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1.2.2 Le patrimoine culturel du domaine royal de M’bé

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Le patrimoine matériel

Le domaine royal de Mbé est composé d’un ensemble de sites liés à la culture et à l’histoire du peuple
Téké dont :

· La Cité de Mbé : capitale du royaume et résidence du Makoko (roi). Elle a connu des
déplacements incessants tout au long de l’histoire. La tradition culturelle Téké précoloniale
exigeait le déplacement de la capitale « Mbé » chaque fois qu’un roi venait à mourir. Le
Domaine royal de Mbé reste ainsi ponctué d’anciens sites ayant abrité la capitale du royaume
qui, par la suite, sont devenus des forêts sacrées. On peut citer :

– Mbé-Nkoulou, (ancien Mbé) où fut effectué selon la légende le partage des pouvoirs aux
différents sous-groupes Téké, au travers des Nkobi (divinités censées assurer la protection
chez les Téké).
– Nko où régna le Makoko Iloo 1er et Itiele où régna Makoko Mbaïndele.

· Les lieux associés au pouvoir royal et au système politique sont :

– Le village Ngabé, résidence de la Ngantsibi (Reine) et la source royale sacrée qui procure
l’eau de boisson pour le Makoko.
– Les chutes du Nkouembali sur la rivière Léfini, lieu sacré d’où est puisée l’eau utilisée à
l’intronisation du Makoko.
– La forêt sacrée d’Itiere : lieu d’internement et d’initiation des Ngantsibi, reines gardiennes
du Nkouembali (divinité suprême, code moral, et religion traditionnelle Téké) ; la reine dans
le royaume n’étant nullement l’épouse du roi est plutôt la gardienne du pouvoir en cas de
vacance de celui-ci.
– La forêt sacrée d’Ebala, où furent inhumés les dignitaires Téké jusqu’au règne du Roi Iloo
1er.

· Les lieux de mémoire du Domaine royal :

– La Forêt de Ndoua, ancienne réserve alimentaire du royaume, lieu de signature le 10
septembre 1880 d’un Traité célèbre entre l’explorateur français Pierre Savorgnan De
Brazza et le Roi Iloo 1er.
– La stèle d’Itiéle, symbolisant le lieu de massacre des hommes du Roi Mbaïndele par
ceux de De Brazza et le lieu où a été signé l’accord de paix entre les protagonistes.

Le patrimoine immatériel

L’une des caractéristiques du domaine royal réside dans le fait que le royaume est très présent dans
l’immatériel; on y trouve une forte présence des traditions et expressions orales, des arts du spectacle
(danses, transes…), des pratiques sociales, rituelles et événement festifs, des connaissances et
pratiques concernant la nature et l’univers, du savoir et du savoir faire liés à l’artisanat et à la médecine
traditionnelle(7). On trouve des formes d’expression culturelles très variées parmi lesquelles :

– Les traditions et expressions orales : les Téké sont restés fidèles à leur langue ou dialecte
appelée le «Tio ». Elle est la principale langue de communication et de transmission. Elle est le
socle de la sauvegarde de la culture Téké. La musique et la danse Téké livrent un spectacle
culturel au public, mais elles véhiculent aussi des informations et des messages d’inspiration,
d’édification et racontent d’une génération à l’autre l’histoire du royaume. Certaines musiques
et danses, dites sacrées, sont réservées au roi et aux initiés de la Cour royale. C’est le cas de
la danse « Ampiranton » qui est spécialement réservée au roi, à la reine, aux princes, aux
princesses et aux initiés. La danse du roi est restée originale et ancestrale depuis le premier
royaume. La deuxième danse appelée « Outierako », est celle réservée aux autres membres
de la cour royale et la troisième appelée « Imbalambala » est la danse populaire du Royaume.

– Les contes et les légendes Assami, vaste domaine de la littérature Téké, dans lesquels se
rencontrent à la fois les hommes (Bâri), les animaux (Agnama) et des autres êtres surnaturels
de l’univers comme Dieu (Ndjami), les fantômes (Afu). Les contes évoquent souvent des
évènements plus ou moins imaginaires situés très loin dans le passé, au commencement du
monde. A travers ceux-ci se dégagent aussi le perpétuel conflit de l’homme avec la nature et sa
lutte pour l’existence.

– Les chants des griots qui sont l’expression la plus vivante de la littérature orale. Le griot (Ndjim)
est tout l’art de raconter en chantant dans la plus belle poésie. Il intervient lors des solennités
(funérailles, mariages) et anoblit le personnage dont il chante les louanges. Le griot Téké est
l’artiste qui atteint même les coeurs les plus insensibles. Il surprend par son improvisation, son
aptitude à réciter pour tout client habitué ou nouveau, ses exploits et ses succès jusque dans
les détails les plus ténus. Dans la traditionnelle explication, on dit que, dans cet art sans
initiation, le griot est inspiré et qu’il bénéficie de l’assistance des esprits des ancêtres ; la
plupart d’entre eux sont habités par les mânes.

– Les croyances et religions. Le peuple Téké a toujours été adorateur de Nkoué-Mbali qui est un
esprit, un envoyé de Dieu sur terre venu pour mettre en place le royaume Téké et le protéger.
En évoquant Nkoué-Mbali, les hommes font allusion à une philosophie morale et politique dont
la préoccupation majeure serait de faire régner l’ordre parmi les habitants du royaume, les
âmes des vivants et des morts ensuite : lien réel entre les mondes du visible et de l’invisible, le
pouvoir mystique est une conciliation renouvelée avec les ancêtres de ladite terre.

– La sacralité des forêts qui assure la protection de la nature et l’entretien des lieux publics. En
effet, la forêt est conçue comme un lieu mythique et mystique où vivent les génies, les mânes
tutélaires et l’esprit des ancêtres ; c’est aussi le lieu indiqué de résidence des dieux qui sont
différents du Dieu Suprême : Nzambi a Mpungu. La forêt sacrée c’est le royaume des
ancêtres ; les animaux totémiques s’y trouvent. Elle peut être un ancien village où survivent les
âmes des ancêtres qui ne sont pas morts ou supposés morts et qui vivent en communion avec
les vivants. L’imbrication des valeurs naturelles et spirituelles fait l’originalité et l’intérêt de ces
sites(8).

– Le Savoir et Savoir-faire : Les Téké ont une grande connaissance de l’artisanat traditionnel
(fabrication du raphia, vannerie, poterie, forge pour la fabrication des outils aratoires, des
parures du roi et de la reine, etc.), l’habitat, la chasse et la pêche.

Enfin il y a la propriété foncière qui confère un caractère sacré à la nature. En effet, il y a des surfaces
sur lesquelles des familles exercent, en vertu de la coutume, un droit exclusif, non de propriété à
proprement parler, mais de jouissance. Aucun étranger n’y a accès sans l’autorisation des autorités
familiales compétentes et moyennant le paiement d’un droit d’accès limité et temporaire. Le clan
propriétaire foncier veille à l’exploitation de son domaine, à sa protection et donc à sa conservation. Les
pratiques rituelles ont un impact sur la conservation et la protection de la nature, elles peuvent être une
manière d’honorer les ancêtres, elles interdisent tout abus d’abattage, de chasse, de pêche et de
cueillette des produits de la brousse qui, très souvent, entraîne des sanctions du genre : perte de son
chemin de retour, raréfaction du gibier, du poisson, des fruits et autres produits de la forêt. C’est ainsi
que grâce à ces cultes et à la propriété foncière, on fait cesser les abus et se créent, par conséquent,
des “réserves naturelles” vieilles de plusieurs centaines d’années. La forêt sacrée est donc faite
d’interdits inviolables et on s’en sert décemment en pensant aux générations futures. C’est aussi elle
qui préserve la santé, procure la nourriture en un mot, c’est une source de vie pour les générations
d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Il y a ainsi une gestion logique intergénérationnelle et extragénérationnelle
qui va au-delà de toute considération magico religieuse. En effet, chaque génération en
respectant les interdits préserve le patrimoine, au profit des générations futures et ainsi de suite(9). Dans
ce sens les générations qui se succèdent entretiennent des liens étroits avec la nature par le respect et
la crainte du Nkwe Mbali qui est considéré comme un code moral, un esprit supérieur ou tutélaire du
royaume. Cet esprit recommande une justice au sein du royaume et châtie tout acte de violence et de
malice. Ce qui contribue fortement à la conservation de la culture Téké qui repose sur la paix.

On observe encore un bon nombre de détenteurs de connaissances, de savoir et de savoir-faire
(sachants et historiens). Ce qui pourrait faire l’objet d’un programme de « Trésors humains vivants » en
République du Congo pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel présent sur toute l’étendue
du territoire.

Les principales composantes physiques du domaine royal de Mbé ont gardé leurs emplacements
d’origine et leur caractère sacré. Les forêts sacrées qui ont remplacé les différentes cités royales sont
toujours visibles. Les rites et autres manifestations traditionnelles se sont perpétués jusqu’à nos jours ;
ils se pratiquent toujours et de manière intégrale dans le domaine. Ceux-ci sont toujours régis par le
code traditionnel Nkouembali. La force de ce domaine réside dans le respect de ce code qui régit non
seulement les rites liés à la désignation (Oushion), à l’investiture (Lisse) et aux funérailles (Nzo a
Nsuele) des hauts dignitaires, mais aussi au mode de gestion et de protection des lieux de sépulture
des anciens dignitaires, des lieux de mémoire du royaume, des sanctuaires et des forêts sacrées.
Toutefoi,s il convient d’indiquer que le Domaine est menacé par la pratique de la culture sur brûlis et
l’exploitation illicite des forêts. Par ailleurs, l’habitat traditionnel qui caractérisait la culture Téké a
disparu.

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