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§ 2. Comparaison

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I. Distinction entre Souveraineté permanente et domanialité

Le premier élément de différence qui distingue la souveraineté de la domanialité réside dans la détermination de la nature juridique ou du lien juridique qui unit l’Etat à son territoire. En effet, l’Etat tire de son titre deux sortes de pouvoir correspondant à la double nature de son territoire, à la fois étendue et chose.

Il est en premier lieu un objet concret, un bien propre à un usage, par l’Etat lui-même ou par des tiers ; de ce point de vue l’Etat a sur lui des pouvoirs de nature “ réelle ”, comme on dit d’un propriétaire qu’il a un droit réel sur son bien ; ce n’est pas à dire que l’Etat soit propriétaire de son territoire, car la propriété est légalement une institution de droit privé interne dérivée et ne peut être créée que par l’Etat lui-même. Il a un dominium, un pouvoir domanial, qui l’habilite à déterminer la condition légale de chaque portion du territoire et à exercer sur lui des pouvoirs purement matériels. C’est là un premier élément de différence.

En second lieu, le territoire est une étendue abstraite, à l’intérieur de laquelle se meuvent des personnes ; l’Etat exerce sur ces personnes un pouvoir d’un tout autre ordre, l’imperium, c’est à dire un pouvoir de les régir ; pouvoir qui n’a rien de “ réel ” car il n’intéresse pas le territoire en tant que chose, et qui n’a aucun équivalent en droit privé ; à vraie dire il ne s’exerce pas sur le territoire mais plutôt, sur des personnes qui sont à l’intérieur du territoire.

C’est là, la différence essentielle de ces deux concepts que nous allons expliciter davantage, pour en faire ressortir d’autres qui ne ressortent pas facilement. Le pouvoir domanial est une autorité sur le territoire, et le pouvoir “ impérial ” une autorité à raison du territoire (ratione loci) ; ils entretiennent des rapports étroits et l’analyse ne permet pas toujours de les dissocier.

I.1. Pouvoirs dans le territoire étendue

– Formes et manifestations : L’Etat a compétence pour régir les personnes et les objets qui sont sur son territoire ou qui y accèdent, et les situations qui sont rattachées spatiale ment à son territoire. On ne s’attardera pas ici à cette affirmation, qu’ on a développée au titre de la condition internationale des personnes et des biens ; qu’il suffise ici de rappeler que la “ compétence internationale” est l’aptitude, reconnue à l’Etat par le droit international, à régir légalement des personnes, des objets et des situations, dès lors qu’ils se trouvent sur , ou ont des rapports avec son territoire ; celui-ci, s’il n’est pas le seul support de l’autorité de l’Etat, est certainement le plus important parce que c’est sur son territoire que l’Etat jouit du pouvoir le plus effectif.

L’autorité de l’Etat sur son territoire s’exerce sous la forme normative ou sous la forme opérationnelle. Son pouvoir normatif consiste à faire des normes juridiques concernant les personnes, biens et situations qui y sont soumis : soit des règles, soit des normes individuelles : les règles en particulier résultent du droit interne, mais aussi des traités que l’État peut conclure avec d’autres, en raison précisément de la compétence qui lui est reconnue pour régir son territoire. Quant à son pouvoir opérationnel, il se manifeste dans des actions matérielles, c’est à dire ne comportant un aspect physique. Il n’importe pas ici de savoir si d’autres personnes que l’État territorial peuvent légalement exercer ces pouvoirs normatifs et opérationnels, mais seulement de constater qu’ils lui sont en tout cas reconnus.

– Degrés. -L’imperium de l’Etat sur son territoire comporte des degrés qui concernent tant sa compétence que l’usage qu’il en fait. D’abord sa compétence elle-même n’est pas toujours exclusive, puisque d’autres Etats peuvent dans une certaine mesure exercer la leur sur son territoire, chacun pour son compte. Mais surtout les pouvoirs dont dispose l’Etat à l’intérieur de la compétence exclusive qui lui reste reconnue dans un grand nombre de domaines concernant son territoire ne sont pas absolus, soit que l’Etat ait accepté de les limiter conventionnellement dans l’intérêt de certains autres Etats, soit que les limitations coutumières de son pouvoir discrétionnaire aient été dégagées dans l’intérêt de la communauté internationale.

Cela est particulièrement vrai dans les cas des communications internationales : pour autant que des parties de son territoire(espace maritime et aérien territoriaux) sont des supports de moyens de communication, le droit international limite le pouvoir de réglementation de l’Etat ; certes, aucune organisation internationale n’en use à sa place et il garde donc bien une compétence exclusive, mais il ne peut lui-même user de son pouvoir de réglementation que dans les limites résultant des règles internationales et doit tenir compte de ce que les autres Etats et leurs ressortissants ont un intérêt légitime à utiliser son territoire ; c’est ce qui conduit parfois à parler de “ servitudes internationales ”constituées sur ces parties de territoire.

De façon générale, l’appartenance d’un espace au territoire de l’Etat, si elle modifie le type de compétence qu’il y exerce, ne lui vaut pas nécessairement un capital de pouvoir important ; au contraire celui-ci ne cesse de s’amenuiser à mesure qu’on s’éloigne des espaces territoriaux “ purs ” vers les “ espaces d’intérêt international ”, et notamment vers ceux qui se trouvent à la périphérie du territoire étatique.

I.2. Pouvoirs sur le territoire-chose

L’Etat tire de son dominium et de son imperium le pouvoir de déterminer le régime foncier des éléments de son territoire. Il peut soit faire de l’ensemble de l’espace territorial le domaine de l’Etat, soit organiser un régime d’appropriation privée permettant de constituer des situations juridiques de propriétaires au profit des particuliers ; c’est là un choix politique interne auquel le droit international général est indifférent. C’est la raison d’être de l’article 34 de l’actuelle constitution.

2.1. Régime de la propriété privée

Dans les parties du territoire sur lesquelles des droits de propriété sont constitués dans le chef de particuliers, notamment étrangers, ils trouvent leur base dans le droit public interne et, on le sait, l’Etat peut toujours y porter atteinte en vertu de son pouvoir éminent, à moins qu’il se le soit internationalement interdit.

2.2. Régime de la domanialité

Dans les parties qui appartiennent à son domaine, il est loisible à l’Etat, au moins au regard du droit international, de s’en réserver l’exploitation, ou au contraire d’accorder à des particuliers, notamment étrangers, un accès aux ressources qu’elles renferment, des conditions qu’il détermine librement et qu’il peut modifier de même, sous réserve bien sur d’engagements internationaux contraires.

Des formules très variées peuvent être imaginées, notamment pour l’exploitation des ressources vivantes de la mer et des ressources minérales, terrestres et marines, dans la seule limite du principe de “ souveraineté permanente de l’État sur ses ressources naturelles ”.(supra, section 1ère).

La différence essentielle qui distingue souveraineté et domanialité se situe dans la nature juridique du territoire. Mais comment se définie le territoire ? On appelle “ territoire ”, l’ensemble des espaces sur lesquels un Etat particulier dispose d’un dominium exclusif et dans lesquels il dispose, en principe sur les sujets internes, d’un imperium exclusif ou concurrent, que leur rattachement spatial suffit à fonder. Ces pouvoirs résultent d’un titre légal comportant l’appropriation de l’espace par l’Etat.

En droit international comme en droit interne, en droit public comme en droit privé, tout espace peut être appréhendé de deux manières, comme étendue et comme chose, et se prête respectivement à deux sortes de pouvoirs, personnels et réels. C’est de cette distinction fondamentale qu’on doit partir pour identifier les deux genres entre lesquels se répartit l’espace.

1° L’espace comme étendue :

A ce titre il s’entend comme, un espace lieu d’exercice d’un imperium. La première fonction de la division de l’espace est de : offrir un critère qui permette de déterminer en quels lieux un Etat peut et en quels lieu il ne peut pas déployer sur une personne, un objet, une situation, …, des pouvoirs dont la base légale se trouve dans sa compétence sur le site de l’être qu’il veut soumettre à ses normes ou à qui il entend les appliquer. Les pouvoirs que les uns et les autres peuvent éventuellement détenir ici ou là sont donc des pouvoirs “ personnels ”, que leurs titulaires exercent non pas sur l’espace lui-même mais dans l’espace , à l’égard des personnes soumises à leurs normes et à leurs opérations d’exécution. Ils se rattachent à l’imperium des Etats, c’est à dire à leur autorité sur les sujets internes soumis à leurs compétence, et appartiennent par là à une forme de relation légale que le droit privé ignore et qui est propre au droit public, interne et international.

Toujours comme étendue, il s’entend comme un imperium et appropriation de l’espace. Parce qu’ils sont personnels, de tels pouvoirs ne supposent pas nécessairement que l’Etat ait sur l’espace où il les exercent un titre légal “ réel ”, parent de la propriété privée ou de la domanialité publique et comportant une appropriation. A vraie dire, l’espace étendue ne s’y prête pas parce qu’il n’y a rien à s’approprier : l’étendue est abstraite elle n’a pas plus de consistance matérielle que le “ ressort ” d’un organe administratif ou d’un tribunal, et les mots d’ “ appropriation territoriale ” dans ce premier sens ne sont qu’une métaphore destinée à exprimer la volonté de l’Etat d’exercer, dans les lieux qu’il revendique comme propres, des pouvoirs exclusifs et en général moins étroitement encadrés par le droit international, qui lui sont refusés dans les espaces qui ne lui appartiennent pas. Mais même dans ces derniers, on le sait, l’Etat dispose sur les personnes de pouvoirs fondés sur une compétence extraterritoriale ; c’est bien dire que leur existence, sinon leurs degrés et leurs modalités d’exercice, ne dépend en aucune manière d’un titre d’appropriation.

D’ailleurs, quoique ce soit exceptionnel, la compétence territoriale elle-même peut être reconnue à un Etat dans un espace qui n’est pas proprement le sien et sur lequel il n’a pas de “ titre ” territorial.

2° L’espace comme chose

Il s’entend comme espace, objet d’un dominium. Mais les espaces peuvent être aussi envisagés dans une perspective, qui nous est jusqu’à présent inconnue parce qu’elle ne concerne pas l’autorité sur les personnes mais la possession des choses. L’étendue abstraite et immatérielle qu’on avait en vue jusqu’à maintenant cède ici la place à un objet concret, fait de matière et sur lequel peuvent être constitués des “ pouvoirs réels ”, ceux qu’exerce un sujet de droit sur une chose, qui en font un bien et qui, contrairement aux précédents, ne sont pas propres au droit public.

Des tels pouvoirs sont reconnus à l’Etat dans l’ordre sous les espèces de la domanialité, statut des choses correspondant dans la sphère publique au statut de propriété dans la sphère privée : pouvoirs domaniaux, ou dominium, qui ne comportent pas de relation personnelle entre leur détenteur et d’autres personnes comme le fait l’imperium, mais seulement un rapport d’appartenance entre une chose et son détenteur, objectivement opposable aux autres personnes. Or des tels pouvoirs sont aussi reconnus à l’Etat dans l’ordre international, mais seulement sur son “ territoire ”, et c’est pourquoi la question de l’appropriation, encore relativement secondaire quand il s’agit de l’espace étendue, passe au premier plan dans le cas de l’espace-chose.

Toujours entendu de l’espace chose, dominium et appropriation de l’espace : – L’espace(78) est à la fois une chose et le contenant d’autres choses, les fruits et les produits ; l’une comme les autres peuvent faire l’objet de deux types de statut, d’appropriation ou de non appropriation. S’agissant d’abord de l’espace lui-même, son appropriation par un Etat en fait un élément de son “ territoire ” et lui confère les pouvoirs domaniaux internationaux qui sont afférents à cette qualité ; en particulier il lui appartiendra d’en user pour déterminer le statut interne, privé ou public des fonds appartenant à son territoire ; mais c’est dans l’exercice de son imperium qu’il fixera les conditions d’accès à ceux de ses fonds qu’il maintiendra dans son domaine et dont il lui appartiendra de déterminer le mode d’exploitation.

Si au contraire l’espace n’est pas incorporé au territoire d’un État, c’est qu’il n’est pas légalement appropriable. En effet, on le verra, aucun de ces espaces n’a plus aujourd’hui le statut de chose sans maître (res nullius), susceptible d’appropriation, mais n’appartenant encore à personne ; tous sont des choses communes (res communes) fermées à la constitution de titres territoriaux mais aptes à être utilisées par tous. Dans ces conditions, l’exercice d’un dominium(79) est exclu mais non celui de l’imperium des États qui, dans le cadre de leurs compétences extraterritoriales, définissent les conditions d’accès à l’espace international et à ses ressources.

Quant à ces dernières, qui tant qu’elles reposent encore dans l’espace international, sont elles-mêmes des choses sans maîtres (à moins qu’un statut international spécial ne les aient soustraites à une exploitation sous un régime national : cas de la zone internationale du fond des mers), leur statut une fois qu’elles en auront été tirées dépendra lui aussi de l’usage de leur imperium par les États de qui relèvent les personnes dont l’activité en fait des fruits ou des produits.

L’art. 9 de la constitution nous permet de ne pas tergiverser quant à la question de savoir le lieu où doit s’exercer cette souveraineté de l’État. Il précise très clairement que c’est sur le sol, sous sol, espace aérien, maritime et le plateau continental. Or tous ces espaces constituent parfaitement le domaine de l’État. Et donc on comprend par là, que la souveraineté de l ‘État a une assise territoriale sur laquelle elle doit s’exercer.

A l’article 9 de la loi n° 73 – 021 du 20 juillet 1973 portant régime des biens, régime foncier et immobilier et régime de sûretés, il est stipulé que “ les particuliers ont la libre disposition des biens qui leur appartiennent sauf les modifications établies par la loi ”. Ce que nous dit aussi l’article 34 de la constitution. Et “ les biens qui n’appartiennent pas à des particuliers ne sont administrés et ne peuvent être aliénés que dans les formes et suivant les règles qui leur sont particulières ”.

Cet article distingue en effet, les biens appartenant aux particuliers et les biens n’appartenant pas à des particuliers.

Mais la doctrine distingue les biens appartenant aux particuliers et ceux du domaine de l’État(80). Les biens domaniaux sont ceux qui appartiennent à la puissance publique(81), c’est-à-dire à l’État ou à ses subdivisions.

II. Rapport entre la Souveraineté permanente et le domaine éminent du droit du droit médiéval.

La notion de la souveraineté permanente se ressemble à bien d’égards à celle du domaine éminent(82), à tel point que leur distinction n’est pas toujours aisée à établir. On se rappellera que dans l’ancien droit, il était reconnu aux seigneurs un pouvoir auquel le droit de propriété était subordonné et qui s’étendait à l’ensemble des biens fonds situés dans les limites de son territoire. C’est ce qu’on appelle : domaine éminent.

Le domaine éminent du prince pouvait être défini comme le droit dont était investie l’autorité souveraine d’affecter, par priorité, les immeubles l’usage commun, de régler le régime des biens immeubles publics ou privés, d’organiser et de limiter l’usage de ces biens d’intérêt général et enfin de recueillir sous forme d’impôts une partie des fruits que produisent les biens. La notion de domaine éminent englobait dès lors l’ensemble des droits directs que le prince exerçait sur les terres faisant partie de sa seigneurie.

Compte tenu du domaine éminent, la propriété immobilière privée n’existait que dans les limites prévues et selon les modalités déterminées par l’autorité publique de plus, elle ne s’étendait pas au delà des avantages matériels qu’un particulier peut retirer de la propriété exclusive d’un fonds. Elle ne conférait au propriétaire aucun droit de nature politique mais seulement des droits d’ordre économique, c’est ce qui va s’appeler le domaine utile.

Le domaine utile ou domaine de propriété pouvait donc se définir comme le droit privatif d’user et de disposer d’un immeuble ainsi que de recueillir tous les fruits de nature économique qu’il peut produire dans les limites compatibles avec l’exercice du domaine éminent. Bien qu’abolie par la Révolution Française, le régime foncier de l’ancien droit ne paraît plus aujourd’hui étrange. Il est évident cependant, que la reforme a changé.

C’est ici que se révèle plus les points de ressemblances entre la souveraineté permanente et Domaine éminent du droit médiéval. Car, le titulaire du domaine éminent n’est plus le prince mais l’État qui est aussi titulaire de la souveraineté permanente. L’exercice de ce pouvoir ne se concrétise plus de la même manière, mais il s’agit toujours du même pouvoir auquel le Domaine de propriété est subordonné. Cette survivance du domaine éminent n’est pas en définitive fondamentalement différent du système mis en place dans les pays où le sol est nationalisé, comme la R.D.C., l’ex-URSS,… Dans ces pays, la propriété privée du sol a disparu. Dans les pays qui n’ont pas nationalisé le sol, les particuliers ne sont titulaires que du domaine utile. Que ce domaine utile résulte d’une concession perpétuelle ou d’un droit de propriété qui n’a plus d’absolue que de nom, cela change peu, nous révèle le professeur MUGANGU S.

78 Jean COMBACAUD, Droit International Public, Paris, p.123.
79 Idem. p. 124.
80 Jean COMBACAUD, op. cit., p. 125.
81 Ibidem.
82 Séverin MUGANGU, Domaine de l’État, urbanisme et aménagement du territoire, syllabus, inédit, L1 Droit, UCB, 1999-2000, p.69

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