui annonce un concert des Sex Pistols au
Chalet du Lac. Une affiche qui ne ressemblait pas à une affiche. Avec des lettre découpées. Il y a dû
avoir au maximum dix affiches dans Paris. Des affiches fabriquées à la main. Et je me dis : là il se
passe un truc. Je décide donc d’aller au Chalet du Lac. Et là, je vois mon premier concert punk. Il
devait y avoir moins de 100 personnes. »

Rocky, coiffeur punk et premier manager de Métal Urbain.

Il en va de même pour l’édition (et le visuel en général), dominée par les « fanzines » amateurs dont
le plus célèbre est Maximum Rock’n Roll, basé à San Fransisco, crée en 1982 et qui existe toujours.
Depuis l’apparition du punk en 1976, les fanzines et les affiches en noir et blanc font partie
intégrante du mouvement.

Enfin, il faut savoir que généralement les paroles sont très importantes dans ces styles musicaux, où
l’engagement est bien vu, et où les paroles doivent le laisser transparaître. De même l’intégrité
artistique est essentielle pour qu’un groupe puisse se considérer et être considéré par ses pairs
comme « punk ».

La musique peut être de la meilleure qualité qui soit, si le groupe chante des chansons d’amour
« fleur bleue » dans une soirée promotionnelle pour un supermarché ou une marque de chaussure,
c’est le bannissement assuré de la scène punk. C’est pourquoi les groupes « mainstream » (célèbres
et diffusés en radio et télévision) comme Green Day ou Blink 182, musicalement punks, sont reniés
par la grande majorité des gens de la scène, aux Etats Unis comme en Europe : ils sont maquillés,
distribués par Universal Music ou une autre maison de disque « Major » (par opposition aux labels
indépendants comme ceux cités plus haut), tournent des clips pour MTV et vont jouer en Irak pour
les Marines américains. Il serait trop compliqué de rentrer dans la polémique « qui est punk et qui
ne l’est pas », mais il faut simplement garder à l’esprit qu’être une star, même avec des cheveux
rouges, des tatouages et des blousons à clous, n’est absolument pas punk. A ce titre, si les Sex
Pistols (qui avaient un manager et ont sorti leur unique disque sur EMI) faisaient la même chose
aujourd’hui, ils seraient haïs par les punks. Aujourd’hui encore, ce groupe est au centre de tous les
débats à cause de ça.

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