Depuis plusieurs années, les restructurations d’entreprises occupent le devant de la
scène économique et sociale, fréquemment médiatisées comme synonyme de déclin
d’activités, de fermetures de sites ou de réductions massives d’emplois. Toutefois, et dans une
acception plus large, les restructurations se doivent d’être appréhendées et comprises en tant
que modalités permanentes d’adaptation des composantes d’un système aux évolutions de ce
système, et non seulement comme une démarche s’inscrivant dans un contexte de crise
économique.
De ce postulat, et parce qu’elles obéissent à des tendances profondes
d’évolution, le caractère polymorphe des restructurations transparaît au regard de sa
typologie. On dénombre ainsi plusieurs formes de restructurations, dont les plus fréquentes
relèvent des catégories suivantes :
– Fusion : Si selon le lexique financier la fusion d’entreprise correspond à une
« opération par laquelle une ou plusieurs sociétés se réunissent pour n’en former plus qu’une
seule », l’expression « fusion d’entreprise » se voit fréquemment reléguée au profit de la
tautologie «fusion-acquisition ». Cette modalité particulière de fusion, prééminente dans la
plupart des secteurs d’activités aujourd’hui, s’explique par le fait que les processus de fusion
s’accompagnent régulièrement d’une opération d’acquisition par la société dite
« absorbante ». Ainsi, une « fusion-acquisition » se traduit juridiquement par la transmission
universelle du patrimoine d’une société à une autre société, une dissolution de la société
absorbée et un échange de droits sociaux.
Par ailleurs, et si les « fusions-acquisitions » s’opèrent d’ordinaire dans une
conjoncture de croissance économique dans le but d’augmenter le profit d’une entreprise, ce
type de restructuration conduit néanmoins à une diminution importante de la force de travail
au niveau d’un site particulier.
– Externalisation : Outil de gestion stratégique par excellence, l’externalisation désigne
le transfert de tout ou partie d’une fonction ou activité d’une organisation (entreprise ou
administration) vers un partenaire externe, et s’apparente parfois à une « délocalisation »
lorsque les biens sont produits à l’étranger avant d’être réimportés sur le marché d’origine.
Dans son acception première, externaliser consiste à faire réaliser par des intervenants
extérieurs des activités secondaires jugées non-essentielles et non stratégiques, permettant
ainsi à l’organisation de se concentrer sur son activité principale ou son coeur de métier.
Si elle donne l’opportunité aux entreprises de rester compétitive et de s’ouvrir à d’autres
marchés, l’objectif latent de cette forme de restructuration reste néanmoins la diminution des
coûts et s’interprète souvent par la réduction des effectifs.
– Délocalisation : Symbole de l’ouverture des économies et de la mondialisation, la
délocalisation consiste, pour une entreprise souvent transnationale, à changer de lieu une
unité de production pour l’implanter dans un pays où les conditions de production sont jugées
plus favorables. Si dans une seconde acception ce substantif peut également désigner le
recours à la sous-traitance proposée par une société étrangère afin de fournir des biens
auparavant produits localement, la délocalisation renvoie plus communément à l’ouverture
d’une unité productive à l’étranger, concomitante à la fermeture d’une unité locale et ce, sans
que la destination des biens produits en soit affectée.
Conséquence directe de la concurrence internationale, ce transfert d’activités, de
capitaux et d’emplois se dirige vers des régions du monde bénéficiant d’un avantage
compétitif et s’exprimant généralement par des coûts plus bas, reflets d’une main d’oeuvre peu
coûteuse, d’un meilleur accès aux ressources naturelles, ou encore d’une fiscalité et
réglementation plus attractives. Aussi, selon H. Boulhol (2004) et indépendamment de la
baisse tangentielle des activités industrielles au profit du secteur tertiaire en France, la perte
d’emplois liée au phénomène de délocalisation est estimée à 250 000 sur la période 1970-2002.
Cependant, si la délocalisation a pour caractéristique d’avoir théoriquement une
incidence négative directe sur l’emploi national, cet effet se doit d’être étudié et discuté eu
égard aux entreprises étrangères s’implantant en France, simultanément créatrices de
richesses et d’emplois(6).
Bien que non exhaustive, cette typologie des restructurations témoigne d’une
désindustrialisation manifeste en France et s’observe quotidiennement à travers le phénomène
épidémique des fermetures d’usines. En effet, si depuis les années 1990 les restructurations
industrielles occupent le devant de la scène économique et sociale, elles sont souvent
médiatisées comme synonymes de déclins d’activités, de réductions massives d’emplois ou
encore de fermeture de sites.
Impactés par un ralentissement de la progression du secteur automobile et une
concurrence accrue incitant les constructeurs à proposer des voitures toujours plus équipées
sans augmentation du prix, les équipementiers automobiles sont fortement concernés par les
restructurations, les baisses d’activité et les fermetures d’usines. à l’instar de la célèbre usine
Continental de Clairoix. À l’avenant, la non-reconduction d’un contrat de production, comme
le cas de la Toyota Yaris pour Visteon-Carvin, a conduit à un volume d’activité insuffisant
pour maintenir le niveau actuel d’emploi sur le site, suscitant suppression de postes, transfert
des salariés ainsi qu’une hypothétique fermeture du site.
Généralement considérées comme une crise temporaire affectant essentiellement la
structure, l’activité et l’emploi au sein de l’entreprise, les restructurations constituent un
véritable bouleversement sur le plan humain, engendrant des répercussions sur la santé
physique et mentale des salariés, mais aussi sur l’organisation et la productivité.
6 Voir Annexe : Répartition régionale des suppressions et créations d’emplois dues aux
restructurations en France, 2002-2006, Projet AgirE Rapport Final, Mai 2008.
